C ULTURE
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DU 31 AOÛT AU 9 SEPTEMBRE 2020 FINANCES NEWS HEBDO
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Rétrospective
◆ Voici de quoi attirer, comme l’abeille par le miel, les visiteurs ravis de l’aubaine. Il n’y a rien de mieux qu’une rétrospective avenante pour assouvir notre soif. Pour sûr, la Fondation nationale des musées (FNM) a remporté son défi. Haut la main ! «Les peintres marocains dans les collections nationales, de Ben Ali R’bati à nos jours» A vant d’y pénétrer, il importe de se laisser tenter par une flâne- rie tout autour du musée Mohammed Par R. K. Houdaïfa
tôt (1861), puis de tirer sa révé- rence aux sons du canon (1939). Sans que quiconque s’en émût, on l’oublia un certain moment. Transfuge, R’bati s’attacha viscé- ralement à Tanger, qui devint le seul objet de son engouement. Il en fut le scribe, consignant et pérennisant les charmes authen- tiques, avec l’ardeur des amoureux taraudés par la perspective que leur amour serait bientôt souillé. D’où l’altière indifférence que le peintre affiche envers les intru- sions occidentales. Il en résulte un univers intemporel, délicieuse- ment désuet, jalousement épuré. Une seule concession, et elle est de taille : « Pour le jeune homme, l’ailleurs se concrétisera dans la peinture. Non pas dans les sujets qu’il représentera, mais dans son choix de la peinture de chevalet, mode d’expression occidental qu’il est le premier Marocain à utili- ser », affirme Nicole de Pontcharra, qui passa au crible les œuvres de R’bati. L’expo incite le visiteur à pousser plus avant sa familiarité avec cet artiste qui gagne à être (re)découvert. Des œuvres qui irradient la grâce Honneur dont d’autres, occul- tant des vocations soudaines et secrètes du premier quart du siècle dernier où les peintres comme Abdessalam El Fassi Ben Larbi,
VI d'art moderne et contempo- rain (Rabat). Ici une sculpture se dresse sur votre chemin, là une autre vous interpelle, ailleurs une façade agrémentée de couleurs ravit votre regard… Après cette dégustation dans les règles de l’art, le visiteur, par les couleurs, les formes et les matières allé- chées, a tout le loisir de s’en repaître davantage, en accédant aux temples qui les logent. Ils sont nombreux. Dès le franchissement de la porte, le visiteur est happé par tant de splendeur. Inconnu à l’époque Pour avoir usé du chevalet, R’bati, auteur de scènes d’apparat, est considéré par certains comme le précurseur de l’art contemporain marocain. Or, il convient de com- mencer par rectifier l’erreur selon laquelle « la peinture est arrivée au Maroc dans les malles du colo- nialisme ». Ainsi que le rappelle Toni Maraini, dans la Revue Noire (1999), les maîtres artisans possé- daient, bien avant le protectorat, un outillage technique incluant couleurs, pigments, teintes, ver-
«L’Arbre et l'ange», tech- nique mixte sur toile (1997) de Mohamed Abouelouakar.
nis, mélanges, solvants, huiles, spatules, différents genres et tailles de pinceaux et de craie pour tracer les dessins sans les- quels ils n’auraient pas pu déco- rer, avec art et savoir, bois, plâtres, céramique et - surtout - enluminer les manuscrits, calligraphier les textes et peindre les miniatures. Bref, la peinture, du moins sous
sa forme savante, était présente avant l’irruption européenne. Qui connaît Mohamed Ben Ali R’bati ? En vérité, peu de gens. Pourtant, le personnage ne manque pas de stature. L’homme a été nanti d’un destin tumultueux, l’artiste pos- sède une belle envergure. Il eut la mauvaise fortune d’être né trop
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