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BOURSE & FINANCES

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 15 OCTOBRE 2020

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lier l’indépendance des auditeurs légaux et leur contrôle disciplinaire et judiciaire. Ces zones de précarité doivent faire l’objet d’un débat objectif, franc et éclairé entre toutes les parties prenantes, afin d’adopter des solutions concrètes, porteuses d’améliora- tions réelles des pratiques de l’audit légal dans notre pays. F.N.H. : Quid du devoir d’alerte et de vigilance des auditeurs légaux ? Pouvez-vous éclairer sur ces compo- santes particulières de l’audit légal ? S.E.H.S : Comme je me suis attachée à le démontrer dans mon ouvrage «La Corporate governance et la société anonyme maro- cain », l’auditeur légal assume -à côté des autres organes de gouvernance- un véritable rôle de «sentinelle de l’intérêt social». Il est vrai que ses diligences sont plurielles et qu’elles ne s’arrêtent pas uniquement à l’at- testation de régularité comptable. C’est jus- tement ce qui explique que dans une majeure partie des pays avancés, les législateurs mettent à la charge des auditeurs légaux un devoir de vigilance ainsi qu’une obligation d’alerte sociale. On estime, en effet, qu’un auditeur compétent et impliqué ne peut igno- rer, dans le cadre de l’accomplissement de ses diligences habituelles, les irrégularités les plus graves ni les menaces les plus sérieuses qui pèsent sur la continuité de l’activité de l’entreprise dans laquelle il intervient. Certes, cette obligation est définie par les juristes comme étant une obligation de moyens et non de résultat, de même qu’elle se conjugue à l’obligation de non-immixtion dans la ges- tion qui adoucit quelque peu sa portée. Il reste cependant qu’elle place l’auditeur légal au cœur du système de gouvernance des entreprises, en tant qu’agent de contrôle de la régularité juridique et comptable des entreprises. La responsabilité est le corollaire logique de cette ascension remarquable de l’auditeur légal au sein des entreprises. F.N.H. : La législation actuelle régis- sant l'activité de l'audit légal au Maroc consacre-t-elle une place significative au devoir d'alerte et de vigilance des commissaires aux comptes ? S.E.H.S : Considérant la position stratégique du commissaire aux comptes dans l’entre- prise, le législateur marocain lui confie des missions cruciales qui dépassent la seule certification légale des comptes. En effet, l’article 547 du code de commerce met à

La mise en liquidation judiciaire d’une entre- prise d’inté- rêt national, comme celle de la Samir,

pose des questions juridiques majeures.

de faillites d’entreprises ou d’irrégularités comptables et financières graves affectant leur gestion ? En tant qu’observatrice de la gouvernance des affaires, je m’interroge fortement quant à cette passivité judiciaire et ordinale. F.N.H. : Selon vous, dans quelle mesure l'affaire de la Samir, encore présente dans la mémoire collective, pourrait- elle servir de leçon au Maroc pour l'amélioration de l'activité de l'audit légal et éviter ainsi les travers ? S.E.H.S : Assurément, la mise en liquidation judiciaire d’une entreprise d’intérêt national, comme celle de la Samir, pose des questions juridiques majeures. Au-delà de la respon- sabilité des dirigeants et des administrateurs qui ne constitue pas ici notre propos, celle des auditeurs légaux est véritablement pré- occupante. Sachant que des irrégularités graves ont entaché la gestion comptable de la société dès 2004 : maquillage comp- table, transferts et pratiques abusifs intra- groupe, prélèvements financiers excessifs de l’actionnaire majoritaire etc. Comment se fait-il que de tels agissements aient été com- plètement ignorés par les commissaires aux comptes ? Comment se fait-il qu’en dépit du gouffre financier abyssal dans lequel s’en- fonçait la Samir, les auditeurs légaux aient complètement ignoré leur devoir d’alerte sociale et se soient abstenus de tirer la son- nette d’alarme ? Le silence assourdissant qui entoure ces anomalies, constitue en soi une aberration qui, à titre personnel, m’interpelle fortement. ◆

la charge du commissaire aux comptes un devoir d’alerte, qu’il doit exercer à chaque fois qu’il a des raisons sérieuses de croire que la continuité de l’entreprise est mena- cée. Dans une telle hypothèse, la loi l’habilite à alerter, d’abord le Conseil d’administra- tion, ensuite l’assemblée des actionnaires et enfin, le président du tribunal de commerce, le cas échéant (l’alerte externe). Cette mis- sion confiée à l’auditeur légal le consacre comme un acteur crucial de la prévention des difficultés des entreprises et de la sau- vegarde de la continuité de leur exploitation. Ce n’est donc pas au niveau de la loi que se situe le problème, mais plutôt à celui de son implémentation pratique. Comment se fait-il en effet qu’en dépit de l’existence de cet article, il n’ait jamais donné lieu à des poursuites judiciaires ou à des sanctions disciplinaires significatives, impliquant la res- ponsabilité des commissaires aux comptes, à l’occasion d’une mise en liquidation d’une entreprise ? Est-ce à dire que la pratique de nos auditeurs légaux est à ce point irré- prochable pour ne pas donner matière à questionner les auditeurs légaux à l’occasion La responsabilité est le corol- laire logique de cette ascension remarquable de l’auditeur légal au sein des entreprises.

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