FNH 999

14

BOURSE & FINANCES

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 15 OCTOBRE 2020

www.fnh.ma

maximale : des amendes de 1 million d’euros ainsi qu’une interdiction temporaire d’exer- cer à l’encontre des auditeurs impliqués. Le gendarme de l’audit leur reproche de «graves négligences», une «confiance excessive» et «une attitude imprudente». En réalité, l’en- quête diligentée depuis 2016 à l’initiative du nouveau dirigeant a montré que la société- mère de William Saurin a pratiqué une fraude

comptable à large échelle. Elle a, de longues années durant, gonflé le chiffre d’affaires à coup de factures fictives et dissi- mulé les pertes colossales de l’en- treprise (estimées à plus de 300 mil- lions d’euros). Ce maquillage comp- table a apparem-

L’auditeur légal assume -à côté des autres organes de gouvernance- un véri- table rôle de «sen- tinelle de l’intérêt social».

ment bénéficié de la complicité passive des auditeurs légaux, qui ont continué à certi- fier les comptes annuels de William Saurin, apportant le sceau de la confiance et de la régularité à l’entreprise, en dépit des graves irrégularités qui entachaient ses comptes. C’est principalement ce qui a été reproché aux commissaires aux comptes de William Saurin et c’est ce qui a justifié la réquisition de peines aussi lourdes à leur encontre. F.N.H. : Quel regard portez-vous sur l'audit légal, notamment celui des commissaires aux comptes au Maroc ? S.E.H.S : L’audit légal constitue une pro- fession clé qui conditionne la confiance des investisseurs et structure les pratiques finan- cières et comptables des entreprises. On a la chance au Maroc de pouvoir compter sur des professionnels compétents, experts dans leur domaine et conscients des enjeux majeurs liés à leurs fonctions. Cependant, ces professionnels exercent une mission particulièrement délicate et complexe, au cœur des conflits d’intérêt, à cheval entre le devoir de vigilance et celui de non-immixtion dans la gestion. Ce positionnement engendre des risques significatifs, qu’il est essentiel de juguler par un cadre réglementaire et insti- tutionnel adapté aux implications du métier. Je pense que c’est précisément à ce niveau que des faiblesses significatives existent dans notre droit et dans notre environnement institutionnel. Elles affectent à mon sens des aspects cruciaux de l’audit légal, en particu-

Ces zones de précarité de l’audit légal au Maroc ◆ Les commissaires aux comptes exercent une mission particulièrement délicate et complexe, au cœur des conflits d’intérêt, à cheval entre le devoir de vigilance et celui de non-immixtion dans la gestion. ◆ Ce positionnement engendre des risques significatifs, qu’il est essentiel de juguler par un cadre réglementaire et institutionnel adapté aux implications du métier. ◆ Spécialiste de la gouvernance d’entreprise et du droit des entreprises en diffi- culté, Selma El Hassani Sbai, également professeur universitaire de droit privé à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales Agdal Rabat (UMV), porte un regard objectif sur la pratique de l’audit légal au Maroc.

cruciale par les questions qu’elle suscite. Il est en effet rare qu’une profession aussi discrète et respectée que le commissariat aux comptes fasse l’objet d’un réquisitoire aussi sévère par l’instance disciplinaire. Il est vrai que le rapporteur général devant le Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C) en France a requis contre les commissaires aux comptes de William Saurin (dont deux célèbres cabinets, PWH et Mazars) la peine

Propos recueillis par M. Diao

Finances News Hebdo : L'affaire William Saurin, qui a défrayé récem- ment la chronique en France, montre quelque part les limites flagrantes de l'audit légal. Quels sont les enseigne- ments à tirer de cette affaire ? Selma El Hassani Sbai : Au-delà de l’anec- dote juridique, l’affaire William Saurin est

Made with FlippingBook flipbook maker