FNH N° 1058

F OCUS AGRICOLE

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JEUDI 17 MARS 2022 FINANCES NEWS HEBDO

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Déficit hydrique

Quel modèle agricole face aux sécheresses récurrentes ?

◆ Le Maroc a intérêt à privilégier les cultures adaptées à son climat. ◆ Le Plan Maroc Vert a soutenu des filières de niche grosses consommatrices d’eau.

filières plus rémunératrices. Cette orientation a eu des effets pervers, quand bien même son objectif était d’améliorer le reve- nu des exploitants. Résultat : les superficies dédiées aux céréales ont baissé et les résul- tats sont mitigés, car il était question de compenser par une hausse de la productivité. Mais avec la sécheresse, les récoltes ne sont pas au rendez-vous. «Le PMV est un modèle techni- ciste considérant l’agriculture un secteur comme les autres, alors qu’il était opportun de prendre en considération d’autres aspects, notamment l’environnement géographique et socioéconomique du Maroc. Le succès de la stratégie est dû en grande partie au fait que sa réalisation a coïncidé avec des années pluvieuses. Une fois la sécheresse s’est invitée, tout le système est devenu fragile. Des limites sont apparues, remet- tant en cause plusieurs choix» ,

souligne Rachid Maâroufi, pro- fesseur universitaire, spécialiste du monde rural à l’Université Hassan II de Casablanca. Le basculement des cultures céréalières vers d’autres filières a certes des avantages, mais il a aussi des inconvénients, surtout pour un pays semi-aride comme le nôtre. Il faut garder en mémoire que ces activités jouent un rôle d’appoint impor- tant pour les activités d’éle- vage. Changement de paradigme «Parmi les raisons ayant conduit à la flambée actuelle des prix des tomates, il y a le fait que les exploitations performantes se sont orientées vers l’export, marginalisant le marché local. De plus, certaines régions comme le Gharb et le Loukkos ont délaissé cette culture au profit des fruits rouges. Lesquels ont vu, sous l’effet de la hausse de l’offre, leur prix

Ce qui a poussé certaines associations locales à mon- ter au créneau pour dénoncer cette situation, à savoir qu’elle engendre une pression sur les ressources hydriques générant des problèmes d’approvision- nement non seulement pour les autres activités agricoles, mais aussi pour l’eau potable. «L’essor de la filière a permis d’augmenter les exportations du Maroc en pastèques de 44%, mais à quel prix ? Cette culture a généré une grave crise d’eau, puisqu’un hectare de pastèques consomme pas moins de 6.000 m 3 d’eau. L’exploitation abusive et intensive de la nappe a causé la salinité du sol et impacté la qualité des produits, pous- sant les exploitants à chercher d’autres zones dans la vallée de Draa, notamment Tata, pour lancer cette culture» , souligne Jamal Akchbabe, président de l’ONG «Les amis de l’environne- ment» à Zagora. Face à cette situation, le gouver- nement a été contraint d’impo- ser des restrictions à la culture de pastèque. Elle est interdite dans les régions oasiennes comme Tata. A Zagora, les superficies ont été réduites de plus de 70% et les autorités sont devenues intransigeantes en ce qui concerne le niveau d’utili- sation des ressources en eau. Le débit des puits est rigoureu- sement contrôlé et l’usage des techniques économes en eau, comme l’irrigation au goutte-à- goutte, est devenu obligatoire. ◆

L e Maroc traverse une saison de sécheresse inédite, l’une des plus compliquées des trente dernières années. Conséquence : le pays sera contraint d’importer une bonne partie de ses besoins alimen- taires de l’étranger, notamment le blé, les oléagineux et le sucre. Cette situation interpelle le gou- vernement quant aux stratégies adoptées, dont certaines ont montré leurs limites, à l’image des dispositions prises pour assurer l’autosuffisance alimen- taire. A titre d’exemple, le Plan Maroc Vert (PMV) a incité, à coup de subventions, les petits exploi- tants à se départir des cultures dites conventionnelles, comme les céréales, pour privilégier d’autres à forte valeur ajoutée comme l’arboriculture, les fruits rouges ou ou encore d’autres Par C. Jaidani

Le bascu- lement des cultures céréalières vers d’autres filières a certes des avantages, mais il a aussi des inconvé- nients, surtout pour un pays semi-aride comme le nôtre.

chuter au point que les exploitants ont enregistré des pertes importantes» , explique Maâroufi. Autre exemple et pas des moindres : la recherche des filières de niche a pous- sé certains agriculteurs à opter pour la culture de la pastèque dans la région de Draâ. Grâce au PMV, les superficies dédiées à cette

Un hectare de pas- tèques nécessite pas moins de 6.000 m 3 d’eau. Le gou- vernement a décidé d’imposer des res- trictions pour les exploitants opérant dans cette filière.

culture sont passées de 400 à 15.000 hectares. Mais cette plante est considérée comme grande consommatrice d’eau.

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