FNH N° 1083

T RIBUNE LIBRE

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JEUDI 3 NOVEMBRE 2022 FINANCES NEWS HEBDO

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Les contrats de nappe, entre acquis mitigés et contraintes L es phases de sécheresse que connaît le Maroc depuis ces dernières décennies ont été à l’origine de la prise de conscience de la gravité du impacter la disponibilité de cette res- source considérée longtemps comme inépuisable, dont l’accès est libre. Par Kinana Es-said Professeur et expert juriste en droit de l’environnement

SI la finalité du recours au contrat de nappe répond à des préoccupations tournées vers la maîtrise de la demande par l’arrêt des extensions et la gestion des prélèvements ainsi que la mobili- sation de ressources en eau par la réu- tilisation des eaux usées et la recharge de la nappe; les diagnostics et scé- narios relatifs à la rareté de cette res- source militent pour une prise en charge urgente du phénomène. Et ce, pour préserver les nappes surexploitées qui exigent la participation des utilisateurs d’eaux souterraines et des acteurs ins- titutionnels dans la perspective d’une exploitation et d’une gestion rationnelle, durable et équitable de ces ressources, fondée sur la contractualisation. La gestion des nappes par contrac- tualisation La contractualisation s’inspire des recommandations des instances inter- nationales de réflexion sur la gouver- nance en matière de gestion des eaux souterraines, et particulièrement de l’expérience française des contrats de milieux (des contrats de branche, de rivière, d’environnement et d’agglomé- ration), concrétisée dès 1990 par le contrat de nappe d’Alsace qui vise à réduire les pollutions de toute nature, notamment d’origine agricole et indus- trielle et l’intrusion saline. Il s’agit, dans sa version initiale, «d’une action volon- taire territorialisée, concertée et partici- pative qui se décline en un programme d’action avec un échéancier déterminé sur un site hydrologique bien défini» . L’appropriation de cet outil de contrac- tualisation entre usagers et gestion- naires de la ressource par le Maroc, expérimentée dès 2007, fait suite à l’ur- gence que connaissaient les nappes de Souss et de Mnasra (dans le bassin de

stress hydrique qui sévit dans notre pays. En témoigne le Discours de S.M. le Roi lors de l’ouverture de la nouvelle session du Parlement consacrée quasi exclusivement à cette problématique alarmante. En effet, si les politiques d’aménage- ment hydraulique entreprises à l’échelle nationale ont permis une gestion globale et intégrée de ces ressources, il n’en demeure pas moins que l’accroisse- ment des besoins en eau pour les sec- teurs agricole, industriel et l’eau potable constituent une pression constante sur les ressources actuelles. Celles- ci subissent à la fois les aléas d’une demande croissante et d’une offre de plus en plus impactée par des facteurs climatiques extrêmes, d’exploitation intensive et de pollution qui caracté- risent l’état de la ressource. La pression qui s’exerce sur les ressources en eau, extrêmement limitées et tributaires des facteurs climatiques, est aggravée par les niveaux de surexploitation et de pollution, du moins dans les régions de fortes concentrations industrielles où les processus naturels ne suffisent plus à en assurer l’épuration. Dans cette perspective, le nouveau régime de l’eau consacré par la loi nº 36-15 sur l’eau, qui constitue désormais le fondement juridique de la politique nationale de l’eau, vise à remédier aux dysfonc- tionnements sécrétés par la pratique concernant la gestion de la ressource afin d’en améliorer leur gouvernance. L’un des apports de la loi nº 36-15 sur l'eau est manifestement l’encadrement juridique de la gouvernance des eaux

souterraines, à travers le renforcement des outils de préservation et de gestion participative de la ressource par le biais des contrats de nappe et des milieux aquatiques. La gestion participative de l’eau par le contrat de nappe Il est essentiel de rappeler que l’exploi- tation des eaux des nappes s’inscrivait dans le patrimoine hydraulique séculaire marocain. L’eau est une source territo- riale; les droits d’eau y jacents reposent sur des normes et des coutumes ances- trales, dont la diversité reflète celle des besoins des communautés pour l’ali- mentation en eau potable et l’irrigation. Le système de captage et de distribu- tion d’eaux souterraines, qui repose essentiellement sur des puits, des séguias et des Khettaras, renseigne sur l'ancrage de la pratique participative qui a façonné l’organisation sociale dans plusieurs régions du Maroc. Cet ordre sera bouleversé par le recours massif à de nouvelles technologies de captage et de pompage qui vont lourdement

L’un des apports de la loi nº 36-15 sur l'eau est manifeste- ment l’enca- drement juri- dique de la gouvernance des eaux sou- terraines.

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