heurte à une autre donne tout aussi importante : le recul. La course à l’information induite par l’avènement du numérique fait- elle donc bon ménage avec le recul nécessaire au journaliste pour don- ner l’information juste, recoupée et crédible à la collectivité ? A cette interrogation, Anthony Bellanger, secrétaire général de la Fédération internationale des jour- nalistes (FIJ), apporte une réponse tranchée, en référence notamment à la charte d’éthique mondiale des journalistes de la FIJ. «La notion d’urgence ou d’immédiateté dans la diffusion de l’information ne pré- vaudra pas sur la vérification des faits, des sources et/ou de l’offre de réplique des personnes mises en cause» , a-t-il souligné à l’occa- sion de la Conférence internationale organisée à Tanger par le Conseil national de la presse (CNP), les 29 et 30 novembre, sous le thème «La refonte du journalisme : Comment les systèmes d’éthique et de res- ponsabilité des médias doivent-ils s’adapter» ? Pourtant, aujourd’hui, la porosité de la profession fait qu’il suffit d’avoir un site Internet pour s’autoprocla- mer journaliste, ou encore d’être actif sur les réseaux sociaux pour s’ériger en «journaliste citoyen» . Et, malheureusement, face à un public parfois crédule, les écrits, voire les fake news de ces journalistes autoproclamés peuvent avoir une certaine résonnance. Et il n’est pas rare également de voir des journalistes soi-disant pro- fessionnels céder justement aux sirènes de l’immédiateté, s’affran- chissant dès règles basiques dans le métier (vérification et recoupe- ment de l’information) et contri- buant ainsi à la diffusion de fausses informations dont les conséquences peuvent être fâcheuses. C’est la raison pour laquelle, selon le président de l’Observatoire de l’éthique dans les médias au Bénin, Eric Omar Sounouvy, il faut voir «comment utiliser le numérique et, de façon attitudinale, faire une grande démarcation entre une per- sonne quelconque qui peut écrire sur les médias sociaux et le com-
Recommandations
Pour cette conférence internationale, le CNP a vu les choses en grand. Ainsi, elle a connu la participation de responsables des conseils de presse étrangers ainsi que de plusieurs experts nationaux et internationaux, provenant de la Grande-Bretagne, de l’Irlande, du Canada, du Bénin, de la Palestine, du Pérou, du Cameroun, de la Belgique, de la Tunisie, des Etats-Unis et de la Somalie. Les débats riches qui ont ponctué cette manifestation, articulés autour du rôle des Conseils de presse, des médias en ligne & médias sociaux, des droits à la liberté de la presse et au respect de la vie privée et de l’avenir du journalisme, ont montré qu’il y a une multitude de modèles d’autorégulation du secteur de la presse qui diffèrent d’un pays à un autre, selon les spécificités locales. Et étant donné que chaque expérience a ses propres fondements et ses caractéristiques qui sont tous liés au contexte historique, il n’y a de ce fait pas un modèle de régulation standard ou unique. En cela, les différentes interventions ont permis de dégager un certain nombre de recommandations pertinentes pouvant permettre à la profession de mieux apprécier l’écosystème des médias actuel, à l’aune des mutations que subit son environnement. Elles se résument comme suit : • Eviter de parler de «fake news» et chercher des termes plus précis pour désigner la désinformation (un mot utilisé par l’ONU). Le Parlement européen fait la distinction entre «désinformation» et «mal-information». A l’origine, l’information fait référence à un travail journalistique professionnel et sérieux qui ne peut être fausse. Le concept de fake news est adopté par les politiciens pour contrer les couvertures médias qui ne sont pas à leur goût et qui ne reflètent pas leur orientation. • Redoubler d’effort pour rendre honneur au métier de journaliste à travers les institutions d’autorégulation afin de consacrer le droit du citoyen à une information crédible et équilibrée. Il faut donc mettre en œuvre des chartes d’éthique et veiller à leur application. • Partager les expériences des autres conseils et acteurs concernés au niveau régional, local et international afin d’établir de nouvelles chartes pour faire face aux différents défis. Il faut à cet égard privilégier l’approche participative. Le CNP a proposé que son expérience soit considérée comme pilote pour les autres pays, surtout ceux de la région MENA. • Travailler en étroite collaboration avec les différents opérateurs dans le secteur à travers l’instauration d’une plateforme qui lutte contre la désinformation. • Renforcer la présence de la presse professionnelle dans l’univers digital afin de barrer la route aux professionnels de la désinformation. • Réadapter les politiques dédiées au secteur des médias au niveau local et régional avec le renforcement des programmes de travail participatifs et intégrés, car un opérateur ne peut à lui seul faire face aux défis actuels, surtout avec les contraintes que posent les réseaux sociaux. Mais ensemble, les opérateurs peuvent résister, s’adapter et réussir. • Les journalistes doivent respecter les règles de déontologie et lutter contre la désinformation, dans un contexte caractérisé par la surabondance d’informations. • A l’avenir, toutes les études et enquêtes doivent être mises à la disposition des universités et des institutions d’enseignement. • Le contenu de la rencontre et tous les documents qui ont été proposés doivent être regroupés dans un livret.
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FINANCES NEWS HEBDO [ HORS-SÉRIE N°38 ]
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