FNH N° 1014 HD

S OCIÉTÉ

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FINANCES NEWS HEBDO VENDREDI 12 MARS 2021

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◆ L’auteur de «L’enfant égaré» est depuis 20 ans à la recherche de ses parents biologiques. ◆ Le Franco-marocain ne lésine pas sur les moyens pour sensibiliser à la cause des enfants volés à la naissance. Entretien. Brahim Kermaoui raconte son combat pour la vérité Enfants volés

Propos recueillis par ibtissam. Z.

Finances News Hebdo : Nul ne peut décrire le ressenti d’un enfant volé. La hantise de retrouver ses parents biologiques reste-t-elle intacte, malgré la présence des parents adoptifs ? Brahim Kermaoui : L’envie de retrou- ver mes parents reste effectivement intacte, c’est même une évidence. Psychologiquement, cela a été vraiment pénible, surtout quand les parents adop- tifs ne vous soutiennent pas. C’était une situation intenable à vivre. Au tout début, j’ai sombré dans l'alcool, la drogue ... Cette histoire a complètement chamboulé ma vie, mon parcours scolaire a été une catastrophe. Mais au fur et à mesure que je prenais de l’âge, j’ai pris conscience qu’il fallait me ressaisir et m’entourer de personnes positives pour rebondir. Faire de cette faiblesse une force pour avan- cer non pas pour moi, mais pour toutes les personnes qui se trouvent dans ma situation. Je sais pertinemment que c'est dur de se relever dans ce genre d’épreuve quand on est seul et sans soutien. F.N.H. : Vous avez porté et portez toujours le même combat, celui de retrouver un jour vos parents biologiques. Après tant d’années de recherches, d’où puisez-vous votre force ? B. K. : Ma seule motivation et ma rai- son de vivre sont qu’un jour proche je puisse retrouver mes parents biologiques. Certes, tous les combats nécessitent de la force, le mien, encore davantage. Parce que je me bats contre l’inconnu, contre

Pour me faire entendre, j'ai eu l'idée de faire le trajet Paris- Rabat en vélo, l’occasion aussi de solliciter la bienveillance de Sa Majesté le Roi Mohammed VI.

l’absence. Je suis une personne déterminée, je ne baisse jamais les bras et, surtout, j'ai la foi en Dieu. Je pense qu'il ne faut pas renon- cer dans ce combat; je me dis que j'ai un trousseau de clés et j'essaye de trouver la bonne. Au pire, j'aurais essayé de retrou- ver mes parents. F.N.H. : Vous portiez l’identité d’un enfant mort à la naissance. Qu’avez-vous ressenti quand vous avez fait cette découverte ? B. K. : J’avais un pincement au cœur, c’est horrible, j'ai fondu en larmes, difficile d’y croire. On ne voit ce genre de situation que dans les films. C’est de la fiction pour moi, m'échanger contre un bébé mort et par la suite m'abandonner ! J'ai mis du temps à me relever et la blessure est

toujours là. Je me dis pourquoi, pourquoi moi ? C’est lors d'une réunion à la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) en compagnie de ma mère adoptive, du directeur de l’établis- sement et des éducateurs, que j’ai su que j'étais adopté : j’avais 14 ans. Ma mère adoptive affirmait que j’ai été adopté au Maroc, que je lui coûtais trop cher et que désormais elle ne voulait plus de moi. Ce jour-là, tout s'est écroulé tel un château de cartes, je subissais un deuxième abandon. A 21 ans, je repars au Maroc pour essayer de trouver une explication à mon histoire et reconstituer petit à petit le puzzle de ma vie. Mes recherches m'amènent alors à Berkane, où je découvre que mes parents adoptifs avaient adopté un bébé prématuré et que, peu de temps

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