Carillon_2017_12_07

17 h, au salon de coiffure Le Barbier Yvon sur la rue Principale à Grenville. C’est ce jour que beaucoup de clients choisissent pour pouvoir rencontrer, se faire couper les cheveux et parler à une légende vivante de la paire de ciseaux. Des têtes et des cheveux, en 60 ans, il en a vu de tous les calibres, de toutes les couleurs et de toutes les dimensions. Et ça amême failli, à unmoment, faire basculer sa longue carrière barbue! « On est passé par plusieurs étapes, il y a eu la période de cheveux bien longs. Ce n’était pas un cadeau, ils n’aimaient plus se faire couper les cheveux. C’était une période dure, assez difficile, dans les années 1970, je pense, racontemélancoliquement le barbier. J’avais failli changer de métier et j’avais fait application à Amoco, la manufacture où on fabrique des tapis. Ce n’était pas drôle. » Mais une fois passée l’époque de la longueur, il devra composer avec celle de la petitesse et voir le monde à l’envers avec des cheveux que les clients exigent plutôt courts. « Après, on a eu des coupes de cheveux au rasoir, on fait bien court. On coupait les cheveux avec des ciseaux et on effilait au rasoir. C’est la coupe de cheveux au rasoir. Aujourd’hui, la plupart aiment (leurs Gilles Cyr n’est jamais allé par quatre chemins pour marteler qu’il n’est pas un coiffeur, mais un barbier. Pour lui, la différence est nette et claire comme de l’eau de roche. « J’ai toujours été considéré comme barbier, pas coiffeur. Je ne fais pas la teinture, je fais juste la coupe des cheveux, la barbe, le shampoing, ça, c’est barbier », a-t-il relaté. Selon lui, une chose importante distingue le coiffeur du barbier : la prise de rendez-vous. Avant d’aller voir le premier, il faut appeler et prendre un rendez-vous, ce qui n’est pas le cas chez le barbier qui fonctionne suivant le principe du « premier venu, premier servi ». On vient donc voir le barbier quand on veut, sans aucun rendez-vous, à en croireM. Cyr. Les deux corps de métier ne se ressemblent pas, quant à la durée du travail. « Les coiffeurs, eux ils font des permanentes. Ça dure une heure et demie à deux heures. Tandis que nous autres, notre travail dure à peu près 15 minutes », a-t-il estimé. Poteau du barbier Autre différence relevée par M. Cyr, le tour d’oreille avec le savon. Laméthode consiste à passer du savon autour des oreilles et à enlever, par la suite, lamousse formée avec un rasoir. La peau devient alors lisse à cet endroit, sans aucun cheveu. « Faire le tour d’oreille avec le savon et le rasoir après, comme cela se faisait 60 ans passés, je le fais encore. La plupart des nouveaux coiffeurs ne le font plus. Ils le font avec la petite tondeuse. Ils ont peur FRÉDÉRIC HOUNTONDJI frederic.hountondji@eap.on.ca

cheveux) coupés bien courts », réalise-t-il. Même s’il nous tient tête depuis plus de 60 ans, il y a encore bien des questions qu’il se pose sur nos têtes et nos mentons. Ces derniers ne veulent pas encore lui livrer tous leurs secrets. « Maintenant la barbe, on laisse aller. Quandmoi j’avais pris mon cours de barbier, en 1956, on apprenait à faire les cheveux moyennement courts, puis on rasait la barbe avec le rasoir. On n’en fait plus de ça. On en fait un de temps en temps. Ce n’est pas la majorité. Tu peux en faire un par deux à trois mois des fois. La barbe on laisse vraiment aller », découvre l’octogénaire qui manie l’humour avec dextérité, exactement comme il manie la tondeuse, le rasoir et la paire de ciseaux. Il aimerait savoir pourquoi cette dernière mode dans la coiffure, mais c’est comme pour lui, chercher une épingle dans une botte de barbe! « Ils se font couper les cheveux bien courts et se laissent pousser la barbe. Ils viennent ici avec une grosse barbe, et me disent, ‘’rase-moi la tête’’. Je ne sais pas pourquoi », pouffe-t-il de rire, devant ce qui est pour lui, unmystère bien décoiffant.

Barbier ou coiffeur, quelle est la différence?

Le poteau du barbier qui signale aux passants qu’il n’y a que Gilles Cyr

de couper le monde, ils ont peur de ça », a tranché le barbier, tout en riant et tout en nous montrant son rasoir. Le signe distinctif des barbiers reste, pour plusieurs, leur enseigne aux bandes bleues, blanches, rouges, qui identifie leur boutique. Elle prend son origine du fait que, par le passé, le barbier pouvait aussi arracher les dents et faire des interventions chirurgicales mineures avec ses instruments de travail. L’enseigne, encore appelée « poteau de barbier », rappelle le bâton que le patient serrait pour saigner. L’idée était de faire sortir le sang censé comporter des microbes. Nous étions alors au Moyen Âge.

Le Carillon, Hawkesbury ON.

3

Le jeudi 7 décembre 2017

Made with FlippingBook HTML5