FNH N° 1032 ook

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SOCIÉTÉ

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 29 & VENDREDI 30 JUILLET 2021

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F.N.H. : La tendance actuelle tend vers une 3ème dose. Selon vous, quel en serait l’intérêt ? Et concernant les vaccins homologués au Maroc, une troisième dose est-elle envisageable ? T. H. : Tout d’abord, il faut faire la différence entre un rappel et une 3ème dose. On sait que généralement, tous les vaccins, après un certain temps, perdent un peu de leur effica- cité, et c’est pour cela qu’il y a les rappels de manière à booster l’immunité qui a tendance, de manière naturelle, à s’estomper avec le temps. Nous avons des études sur les essais cliniques d’AstraZeneca ou Pfizer qui ont montré qu’une seule injection n’est pas suffisante, et qu’il faut deux prises pour produire assez d’anticorps. Seul Johnson & Johnson nécessite une seule dose. Avec l’évolution de la vaccination, de la maladie et l’émergence des variants, de nouvelles données sont apparues. On constate que chez les personnes vulnérables, âgées ou malades, la protection n’est pas maximale. Il serait donc intéressant de leur administrer une 3ème dose. Je cite comme exemple les personnes dialysées ou qui souffrent de cancer. Mais administrer systématiquement une 3ème dose aux personnes de plus de 50 ans, souffrant de maladies chroniques, est discutable. Il est judicieux d’attendre les résultats des études qui ont été effectuées pour connaître l’intérêt d’une troisième injection. Il y a également une 2 ème indication : c’est l’émergence des variants. Ces mutants affai- blissent l’efficacité des vaccins. Dans ce sens, une étude britannique a démontré que pour les vaccins qui étaient efficaces à 70-80% contre la souche classique, cette efficacité a été réduite à 50% contre le variant Alpha et à 30% pour le variant Delta. Cette constatation a été faite après l’administration de la 1ère dose; mais dès que la 2ème dose a été effective, l’efficacité se rétablit et revient à la normale, surtout pour les formes graves. Au Maroc, il est clair que pour les personnes atteintes de maladies graves ou très âgées, une 3ème dose est envisageable. De son côté, l’OMS n’est pas d’accord avec cette tendance de la 3ème dose, non pas par souci d’effica- cité, mais surtout par souci de priorité d’un point de vue éthique. Il est inadmissible que des nations envisagent la 3ème dose alors que des milliards d’individus n’ont même pas reçu leurs premières injections. Cette injustice vac- cinale ne va pas aider à freiner la pandémie, pour la simple raison que le virus continuera de circuler librement dans plusieurs pays dans le monde. Cela va générer plus de mutations, plus de variants, ce qui risque de prolonger la pandémie indéfiniment ou presque. ◆

L’OMS trouve inadmis- sible que des nations envisagent la 3 ème dose alors que des milliards d’individus n’ont même

pas reçu leurs pre- mières injections.

des plus éloquentes est : «Puisque nous sommes jeunes, que nous ne risquons pas grand-chose et que nous ne souffrons pas de maladies chroniques, devons-nous nous faire vacciner» ? Cette interrogation préoccupe cette tranche d’âge partout dans le monde. Il faut savoir que les Marocains se sont récon- ciliés avec la vaccination. Et pour cause, dans le Royaume, les enfants sont vaccinés à plus de 96%. Ce pourcentage est beaucoup plus élevé par rapport à d’autres pays occiden- taux. Les enfants sont vaccinés parce que leurs parents, qui sont encore jeunes, sont conscients de l’importance de la vaccination. Ils sont convaincus que la vaccination est efficace, protège et, surtout, elle sauve des vies. Nous avons aussi des sondages qui montrent que 80% des Marocains, avant la campagne de vaccination, avaient émis le souhait de se faire vacciner. En comparaison avec la France, 40% seulement de la popula- tion avaient exprimé leur intention de se faire vacciner. La France, faut-il le rappeler, est la nation qui connait la plus grande réticence à l’égard de la vaccination, une spécificité typi- quement française. Même si les jeunes ne développent pas de formes graves de la maladie, le risque zéro n’existe pas. Pour les moins de 40 ans, c’est 1/1.000. Pour chaque 1.000 cas, on a un décès et entre 6 et 8 cas en réanimation. C’est-à-dire que quelqu’un qui a 20 ou 30 ans et se porte bien n’a aucune garantie de ne pas attraper la covid-19, avec tout ce que cela comporte comme conséquence (réanimation ou carrément mourir). Ce taux de létalité de 1% est valable dans les circonstances «nor- males». Mais, quand nous avons un variant qui est très transmissible et une recrudes-

cence de l’épidémie qui s’aggrave, on aura des milliers de cas à cause de l’effondrement du système de santé. Seule la vaccination protège donc contre ce risque, aussi minime soit-il. Il faut retenir qu’une fois vaccinés, nous avons 12 fois moins de risque de trans- mettre la maladie. F.N.H. : Devant la nonchalance d’un grand nombre de citoyens, notamment les jeunes, ne serait-il pas judicieux de rendre la vaccination obligatoire ? T. H. : Nous ne nous sommes pas encore dans ce schéma de réticence vaccinale parmi les jeunes pour prendre des mesures plus strictes. Pour les personnes de plus de 60 ans, les choses se passent excellemment bien. Pour les 40-60 ans, nous avons déjà 70% de la population qui sont vaccinées, et nous espé- rons évoluer plus rapidement les jours à venir. Pour les trentenaires, nous nous souhaitons avoir une participation massive. Faudra-t-il rendre la vaccination obligatoire ? C’est une éventualité qui est discutée à l’échelle planétaire. Au Maroc, on demande le pass vaccinal en cas de déplacement ou voyage. Je pense qu’il va falloir élargir l’exigence d’un pass vaccinal à d’autres activités (restaurants, cafés, salles de sport, matchs, conférences). Il n’y a aucune raison de laisser quelqu’un qui ne veut ni se protéger ni protéger autrui, faire régner sa propre loi. Les personnes non vac- cinées n’ont pas le droit de se déplacer sans précaution, répandre le virus et faire prolonger la pandémie. Il faut instaurer et inclure le pass vaccinal dans nos activités quotidiennes, et je pense que ce sera largement suffisant pour persuader les plus réticents des jeunes à se faire vacciner.

Au Maroc, on demande le pass vacci- nal en cas de déplacement ou de voyage. Je pense qu’il va falloir l’élargir aux autres activi- tés.

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