FNH N° 1032 ook

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SOCIÉTÉ

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 29 & VENDREDI 30 JUILLET 2021

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Covid-19 Les chiffres très inquiétants de la pandémie

◆ Le nombre de cas a été multiplié par 20 et celui des personnes en réanimation ou soins intensifs a doublé depuis le 21 juin dernier. ◆ Jaâfar Heikel, épidémiologiste, professeur de médecine préventive, spécialiste des maladies infectieuses et économiste de la santé, fait le point sur la situation épidémiologique.

conduisent-elles à moins de formes graves, notam- ment grâce à la vaccina- tion ? J. H. : En effet, le nombre d’infections aurait pu être beau- coup plus important si nous n’avions pas une grande par- tie de la population vaccinée. Je rappelle à cet effet que le Maroc a fait des efforts très importants, car nous avons 10 millions de personnes qui ont reçu les deux doses du vac- cin, soit à peu près 33% de la population cible. Aujourd’hui, nous savons qu’une personne vaccinée réduit ses chances d’être infectée d’à peu près 80%. Elle est donc protégée contre le virus et protège les autres citoyens aussi. Et quand elle est infectée, il n’y a pas de grands risques à ce qu’elle soit hospitalisée. F.N.H. : Sur quel plan cette recrudescence des contaminations pose-t- elle problème ? J. H. : Cette recrudescence est problématique parce qu’elle va mettre sous pression le sys- tème de santé et la prise en charge des patients aussi bien dans les hôpitaux publics que dans les cliniques privées. Il faut être très prudent, car les indicateurs épidémiologiques montrent une progression de paramètres alarmants, qui sont le nombre de cas qui a été mul- tiplié par 20 fois et la hausse des tests de positivité qui était

à 1,5%, et qui est presque arri- vée à 20%. Il y a aussi une augmentation des patients sous supervision médicale : de 3.500 personnes au 21 juin, nous sommes passés à 20.000 actuellement. L’autre indicateur inquiétant, c’est le nombre de personnes nécessitant une réa- nimation ou des soins intensifs. Ce chiffre était aux alentours de 205 au 21 juin 2021; il est d’en- viron 500 maintenant. Ces don- nées montrent l’entame d’une deuxième grosse vague qui doit nous inciter à énormément de prudence et de vigilance, à mul- tiplier les tests et à l’isolement des personnes malades et des cas contacts. Mais surtout, il faut maintenir les gestes bar- rières et poursuivre la stratégie vaccinale pour l’atteinte, d’ici la fin d’année, d’au moins 70% de la population cible. Mais la bonne nouvelle, c’est que le niveau de guérison est de 95%. F.N.H. : Quels sont les moyens à mettre en place pour minimiser le risque de contamination ? J. H. : Je pense que pour évi- ter les problématiques liées aux risques de contamination aussi bien pour les personnes vaccinées que non-vaccinées, il faut appliquer des mesures restrictives. Nous n’allons pas pénaliser les 10 millions de Marocains qui ont été vacci- nés par les deux doses si nous devons organiser un certain nombre d’activités et de fêtes

Propos recueillis par B. Chaou

Finances News Hebdo : Quels sont les facteurs qui ont conduit à la hausse des cas ces der- nières semaines ? Jaâfar Heikel : La courbe des contaminations actuelles de la covid-19, dans le contexte marocain, montre que nous sommes réellement entrés dans une phase de deuxième vague. Nous avions avant une courbe de Gauss (ou courbe en cloche), mais aujourd’hui il s’agit vraiment d’une recru- descence des cas. C’est pour ça que je l’appelle une «véri- table deuxième vague». Cette dernière s’explique par une conjonction de plusieurs fac- teurs, dont l’augmentation du brassage populationnel depuis le 21 juin, aussi du fait que les personnes se sont relâchées, c’est-à-dire que le respect des mesures barrières a malheureu- sement été très réduit. Et fina- lement, l’existence de manière dominante sur le territoire marocain des variants Alpha et Delta, appelés aussi, respecti- vement, les variants britannique et indien. Voici les facteurs qui expliquent globalement l’explo- sion des cas de contamination au Maroc. F.N.H. : Comparativement à l'année précédente, les contaminations actuelles

qui sont importantes pour la vie sociale et économique. Là, je pense aux traiteurs, aux restau- rants, aux cafés, aux hôtels… Il faut faire en sorte que l’accès soit réservé aux personnes vac- cinées ou au moins aux per- sonnes ayant un test négatif. Je pense sincèrement que cela permettrait d’équilibrer entre le sanitaire, le social et l’écono- mique et irait dans l’intérêt de tous en attendant que nous atteignions l’immunité collec- tive. F.N.H. : Ce ne serait pas vu comme de la discrimi- nation ? J. H. : Non. Il ne s’agit pas de discrimination, mais simple- ment de faire en sorte que nous puissions en même temps se vacciner et se protéger les uns les autres. L’objectif est aussi de ne pas bloquer ou arrêter l’activité sociale et économique au sein du pays, d’une région ou à l’intérieur d’une même ville. ◆

Le nombre de patients sous supervision médicale est passé de 3.500 per- sonnes au 21 juin à 20.000 actuellement.

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