Carillon_2014_10_22

Un géant de la presse communautaire s’éteint ACTUALITÉ

editionap.ca

retour de son père qui, le jeudi soir, rap- porte avec lui un exemplaire du journal Le Moniteur. Bien qu’à l’époque les huit pages ne renferment principalement que les comptes-rendus du conseil municipal et du conseil régional, l’adolescent lit chaque page, incluant la publicité, avec un intérêt peu commun. Il a d’ailleurs un interlocuteur de choix pour en discuter. Son père, Eugène Paquette, est greffier-trésorier de la Ville de Hawkesbury. André Paquette sait d’ores et déjà qu’il veut être journaliste. Après ses études au Juniorat du Sacré- Cœur à Ottawa, le jeune homme devient correspondant pour l’ Ottawa Journal et la Montreal Gazette . Il signe également quelques articles pour The Review de Van- kleek Hill. Mais c’est en faisant son entrée au journal Le Carillon , en 1947, qu’il se sent vraiment investi de sa mission. Il est rédac- teur sportif. Il n’est pas rémunéré pour au- tant mais touche quelques commissions comme vendeur de publicité. Alors que le fondateur propriétaire, Antonio Bussière de Rigaud, veut cesser ses activités après un an seulement d’opération, le jeune Paquette, qui n’a que 20 ans, se porte volontaire. Et c’est ainsi qu’il en devient propriétaire en 1948. À l’aube de la trentaine, André Paquette pose les premières pierres de son empire. Il achète d’abord l’Imprimerie Prescott et Russell, en 1957, qui lui permettra d’impri- mer lui-même son journal. Il déménagera ensuite le commerce, situé à Plantagenet, dans ses locaux de la rue Atlantique à Hawkesbury. Pour rentabiliser cet inves- tissement, il met d’abord la main sur Le Moniteu r et The Echo de Hawkesbury. Il acquiert ensuite le journal The Northern Tribune de Kapuskasing, en 1961. Sur cette belle lancée, M. Paquette fonde le Journal de Cornwall avec son fils Michel et Roger Duplantie, en 1977, de même qu’il fonde L’Express d’Orléans , en 1983. Les acquisitions se succèdent avec le journal Bonjour Chez-Nous , de Rockland, L’Express de Hawkesbury, Le Progrès , L’Argenteuil et The Watchman de Lachute, La Tribune de Hawkesbury, jusqu’au Vision de Rockland, en 2005. Depuis, le Bonjour Chez-Nous et l’Express d’Orléans ont été revendus. Son successeur et actuel propriétaire de la Com- pagnie d’édition André Paquette, Bertrand Castonguay, ajoutera à la liste les journaux, Le Reflet et The News en 2008 (devenu de- puis, Le Reflet/The News ). André Paquette aura été, tout au long de sa carrière, à l’affut des percées technolo- giques et sera, à ce titre, le premier à faire l’acquisition d’une presse offset dans la ré- gion, en 1964. En 1970, il suivra le progrès en effectuant la conversion de la composi- tion typographique au plomb à la typogra- phie sur ordinateur. Il poursuivra dans cette veine et sera toujours parmi les premiers à mettre de l’avant l’innovation, jusqu’à pou- voir imprimer 32 pages à la fois, couleurs inclues, une première encore dans la région en 1984. En 1998, au sommet d’une liste impres- sionnante de réalisations, André Paquette vend 51% de ses parts à son neveu et di- recteur général, Bertrand Castonguay et lui cèdera le restant en 2008. Sa présence demeurera toutefois omniprésente, même encore aujourd’hui, dans les nouveaux lo- caux construits en 2007, à l’angle des rues Aberdeen et Cameron.

CHANTAL QUIRION chantal.quirion@eap.on.ca

HAWKESBURY | Une figure importante de la presse communautaire au Canada n’est plus. André Paquette s’est éteint le 20 octobre à l’âge de 86 ans, entouré de sa famille, à Hawkesbury. Bien que retiré des affaires, le fondateur de La Compagnie d’Édition André Paquette Inc. a, jusqu’à son dernier souffle, scruté avec la même avidité chacune des lignes publiées dans les six journaux rassemblés sous la coupe de son nom, appelant encore à l’occasion les journalistes pour les félici- ter ou attirer leur attention sur des pistes à explorer. Bien qu’à la retraite, le fondateur de La Compagnie d’édition André Paquette Inc., compagnie éditrice des journaux Le Carillon et la Tribune-Express de Hawkesbury, L’Ar- genteuil de Lachute, Le Journal de Cornwall , Vision de Rockland et le Reflet-News d’Em- brun, a, jusqu’à son dernier souffle, scruté avec la même avidité chacune des lignes publiées dans les six journaux rassemblés sous la coupe de son nom, appelant encore à l’occasion les journalistes pour les félici- ter ou attirer leur attention sur des pistes à explorer. Rien ne lui échappait, en commençant par le contenu du Carillon, journal qui lui était si cher puisqu’il a marqué le début de sa grande aventure journalistique. Il se plaisait d’ailleurs souvent à rappeler com- ment il avait acquis cette publication en 1948, pour la somme de 1$. Le jeune et enthousiaste journaliste sportif de l’époque allait alors devoir demander l’appui de son père Eugène, n’ayant même pas l’âge légal de contracter un tel engagement. Hormis ses parents, il était probablement le seul à croire en l’avenir d’une telle entreprise. Dès lors, il allait imposer une nouvelle culture dans l’approche publicitaire et ériger les bases du marketing local, pilier encore aujourd’hui de l’édition. Les fonde- ments financiers plus solides, le nouveau propriétaire allait tout autant décider des batailles à mener et des dossiers chauds à mettre sur la sellette. Aussi, pendant de nombreuses années, sa foi catholique pro- fondément enracinée a marqué le contenu éditorial et dicté ses prises de positions. On le connaissait pour son fervent natio- nalisme et sa fierté envers la nation cana- dienne-française. À travers moult changements technolo- giques et autant d’investissements auda- cieux, le journaliste devenu homme d’af- faires s’est positionné comme interlocuteur de taille sur l’échiquier des hebdomadaires, non seulement dans la région mais égale- ment au pays, jouant un rôle de premier plan dans la création de l’Association de la presse francophone, en 1976. Membre fondateur, il en a assuré la présidence un temps, œuvrant à la vitalité d’une presse communautaire francophone d’un bout à l’autre du Canada. Parti de rien, il s’est retrouvé, au fil des dé- cennies, à la tête de 15 hebdomadaires et d’une imprimerie. Certains ont été vendus, certains conservés mais chacune de ses dé- cisions d’affaires a contribué à solidifier l’en- treprise, devenue fleuron de la culture et de l’économie dans l’Est ontarien et l’Ouest

Journaliste et homme d’affaires, André Paquette s’est positionné comme un interlocuteur de taille sur l’échiquier des hebdomadaires.

débuts. Sa compréhension face à un époux plus souvent au bureau qu’à la maison lui a été infiniment précieuse. Il en va de même pour les enfants qui, plus tard, se sont joints à l’entreprise. Ainsi, Michel, Marc, Marie-An- drée et Suzanne ont donné pendant de lon- gues années le caractère familial très cher à son fondateur. Nul ne s’étonnera que son successeur, Bertrand Castonguay, soit son neveu. Fier de ses réalisations, l’homme a tou- jours souligné l’importance des gens qui ont cru en lui, malgré l’aspect téméraire de l’entreprise à l’époque. Ses parents et son épouse lui ont été d’un grand support à cet égard. Cette dernière, d’ailleurs, avait même menacé de lui remettre sa bague alors qu’il avait jonglé quelques instants avec l’idée d’abandonner. Ils étaient alors fiancés. Son frère, Gérard, qui lui a prêté les 500$ nécessaires pour compléter la mise de fonds pour l’achat de l’Imprimerie Pres- cott et Russell, une grosse somme en 1957, figure aussi en tête de liste de ce palmarès. André Paquette nourrissait la même recon- naissance à l’endroit de sa sœur, Marie, et de son beau-frère, Briand, qui lui louaient leur salon pour une bouchée de pain pour s’en servir comme bureau, dans ces années cruciales. Son ami d’enfance, Gérald Préfon- taine, devenu par la suite son comptable, comptait tout autant à ses yeux. Il parlait avec autant d’émotion de Bernard Danis, son premier employé et associé pendant 25 ans et de Fernand Gauthier, son indispen- sable bras droit, à compter de 1957, pour les 55 prochaines années. Tout au long de sa vie, M. Paquette n’a eu que de bons mots pour les nombreux col- laborateurs, employés et lecteurs qui ont croisé sa route et tous ceux qui l’ont aidé à accomplir sa destinée, «sa belle histoire d’amour», comme il aimait le dire. À l’image de ses espoirs, sa vie personnelle s’est avérée tout aussi accomplie, ayant tou- jours eu auprès de lui les membres de sa famille, un clan tissé serré. Un peu d’histoire L’histoire commence d’abord par une grande passion. Déjà à l’âge de 12 ans, André Paquette attend avec impatience le

québécois. L’entreprise emploie aujourd’hui 140 personnes. Déjà, en 1967, André Paquette avait été désigné comme l’un des 10 jeunes hommes les plus remarquables de l’Ontario. Cette contribution au rayonnement de la vita- lité communautaire lui valait aussi d’être admis à l’Ordre du Canada, en 1983. Cette distinction, remise en présence du premier ministre de l’époque Pierre Elliot Trudeau, compte au nombre des moments qu’il a particulièrement chéri. En 1984, Le Carillon était acclamé par la Canadian Community Newspapers Associa- tion comme étant le meilleur journal de sa catégorie au Canada, autre honneur pour ce grand homme de l’édition. Au cours des années, plusieurs honneurs lui ont été décernés, dont la Médaille com- mémorative de la Confédération du Canada, en 1992, et la Médaille du jubilé à l›occasion du 50 e anniversaire de l’accession de Sa Ma- jesté la reine Elisabeth au trône, en 2002. En 1994, il a été fait Chevalier de l’Ordre de la Pléiade par l’Assemblée internationale des parlementaires de langue française. Puis, couronnant un parcours exception- nel, M. Paquette a été admis à l’Ordre de la francophonie de Prescott et Russell, en 2007, en compagnie de son fidèle bras droit, Fernand Gauthier. On leur attribuait alors le mérite d’avoir, «grâce à leur leadership ex- ceptionnel, doté les francophones, notam- ment, d’un outil de développement crucial, un organe de presse qui soit le reflet de leur culture et de leur fierté.» Travailleur acharné, André Paquette n’a compté ni ses heures ni sa peine, trou- vant même le temps de s’engager auprès de sa communauté. Il a été, notamment, président fondateur de la Chambre de commerce des jeunes de Hawkesbury, pré- sident de la Caisse populaire de Hawkes- bury, membre du Club Richelieu et membre fondateur du Comptoir populaire et de la Société historique de Hawkesbury. On l’a également vu œuvrer comme bénévole pour la Société canadienne du cancer. Son épouse, Thérèse, demeure intime- ment liée à ses succès, l’épaulant même dans la vente des abonnements dès les

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