FNH N° 1097

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BOURSE & FINANCES

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 23 FÉVRIER 2023

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Financement du Trésor

◆ Malgré des finances publiques résilientes, les investisseurs se sont montrés extrêmement prudents quant au financement du Trésor ces derniers mois. Pourquoi les signaux du Trésor étaient-ils inaudibles par le marché ? Radioscopie d'une situation inédite

Zurich, Londres, Francfort et Amsterdam pour une sortie en Euros. Complications budgétaires 2022 démarre et, tout de suite, le conflit russo-ukrainien donne le la d’une année qui s’annonce difficile. L’inflation est appe- lée à s’accélérer, le budget de compensation à exploser et les besoins du Trésor à se tendre. La fenêtre de tir sur l’interna- tional est maintenant fermée et ne subsiste plus que le marché local et les financements bilaté- raux. Les investisseurs locaux tiennent compte de ces don- nées, puis se mettent à exiger des rendements élevés pour prêter au Trésor. C’est la loi de l’offre et de la demande. Et c’est ici la deuxième erreur du Trésor, selon le marché, sans doute la plus grave. Celle de vouloir bloquer la courbe des taux pour éviter une envo- lée des taux. Étouffer les exi- gences des investisseurs a tout de suite été décrié. Nous en parlions dès l’été 2022. Cette situation était anormale, un peu comme si on bloquait une action en Bourse pour éviter qu’elle chute. Les institutionnels se sont souvent plaints, arguant que cette situation allait leur porter préjudice. Car en blo- quant la courbe des taux et en refusant de prendre en compte les transactions à taux élevés, le Trésor a indirectement faus- sé les valorisations des por- tefeuilles des OPCVM où les caisses de retraite placent leurs fonds, provoquant un «dange- reux» risque de valorisations. Sur ce point, Zaaboul relati-

que la hausse des taux de la FED a commencé à se profi- ler dans un contexte de pres- sions inflationnistes, le Trésor a réalisé plusieurs opérations de swap, en 2021, sur des prêts initialement assortis de taux variables indexés sur le Libor USD 6 mois, portant sur un montant total de 507,3 mil- lions USD. Ces opérations ont permis de fixer les taux de ces emprunts à des niveaux bas, réduisant ainsi notre exposi- tion au risque de hausse des taux d’intérêt à l’internatio- nal» , explique-t-elle. Bien que pas obligatoire, la procédure consiste à mandater des banques d’affaires souvent étrangères, puis de prendre un avion, direction les grandes places financières pour rencon- trer les investisseurs. Un road- show dans lequel on vend la qualité des fondamentaux de l’économie marocaine un peu comme une entreprise se met- trait en avant pour son intro- duction en Bourse. La dernière fois que le Maroc a émis de la dette à l’international, c’était en 2020. Il avait levé 3 Mds de dollars à un taux moyen un peu au-dessus de 3%. Une opé- ration remarquable, avec une sursouscription de plus de 4 fois, près de 500 investisseurs du monde entier servis grâce à un roadshow mené exclusi- vement en ligne par Mohamed Benchaaboun, ministre de l’Economie et des Finances à l’époque, et Fouzia Zaaboul. Un an plus tôt, le même ministre et les équipes du Trésor ont mené un large roadshow, cette fois-ci physiquement, à Paris,

Le marché des taux fonctionne aux signaux. Ceux de la Banque centrale et ceux du gouverne- ment.

monétaire américaine. Jerome Powell, patron de la FED, en avait même averti les marchés, laissant entrevoir une dernière fenêtre de 6 à 8 semaines avant de relever les taux de la Banque centrale américaine et rendre difficiles les condi- tions de financement pour toutes les économies, y com- pris les émergents et les pays aux économies similaires à la nôtre. C’est à ce moment que le Trésor aurait dû agir et lever à l’international, de l’avis des observateurs. Non que nous avions besoin de devises, mais pour éviter des pressions sur le marché intérieur de la dette. Pour Fouzia Zaaboul (voir détail dans l’interview ci-après), ce raisonnement n’est pas fondé. «il n’y avait pas de besoin par- ticulier pour recourir au marché financier international en 2021. Tout d’abord, nous venions juste de faire deux émissions en 2020, l’une en Euro et l’autre en Dollar. Et par rapport au besoin en devises, il n’y en avait pas du tout. Par contre, et dès

A près un semestre quasiment en apnée, la direction du Trésor peut enfin souffler. Les inves- tisseurs se remettent à acheter des bons du Trésor en masse après une crise de confiance qui aura duré plusieurs mois. La direction du Trésor, pilo- tée par Fouzia Zaaboul, a mis quelques semaines à peaufiner ces obligations indexées pour enfin trouver une formule qui attire les investisseurs. Mais cette solution a pris beaucoup de temps, de l’avis du marché, et cette reprise de confiance, qu’elle soit durable ou pas, il faut en tirer les bonnes leçons. Et pour ce faire, il faut en comprendre les causes. Petit retour en arrière… Au dernier trimestre 2021, alors que l’inflation pointait le bout de son nez aux Etats-Unis, la planète finance voyait venir un resserrement de la politique Par A. Hlimi

2022 démarre et, tout de suite, le conflit rus- so-ukrainien donne le la d’une année qui s’annonce difficile.

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