FNH N° 1024 ok (1)

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ECONOMIE

FINANCES NEWS HEBDO

VENDREDI 28 MAI 2021

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de l’offre sur les marchés pousse à la baisse des prix. Et dans ce genre de situation, ce sont les petits agriculteurs qui sont les plus pénalisés. Au Maroc, une bonne campagne agricole ne débouche pas automatiquement sur des revenus conséquents pour la majorité des agriculteurs. Pourtant, ce sont ces reve- nus qui peuvent stimuler la demande inté- rieure, et partant la reprise de la croissance... Pour ce qui est des politiques publiques, on ne peut s’empêcher de constater que depuis plusieurs mois déjà, le maître-mot qui carac- térise la situation actuelle n’est autre que l’attentisme. D’autant plus que cette année, nous attendons depuis près de six mois les «recommandations» de la «Commission spéciale sur le modèle de développement» (CSMD)*, censées offrir le cadre stratégique de l’évolution de l’économie du pays pour les prochaines décennies. Valeur aujourd’hui, on n’en sait encore rien, et tout le monde attend tout le monde ! En attendant, rien ne se passe sur le terrain et les réformes économiques et sociales tant attendues ne cessent d’être remises à plus tard. Le plus inquiétant encore est que nous savons que 2021 est une année électorale, ce qui veut dire que même si, dans les prochaines semaines, la «vision» quant aux orientations futures s’éclaircit un peu, le gouvernement actuel ne prendra pas d’initiatives significatives à la veille des élections. Il faudra donc attendre le prochain gouvernement, celui qui sera formé à l’is- sue des élections législatives de septembre 2021, pour entrevoir l’engagement des poli- tiques publiques et des réformes cruciales qui devraient en découler. Et si l’on s’en tient à l’expérience des précédentes élections (six mois pour former le nouveau gouvernement), autant dire qu’on est parti pour terminer l’année dans l’expectative… Enfin, en ce qui concerne le dernier facteur déterminant pour la croissance, celui de la reprise de l’économie mondiale, les institu- tions internationales sont plutôt optimistes et annoncent pour cette année des taux de croissance rassurants. Je pense en effet que la reprise sera conséquente aux USA en rai- son du plan de relance massif, mis en place par le Président Biden. L’intensité du redé- marrage de l’activité devrait être moindre en Europe et variable selon les pays. Pour nous, la question essentielle est de savoir si la reprise mondiale sera suffisamment forte pour impacter positivement notre économie. Or, la tension qui prévaut depuis quelques mois avec l’Union européenne, à travers l’Allemagne et surtout l’Espagne, a fortement dégradé le climat (qui pourrait être d’abord celui «des affaires»), et en tout cas n’est pas

Ce qui donne de l’espoir et pousse à l’optimisme, c’est la bonne campagne agricole.

de nature à porter à l’optimisme quant aux relations avec nos principaux partenaires économiques… Au final, et pour résumer ma réponse à votre question, force est de constater que les facteurs positifs (bonne campagne agricole et frémissement de reprise de l’économie mondiale) sont malheureusement largement contrebalancés par des facteurs défavo- rables (rythme de vaccination, évolution de la pandémie, attentisme et report des réformes, dégradation du «climat» avec des partenaires majeurs…), lesquels poussent au contraire à un certain pessimisme. A chacun d’en tirer la conclusion qui lui convient… F.N.H. : Que vous suggère le taux d’endettement du Trésor qui conti- nuerait à augmenter, selon BAM, passant de 77,4% du PIB en 2020 à 79% en 2021 puis à 81,3% en 2022, sachant que l'État souhaiterait mobi- liser 5 Mds de DH à travers un grand emprunt national ? N. A. : D’abord, le fait d’appréhender l’endet- tement par le taux d’endettement du Trésor public me paraît réducteur. La dette publique globale englobe l’endettement du Trésor et celui notamment des établissements publics, dont certains sont très endettés et de sur- croît dans une situation financière difficile. La dette publique a beaucoup augmenté ces dernières années. Même en l’absence de chiffres actualisés, on peut avancer que le taux d’endettement public global a dépassé les 100% du PIB. Ce qui constitue un niveau et un seuil symbolique d’endettement très inquiétant. Du point de vue de l’analyse, le fond du problème est que l’endettement est devenu une source de financement struc- turelle du budget général de l’État (BGE)

et des dépenses publiques en général. L’endettement est incontournable parce que le système fiscal, tel qu’il est aujourd’hui, est incapable de financer une proportion raisonnable des dépenses du BGE. Le taux d’autosuffisance fiscale, qui représente le taux de couverture des dépenses du BGE par les recettes fiscales, tourne autour de 53 à 54% d’après la Loi des Finances 2021. Même en ajoutant les quelques milliards de recettes ordinaires non fiscales, on remonte ce taux à près de 60%. En conséquence, plus du tiers des dépenses du BGE ne peut être financé qu’avec la dette, et cette contrainte est deve- nue permanente, structurelle, répétons-le. Tant que les recettes fiscales sont incapables de financer une proportion acceptable des dépenses du BGE, la situation de l’endet- tement continuera de perdurer dans notre pays. D’où la nécessité de procéder à la réforme fiscale nécessaire à même d’amé- liorer sensiblement le taux d’autosuffisance fiscal. Or, à ce jour, et en dépit de toutes les promesses des «Assises fiscales» de 2013 et 2019, l’État n’a pas encore eu le courage de réaliser la vraie réforme fiscale qui s’impose. Maintenant, il est clair que dans le contexte de la crise Covid-19, 2020 a été une année record en matière d’endettement public pour le Maroc. On peut discuter le niveau atteint, mais ce qui est sans doute encore plus inquiétant, c’est de constater que cet accroissement important de la dette publique sert juste à colmater les brèches et parer au plus pressé pour faire face à la baisse des ressources. En tout cas, pour la plus grande part, cet endettement n’est pas affecté à des dépenses d’investissement, c’est-à-dire à préparer l’avenir. Faute de vision, le gouver- nement gère l’économie et les finances du pays au jour le jour, et s’endette juste pour

Concernant la reprise de l'économie mondiale les institutions internatio- nales sont plutôt opti- mistes et annoncent pour cette année des taux de crois- sance rassu- rants.

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