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JEUDI 19 JANVIER 2023 FINANCES NEWS HEBDO
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Divorce au Maroc /Droit de garde et de tutelle
◆ Entre 2004, année d’entrée en vigueur de la Moudawana, et 2021, le nombre de divorces prononcés au Maroc a enregistré une hausse significative, en passant de 7.213 à 135.724 cas. ◆ Ceux qui paient le plus lourd tribut sont les enfants, qui subissent les affres d’une séparation déchirante et d’un cadre juridique qui relègue leurs intérêts au second plan. Les enfants à la croisée des chemins
société marocaine, le Code de la famille est à l’origine de ces tensions, suite notam- ment aux dispositions rela- tives à la garde des enfants et à la tutelle légale. Malgré les progrès signi- ficatifs, l’idéal de la parité homme-femme est encore loin d’être atteint en ce qui concerne la Moudawana. Selon les militants asso- ciatifs, l’amendement du Code de la famille s’impose aujourd’hui comme un impératif, de telle sorte qu’il soit aligné avec la Constitution de 2011 qui reconnaît, plus préci- sément dans son article 19, le principe d’égalité des sexes. «La Moudawana de 2004 était une très belle révolution pour le Maroc, puisqu’auparavant la femme ne pouvait pas divorcer; elle était plutôt répudiée, mais grâce à cette réforme, elle a désormais le droit de demander le divorce et peut l’avoir même sans le consentement de son mari, à travers la procédure de Chiqaq (divorce pour raison de discorde). Mais aujourd’hui, ce Code doit être revu conformé- ment à la Constitution de 2011, car il y a 19 ans, le législateur n’avait pas le recul nécessaire pour constater que les inci- dences législatives et judiciaires du divorce sur les enfants peuvent être très préjudiciables et qu’il aurait donc fallu pré- voir une législation moderniste», affirme Khadija El Amrani, avo- cate en droit des affaires et droit de la famille et présidente de l'association W-Lady qu’elle
a fondée en s’appuyant sur son propre vécu.
L’amendement de la Moudawana s’im- pose aujourd’hui comme un impé- ratif, de telle sorte qu’il soit aligné avec la Constitution de 2011 qui recon- naît, dans son article 19, le prin- cipe d’égalité des sexes.
Se remarier ou garder ses enfants : Le dilemme cornélien De nombreuses femmes divor- cées se sont retrouvées dans ce même bateau : en décidant d'entamer une nouvelle vie en se remariant, l’avocate a été privée de la garde de ses enfants. Dur à avaler, mais c’est ainsi, et c’est l’article 174 de la Moudawana qui le dit. Il ressort en effet de cet article que le mariage de la mère chargée de la garde de son enfant auto- rise son ex-conjoint à inten- ter une action judiciaire pour la déchoir de ce droit dès que l’enfant atteint l'âge de 7 ans. Un fait dénoncé par les militants associatifs comme l’une des injustices les plus flagrantes du Code de la famille. «J’ai créé l’association W-Lady en 2019 sur la base de ce que j’ai moi-même traversé en per- dant la garde de mes enfants suite à mon remariage; un évè- nement en raison duquel on m’a appliqué les dispositions des articles 173 et 174 du Code de la famille qui prévoient que le remariage de la mère lui fait perdre la garde, au moment où le remariage du père ne le prive pas de ce droit» , souligne maître Khadija El Amrani, qui précise que «W-Lady a vu le jour suite à une souffrance person- nelle, mais aussi à une volonté de rompre avec le mimétisme sociétaire qui nous force à endurer en silence».
ont été enregistrés, soit le plus haut niveau jamais observé depuis l’introduction en 2004 de la Moudawana (Code de la famille). Passant de 7.213 en 2004 à 28.232 en 2005, puis 31.085 en 2009, 44.408 en 2014, 55.470 en 2019 et 76.936 en 2020, les chiffres relatifs au divorce préservent depuis près de 19 ans leur tendance haus- sière, soutenue par l’allègement des procédures de divorce, notamment en accordant aux femmes le droit de le demander.
L orsque le mariage fait naufrage, les enfants sont à la dérive ! Il s’agit d’un fait avéré : le divorce est un jeu d’échecs et les enfants sont les pièces qui en souffrent. Une peine qui se fait plus intense quand cette séparation est encadrée par une architec- ture législative qui accorde un soutien indéfectible au patriar- cat. Au Maroc, c’est clairement le cas, puisqu’en 2023, une femme divorcée doit d’abord obtenir l’accord de son ex-mari avant de, par exemple, pouvoir opérer son enfant en urgence, lui changer d’école … Et ainsi de suite. Au fil de ces dernières années, le divorce est devenu monnaie courante au Maroc. Les chiffres sont éloquents : rien qu’en 2021, 135.724 cas de divorce Par M. Ait Ouaanna
Il est inconce- vable qu’une mère ait uni- quement la garde, puisque sur le plan administratif, seule l’ins- titution du tutorat légal vous permet de prendre les décisions stra- tégiques pour votre enfant.
Une loi à la traîne de l’évolution sociale
Perçu comme une porte de sor- tie pour échapper aux conflits conjugaux, le divorce ouvre la voie à de nouvelles tensions qui mettent les enfants ainsi que leurs intérêts entre le marteau et l’enclume. Considéré comme étant en décalage par rapport aux nouvelles tendances de la
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