FNH N° 1110

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ECONOMIE

JEUDI 25 MAI 2023 FINANCES NEWS HEBDO

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des agrégats…, cela crée des confusions et induit certains en erreur. On croit souvent déceler des contradictions dans les statistiques d’organismes officiels. Alors qu’on ne se rend pas compte que ces statistiques différentes, le sont parce qu’elles sont des prévisions, des estimations, des chiffres provisoires, ou rectifiés avant d’être

définitifs. Le PIB ne devient défi- nitif qu’après 3 ans minimum. On devrait aussi pour le même agré- gat estimé par des organismes dif- férents, prêter attention à la date de réalisation des estimations et aussi aux hypothèses à la base de ces estimations. Pour le PIB, par exemple, Dollar, agriculture,

Le PIB correcte- ment évalué est un agrégat valable et le SCN des Nations unies est un bon système.

pétrole, inflation… Il faut aussi de toute façon, toujours utiliser les statistiques de chez leurs producteurs. Le HCP est, à titre d’exemple, le respon- sable des comptes nationaux qu’il élabore après consultation de tous les autres centres officiels émetteurs, l’Office des changes et la Douane, responsables des statistiques du commerce extérieur et de la balance des paiements, Bank Al-Maghrib des statis- tiques monétaires, ministère des Finances… Reprendre des statistiques de chez un uti- lisateur ou un centre de conjoncture ou un analyste qui les a déjà retravaillés pour ses propres besoins, peut introduire des biais. L’autre nuisance, plus grave celle-là, c’est quand on manipule les statistiques pour jus- tifier a priori des positions politiques, voire idéologiques. Car, malintentionné, on peut tout faire dire à des statistiques ! Pour répondre directement à votre question, au-delà de la technique comptable pure et de la méthodologie, le plus important est de disposer d’un organisme national de statis- tique totalement indépendant, outillé et res- ponsable, qui non seulement doit produire de la statistique nationale et régionale, glo- bale et sectorielle, juste, mais qui aussi met à la disposition des acteurs nationaux l’infor- mation étrangère pertinente. L’information est le nerf de la guerre économique, voire de la guerre tout court ! Or, nous sommes plus émetteurs d’informations au profit de l’étran- ger que réceptionnaires d’informations perti- nentes de l’étranger pour notre propre déve- loppement. En fin de compte, comptabiliser est le meilleur moyen pour mieux prévoir. Un moyen aussi pour rendre compte. Les chiffres sont têtus ! ◆ Ahmed Azirar est P.E.S à l’ISCAE à la retraite, Docteur d’Etat ès sciences économiques, fondateur de l’AMEN (Association marocaine des économistes d’entreprises), et chercheur à l’IMIS (Institut marocain d’intelligence stratégique).

indices, globaux ou partiels, qui suivent des variables ou secteurs des plus divers. Aussi, au niveau comparatif international, la mesure en PPA, parité de pouvoirs d’achat, corrige beaucoup la vision. On rapporte la valeur du PIB au nombre d’habitants, pour obte- nir le PIB par habitant (PIB par tête). C’est l’indicateur qui est couramment privilégié pour déterminer le niveau du pouvoir d’achat dans chaque pays. Je penche personnel- lement plus pour le PIR, produit intérieur ressenti, qui est en quelque sorte un agrégat similaire à celui du BIN, bonheur national net, qui a rendu célèbre le petit pays du Bhoutan. La notion de niveau de satisfaction reste subjective et diffère selon les pays, les cultures et les régions. F.N.H. : L'OCDE, la Banque mon- diale et la Commission européenne se sont lancées dans la recherche de nouveaux indices pour mesurer le progrès des sociétés autrement qu'à travers le prisme du PIB. A votre avis, est-ce que c'est sur cette piste des indices de développement humain, de bien-être, environne- mental, etc. qu'il faut aller ? A. A. : Il y a eu plein de propositions multi- latérales, continentales ou même nationales qui sont enregistrées dans ce sens. L’ONU, l’OCDE, le Groupe BM, le FMI et l’Union européenne sont ceux qui sont toujours à la manette pour réviser le SCN de temps à autre. Des organismes se sont essayés à certains indices, sans véritable succès. Un ancien président français avait aussi consti- tué une commission présidée par le prix Nobel Stiglitz, pour proposer un agrégat qua- litatif en prévision de la COP de Paris, mais sans véritable succès là aussi. Le rapport

de cette Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi a mis en avant certaines insuffisances de la mesure du progrès économique et social à travers le PIB. Il a recommandé notamment de se concentrer sur la consommation et les ménages, plutôt que sur la production, dans une optique de bien-être. Il a préconisé de tenir compte davantage de la qualité de la vie (santé, éducation, relations sociales, inégali- tés) et d’être plus attentif aux questions de développement durable. Il y a, par ailleurs, la question de l’immatériel, dont la comptabili- sation est difficile, mais des normes et des classements mondiaux existent là aussi. Le PIB correctement évalué est un agrégat valable et le SCN des Nations unies est un bon système, même si on peut ne pas adhérer à ses soubassements idéologiques, qui mettent dans le même sac des pays très différents, comme les USA et le Tchad, et qui font croire aux pays «retardataires» que la croissance ouverte est le moteur du déve- loppement. F.N.H. : Certains économistes pensent qu'on pourrait construire un PIB corrigé en pondérant de manière monétaire des externalités négatives. Mais les experts de la comptabilité nationale, qui ont bâti lentement un système statistique normé, ne sont pas d'accord. Qu'en pensez-vous ? A. A. : Je crois qu’il faudrait avant tout, et tout simplement, écarter déjà des incompré- hensions évidentes, sources de beaucoup de polémiques médiatiques, voire de joutes politiciennes. Quand on confond PIB en monnaie courante et PIB réel, ou que l’on confond PIB et PNB, net et brut, ou que l’on ne prête pas attention à l’année de base

Le PIB ne devient défini- tif qu’après 3 ans minimum. On devrait aussi pour le même agrégat, estimé par des organismes différents, prê- ter attention à la date de réalisation des estimations et aussi aux hypothèses à la base de ces estimations.

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