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ECONOMIE
JEUDI 11 ET VENDREDI 12 JUIN 2020 FINANCES NEWS HEBDO
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Compagnies aériennes Les charges s'envolent
gonflera le bilan par un amortissement faible. Un avion de seconde main aura une valeur résiduelle faible- car amorti- contribuant à dévaluer les actifs de la compagnie. F.N.H. : Quel impact cela aurait-il sur l'indus- trie aéronautique ? O. J. : A date, recevoir un avion neuf pour une compagnie est davantage une source de pro- blème que de salut. Tant que la demande ne per- mettra pas de remplir les avions, les compagnies préfèreront conserver leurs flottes ou procéder à des renouvellements ciblés. Des reports de commande voire d’annulations vont avoir lieu si la crise perdure. Air Asia n’a pas souhaité prendre possession de 6 A320 récemment, Qatar Airways souhaite, quant à elle, l’étalement de ses livraisons. Un phénomène de conversion de commandes vers des appareils de taille plus adaptée à l’après-crise pourrait se matérialiser, avec des shifts de 320 vers la gamme 220 d’Airbus, ou de 330/350 vers les 321XLR/ULR, mieux adaptés aux nouvelles conditions de marché. L’impact pour les constructeurs sera direct et conduira à une réduction des cadences de pro- duction sur les longs courriers trop capacitaires ou les modules facilement disponibles d’occa- sion. En cascade, les sous-traitants verront leurs flux de commande se réduire; toute la chaîne de valeur sera impactée. Il peut aussi être temps pour les avionneurs de repenser leurs gammes et combler certains «vides». C’est le cas de Boeing et son NMA, ou l’arrêt de production du 380 d’Airbus par exemple. F.N.H. : Y a-t-il aujourd'hui des annula- tions de commande d'avions neufs ? Combien sont estimées les pertes des constructeurs ? O. J. : Rassurons les lecteurs, les carnets de com- mande des avionneurs sont bien garnis, malgré la crise du 737 MAX chez Boeing et les annula- tions et/ou reports de commandes que la crise engendre. Il reste encore aux deux avionneurs plusieurs années de productions devant eux, et des débouchés dans la Défense. La crise actuelle entraînera un ralentissement et un décalage temporel de la croissance du trafic aérien mondial. Toutefois, une reprise équiva- lente aux volumes observés en 2019 est attendue par nombre d’observateurs courant 2023. F.N.H. : Qu'adviendra-t-il de ces appareils s'ils ne trouvent pas preneurs ? O. J. : Deux issues : soit le stockage dans l’attente d’un repreneur, soit le scrapping. Cette seconde voie permet d’alimenter le marché de pièces détachées. ◆
La conser- vation d’un appareil en bonnes conditions opération- nelles néces- site une maintenance régulière.
de «consommer» en charge de maintenance, ce qui est une catastrophe pour les compagnies aériennes car elles supportent des frais au moment où elles réalisent un très faible chiffre d’affaires, ou dans certains cas n’en réalisent pas. Et même l’entretien le moins coûteux demande énormé- ment de frais, que ce soit en termes de main-d’œuvre, d’heures de travail ou encore de maintenance technique. Selon notre interlocuteur, la durée d’immobilisation pour un «parking normal» est de 2 à 4 semaines, et le « stoc- kage actif» de 1 à 3 mois au cours desquels il faudra compter environ 150 heures de travail sur l’avion (temps de remise en service inclus, plus ou moins selon le type avion). Le «stockage prolon- gé », lui, compte une durée supérieure à 3 mois, l’inves- tissement en main-d’œuvre sera bien plus conséquent car pouvant aller jusqu’à 800 heures sur la période. La préservation des équipe- ments vitaux de l’appareil constitue l’enjeu primor- dial pour garantir la bonne remise en service de ce der- nier et garantir une exploi-
tation commerciale en toute sécurité. « De nombreuses activités récurrentes ont lieu chaque semaine : inspections visuelles des avions, vérifica- tion du bon état des protec- tions des systèmes sensibles (dispositifs aérodynamiques, sondes, moteurs, trains d’atterrissage, équipements hydrauliques), et vérification des systèmes avioniques », affirme Olivier Joffet. Et d’ajouter : « les moteurs et APU (turboréacteurs) sont mis en route pendant un quart d’heure pour assurer la lubrification du système et éviter toute corrosion. En cabine, le taux d’humi- dité est vérifié pour prévenir toute apparition de moisis- sure. Tous les trente jours, les roues sont tournées pour éviter leur déformation. Les commandes de gouverne sont actionnées régulière- ment dans leurs butées pour que les joints ne sèchent pas ». L’entretien des avions coûte énormément cher, ce qui suppose qu’ils doivent au plus vite reprendre leurs vols afin d’éviter que les compa- gnies ne sombrent encore plus dans la crise. ◆
L a crise sanitaire a cloué des milliers d’avions au sol suite à la fermeture des frontières de plu- sieurs pays afin de limiter la propagation de la Covid- 19. D’ailleurs, cela n’est pas resté sans impact sur la situation de trésorerie des compagnies aériennes, cer- taines ont même dû dépo- ser leurs bilans face à la grande baisse des activités et la hausse des charges auxquelles elles font face. « Un avion ne peut se per- mettre de rester pendant de longues périodes en totale inaction. La conser- vation d’un appareil en bonnes conditions opéra- tionnelles nécessite une maintenance régulière plus ou moins complexe selon sa durée de stockage, le type d’avion et la nature des opé- rations préconisées par les avionneurs », nous explique Olivier Joffet, consultant en stratégie, spécialiste du secteur aérien auprès de PricewaterhouseCoopers. Il faut savoir que même si un avion ne vole pas, il n’est pas en arrêt total. Il continue Par B. Chaou
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