Une liberté sans pareille en solo ŏđŏ
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son aventure solo. C’était par hasard, ra- conte-elle, parce qu’elle devait se rendre dans le nord pour aller voir des amis et ensuite faire un grand tour d’une semaine avec une amie. Mais l’amie n’a pu se libérer. La balade en duo s’est alors transformée en voyage solo. Sans vraiment penser à cette aventure solo et sans savoir à quoi s’attendre, elle enfourche sa moto un beau matin enso- leillé et quitte, seule. Elle atteint Sudbury, fourche vers l’île Manitoulin, puis embarque sur un traversier et fait le tour de la Baie Georgienne où elle en ressort le souffle coupé tant les oiseaux, la couleur de l’eau et la paix l’ont conquise. «Ce voyage a tout changé, confie cette amoureuse des grands espaces. La solitude, je me suis rendue compte que c’était génial. Tu pars. Il n’y a que toi et la route. Tu ne comptes que sur toi. C’est une thérapie extraordinaire. Et, chaque fois que tu t’arrêtes, tu rencontres toujours quelqu’un qui a quelque chose à te raconter. Je ne sais pas comment expli- quer ce sentiment, mais c’est magique. Tu ne dépends de personne et personne ne dépend de toi.» Mme Bastien a le sourire fendu jusqu’aux oreilles. Pendant une semaine elle roule car- rément sur un nuage. Son intelligence d’es- prit, sa façon de ne pas aller au devant des dangers mais de s’assurer que tout est sous contrôle point de vue sécurité la mettent dans une confiance absolue. Elle voyage seule et sait surtout comment le faire! En 2012, elle décide de franchir le cap
ANNIE LAFORTUNE annie.lafortune@eap.on.ca
CASSELMAN l Un jour, Christine Bastien tombe sur un livre qui décrit le récit d’une femme ayant traversé le Canada, seule, sur sa moto. Les voyages, la découverte des paysages grandioses et la liberté d’être, tout simplement, ont touché une corde sensible chez celle qui allait suivre cet exemple et mordre dans la vie. Elle aussi pouvait le faire... Mme Bastien, de Casselman, et sa moto rouge Yamaha V-Star 1100, sont insépa- rables depuis deux ans. D’ailleurs, elle af- fiche déjà 40 000 km au compteur, c’est dire qu’elles en ont fait des découvertes toutes les deux. Ensemble, elles ont parcouru tant de kilomètres, ont fendu l’air chaud des étés et pris des virages ô combien sinueux par- fois. Son destroyer de fer ne l’a jamais laissé tomber et c’est sûrement cela qui les unit autant. «Il doit bien y avoir autre chose à faire que de travailler dans la vie», se disait-elle. C’est alors qu’une chanson jouant à la radio attire son attention. «C’était If Tomorrow Never Comes, de Nickelback», se souvient-elle. C’est en revenant d’un voyage d’affaires à Calgary, en 2011, qu’elle dit à son copain: «Je m’achète une moto.» Une semaine plus tard, elle acquiert sa toute première moto, une Yamaha 650. Elle saute sur sa bécane et, peut-être, sans s’en rendre compte, amorce
en élargissant ses hori- zons et en partant seule pour les États-Unis. Les 5349 km de son aventure américaine l’ont ame- Bastien n’échangerait sa moto pour rien au monde. surtout lorsqu’elle se retrouve plongée dans un paysage aussi fan- tastique que le Tail of the Dragon. Christine
répond au shérif à la retraite qu’elle n’a pas à demander la permission à personne, avec un large sourire imprimé sur son visage. «Voilà ce qui peut arriver. Cet homme était charmant et humain. Un ange peut-être. Tout est écrit dans mon journal de bord», raconte Christine. Cet été, au mois de mai, elle a remis le couvert. Voyage aux États-Unis pour y ren- contrer des amis ‘‘riders’’ américains. Point de rencontre: le New Jersey. «Nous sommes allés ensuite en Caroline du Nord où on a fait un truc que tout motocycliste qui se respecte doit faire s’il est dans le coin: le Tail of the Dragon. Cette route est très sinueuse, explique Christine, et compte 318 courbes serrées sur presque 18 km. C’est très dur physiquement et ça représente un très bon défi en moto!» D’ailleurs, un arbre appelé ‘‘Tree of Shame’’ rappelle les accidents dont cette route a été témoin puisque des par- ties de moto accidentées y sont accrochées. Et en juillet dernier, elle a fait le tour des Finger Lakes, dans l’état de NewYork, qui re- groupent cinq lacs en forme de doigts. Une aventure extraordinaire en solo, longue de 2200 km. Elle a poursuivi sa route vers la Pennsylvanie pour remonter vers l’état de New York afin d’admirer les majestueuses Catskill Mountains. «C’était tellement beau, s’extasie-t-elle. C’est ce que je recherche. De beaux paysages qui me surprendront au tournant d’un boisé ou d’un village.» Cette année, les voyages ont pris fin. Mais pas ses projets. L’un de ses rêves? Traverser le Canada, mais en duo cette fois-ci. «Avec mon amoureux. On le planifie pour un futur pas si loin que ça», conclut-elle, confiante de réaliser chacun de ses rêves de moto.
née au Wisconsin, en Illinois, en Indiana, en passant par l’Ohio, la Pennsylvanie et l’état de New York. Elle ne rentre pas dans les grandes villes pour se fondre dans une folle foule, ce n’est pas le but recherché. Elle roule au gré du vent sur les petites routes et suit l’itinéraire qu’elle a soigneusement peaufiné, la veille, dans sa chambre d’hôtel. Son journal de bord est une vraie mine d’or où tout y est inscrit avec précision: les kilo- mètres parcourus, les haltes, les rencontres, les paysages, les diverses anecdotes. Elle se souvient qu’une fois, dans l’État de New York à Rochester, attablée dans un restaurant du coin, un père Noël se dirige vers elle. Âgé d’une soixantaine d’années, il se met à parler à la Franco-ontarienne qui voyage seule. Il s’intéresse au pourquoi de son aventure mais s’inquiète du même coup. Ancien shérif de Los Angeles, à la retraite, il connaît les côtés sombres de son pays, les dangers potentiels des voyageurs solo et des femmes par surcroît. Il n’arrive pas à croire que cette femme d’une quaran- taine d’années puisse s’aventurer ainsi sur les folles routes étasuniennes. «Moi, je n’ai jamais eu peur. Je ne me mets jamais dans des situations qui pourraient me procurer ce sentiment», rassure-t-elle. Il insiste pour l’accompagner, le lendemain matin, à la frontière canadienne. Ainsi, se sentirait-il rassuré. Elle accepte, non sans un petit sourire en coin. Arrivés tous deux tout près de la frontière, il sort deux petits couteaux qu’il lui remet en lui disant: «C’est pour ta sécurité.» Elle accepte le cadeau sa- chant très bien qu’elle n’en trouverait jamais l’utilité. «Si tu étais ma femme, lui dit-il avant de la quitter, je n’aurais jamais accepté que tu fasses ce genre d’expédition.» Christine
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