Finances News Hebdo N° 1071

P OLITIQUE

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JEUDI 30 JUIN 2022 FINANCES NEWS HEBDO

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Gouvernement-Partis

La politique aseptisée ? A la fin de ce premier semestre 2022, quel est l'état des lieux au plan politique ? Le gouvernement Akhannouch est en fonction depuis près de neuf mois. La vie insti- Par Mustapha SEHIMI Professeur de droit, Politologue

tutionnelle fonctionne. Et après, dira-t-on ? L'indice de confiance des citoyens s'est-il amélioré ? Difficile de le croire. C'est qu'au plan économique, les motifs d'interrogation -voire d'inquiétude- pèsent davantage : ils contribuent, eux aussi, à miner le moral. A fin mai, l'inflation était de 4,8 %; les produits alimentaires se sont envolés de 7,3% et ceux des transports de 9,2%. Il est prévu à la fin de l'année un taux d’inflation de 5,3%, selon les prévisions de Bank Al-Maghrib. Pour faire face aux charges de la dette et aux équilibres bud- gétaires, il manque quelque 40 milliards de DH: une moitié sera tirée auprès des institutions internationales; l'autre nécessitera la sortie du Maroc sur le marché financier international au moment approprié. D'autres indicateurs sont tout aussi au rouge… Etat d’âme et grogne C'est dire que ce cabinet a fort à faire. Le veut-il ? Son discours officiel ne cesse de le répéter. Mais le peut-il ? C'est une autre affaire... Du côté de la majorité, le tableau ne témoigne pas d'une grande mobilisation, de cohérence et de solidarité, encore moins d'une forte dose de volontarisme. Il est en effet connu que la concertation entre les trois partis laisse beau- coup à désirer; que le parti de l'Istiqlal de Nizar Baraka observe une certaine distanciation par rapport au chef du gouvernement et de son parti, le RNI. Les groupes parlementaires de la majorité accusent bien des états d'âme, une certaine grogne; pour l'heure, elle paraît même tutoyer une certaine «fronde» limitée pour l'heure aux travées des deux chambres. Les critiques visent le peu de rapports entre les ministres et leurs députés respectifs. Plus encore, ces mêmes membres du cabinet, ceux du PI et du PAM, mettent volontiers en avant ce qu'ils entreprennent dans leurs départements respectifs sans faire instamment référence au programme gouvernemental. D'autres ques- tions pèsent encore sur l'ambiance de travail et le climat politique. Que les secrétaires d'Etat

annoncés à cette occasion, voici huit mois et demi, n'aient pas encore été nommés pousse dans ce sens. Ce devait être une opération de «correction» poursuivant deux objectifs. Le premier, décharger des ministres qui cumulent plusieurs portefeuilles et qui ne peuvent pas assumer de telles responsabilités; le second, améliorer la place du parti de l'Istiqlal qui estime qu'il est sous-représenté par rapport au PAM. Y aura-t-il une prochaine réponse allant au-devant des fortes attentes du parti de la balance ? Précisément, cette formation a enregistré depuis des mois bien des luttes intestines. Elles concernent le clan Hamdi Ould Rachid, d’un côté, et celui de Nizar Baraka, de l'autre. Ce parti a pu, laborieusement, tourner la page de la séquence Hamid Chabat - précédent secrétaire général- et œuvrer à l'unification des rangs et à la restructuration des instances. Mais ce processus a buté sur bien des diffi- cultés : modification des statuts pour réduire les effectifs du conseil national, institution d'un poste de secrétaire général-adjoint... Après bien des péripéties, un accord a pu se faire pour un congrès national ordinaire fixé au 6 août prochain. Nizar Baraka y sera certaine- ment conforté alors avec un deuxième mandat. Mais le consensus qui a fini par prévaloir tien- dra-t-il longtemps ?

d'optimisme. Celle-ci comprend six compo- santes : USFP (34), MP (28), PPS (22), UC (18) et PD (13). Le total est de 115 parlementaires. Quant à l’UC, le MP et l’USFP, se pose cette question : ces partis sont-ils audibles ? L’UC de Mohamed Sajid n’arrive même pas à réunir un conseil national. Le MP est en crise de lea- dership après le départ annoncé de Mohand Laenser au prochain congrès. La formation socialiste de Driss Lachgar accuse toujours les suites des assises de la fin janvier dernier. Peut-on parler d'une opposition unie face à une majorité triomphante de 270 sièges : RNI (102), PAM (87) et PI (81). Avec 72 voix au- dessus de la majorité absolue des membres de la Chambre des représentants (395), la stabilité gouvernementale est assurée en prin- cipe pour la durée de la législature, jusqu'à 2026. Arithmétiquement, tel est bien le cas. Mais qu'en sera-t-il au vrai ? Les difficultés actuelles de ce cabinet pèsent sur une man- dature qui devait être normalement un «long fleuve tranquille». Deux partis de l'opposition (PPS et PJD) multiplient les critiques sur ce qu'ils appellent la «panne» actuelle de ce cabi- net. Ils invoquent plusieurs arguments : qu'il propose des réformes et qu'il ne se limite pas à expliquer et à justifier la crise; sa faiblesse poli- tique, son mutisme et son absence; l'invocation récurrente du bilan du précédent cabinet pour tenter de se dédouaner; la difficulté à définir une feuille de route, alors qu'aucun agenda législatif ni politique n'a été arrêté pour les

Du côté de la majorité, le tableau ne témoigne pas d'une grande mobilisation, de cohérence et de solida- rité, encore moins d'une forte dose de volontarisme.

La panne... Pour ce qui est de l'opposition, pas davantage

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