FNH N° 1075 ok

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POLITIQUE

FINANCES NEWS HEBDO

MERCREDI 31 AOÛT 2022

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avec le Japon. Alors ? La Tunisie n'a pas res- pecté cette règle et n'avait aucun droit ni aucune qualité pour inviter, de manière «unila- térale, parallèle et spécifique» l'entité séparatiste, et ce contre la volonté clairement explicitée du Japon. Elle a ainsi enfreint les décisions des sommets de l'UA qui précisent que «le cadre de la TICAD n'est pas ouvert à tous les membres» de l'orga- nisation continentale. La réfé- rence que fait, par ailleurs, Tunis «au respect des résolutions des Nations Unies» et à sa neutra- lité sur la question du Sahara n'est pas davantage recevable: tant s'en faut. L'on en a eu une preuve, en octobre dernier, lorsque ce pays s'est abstenu de manière surprenante lors du vote de la résolution 2602 du Conseil de sécurité sur la ques- tion nationale du Sahara maro- cain. Cela dit, comment évaluer la présente situation ? Ce premier constat : la Tunisie a dilapidé tout un capital diplomatique his- torique. Référence est à ses positions équilibrées dans sa politique étrangère depuis des décennies - les bons offices, la médiation, la paix et la sécurité; autant de préoccupations fortes en particulier pour ce qui est du Maghreb et des relations intermaghrébines. Est-ce le cas aujourd'hui ? Pas le moins du monde : ce pays s'est propre- ment aligné sur l'Algérie ! Et, en l'espèce, et pour tous les autres dossiers régionaux ou continen- taux, sa voix ne sera pas - ou plus ? - audible. Cette nouvelle situation porte un nom : celui de la vassalisation. Une forme contemporaine de protecto- rat... Le président Kaïs a-t-il une quelque autonomie et liberté de décision ? Aucunement, en ce sens qu'il s'est placé dans un rapport de subordination avec Alger avec ce seul mot d'ordre : se couper du Maroc ! Des signes et des actes allant dans ce sens? L'ambassadeur

du Royaume nommé en février 2019 par SM le Roi n'a présenté la copie de figurée de ses lettres de créance qu'en novembre à une secrétaire d'Etat par intérim de cette année-là. Mieux, il n'a été reçu officiellement par le Chef de l'Etat que le 22 janvier 2022 - trois ans plus tard... Vassalisation... La déclaration de Carthage, au terme de la visite de Tebboune à Tunis, en décembre dernier, s'apparente à un pacte, une union sacrée même. Elle a été assortie d'un prêt d'Alger de 300 millions de dollars et de la signature de 27 accords et mémorandums. Les frontières terrestres ont été réouvertes le 15 juillet 2022 après deux ans de fermeture pour raisons «officielles» de pandémie Covid- 19. Une autre aide de 200 mil- lions de dollars va suivre. C'est que l'économie de la Tunisie est exsangue avec un endette- ment de 44 milliards de dollars (102 % du PIB) et une évaluation pratiquement négative des mar- chés et des institutions inter- nationales. Malgré pas moins de quatre rencontres avec le FMI depuis un an, aucun accord n'a été conclu, l'institution de Bretton Woods demandant des réformes structurelles. Avec l'Union européenne, les relations se sont dégradées pour ces mêmes considérations. Avec les Etats-Unis, l'aide des 500 millions de dollars sur cinq ans dans le cadre du programme Millenium Challenge Corporation est désormais remise en ques- tion, comme l'a annoncé le 24 août courant le sénateur démocrate, Chris Coons, à son retour d'une tournée en Afrique. L'administration américaine est très critique. Le 28 juillet der- nier, le Secrétaire d'Etat Antony Blinken a ainsi déclaré que «la nouvelle Constitution affaiblit la démocratie en Tunisie». La nouvelle Constitution soumise à un référendum le 25 juillet der- nier est de fait déstabilisatrice.

Elle a généré une grave crise politique ouverte depuis le 25 juillet 2021: mesures d'excep- tion, destitution du gouverne- ment, nomination d'un nouvel exécutif, dissolution du Conseil supérieur de la magistrature et du parlement, promulgation de lois par décrets, tenue d'élec- tions législatives anticipées pré- vues pour décembre 2022, etc. Une situation qualifiée par des forces politiques tunisiennes comme un «coup d'Etat contre la Constitution de 2014 et la consolidation d'un pouvoir auto- ritaire». Des conséquences en interne: cristallisation des divisions, recul des acquis du printemps tunisien de 2011, répression des libertés, condamnation par des

dirigeants de parti et dénoncia- tion de la décision «irrespon- sable» par l'ancien Président tunisien Moncef Merzouki. Mais aussi une nouvelle géopolitique régionale et continentale. La réunion de la TICAD à Tunis a divisé les pays africains : retrait et absence du Maroc, retrait du président de la Guinée- Bissau également président de la CEDEAO, regrets du Sénégal, de la République centrafricaine et des Iles Comores etc. Kaïs Saïed ? Un passif - un grand passif même. Un «liqui- dateur» de la démocratie et de la stabilité dans son pays, de l'amitié historique et de la soli- darité active entre les peuples tunisien et marocain. Une lourde responsabilité... ◆

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