FNH N° 1025

T RIBUNE LIBRE

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JEUDI 3 JUIN 2021 FINANCES NEWS HEBDO

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La réforme universitaire Bachelor

Gap entre les promesses et la réalité socioéconomique L’ enseignement est un facteur clé du développement écono- mique des pays. Son objectif est de former les citoyens à prendre les bonnes déci- Par Hicham El Bouanani, enseignant chercheur à l'université Hassan II de Casablanca, & Sara Elouadi, enseignante-chercheuse à l’université Hassan II de Casablanca

sions dans un environnement en perpétuel changement. Le rôle accru joué par les systèmes de formation dans le développe- ment durable des nations justifie le recours permanent aux réformes instaurées par les Etats en vue d’adapter et d’améliorer le contenu et la qualité des programmes uni- versitaires. A l’international, le degré d’attractivité des universités et établissements de formation est lié à la réputation de leurs diplômés sur le marché du travail et la renommée scienti- fique de leurs enseignants chercheurs. La floraison des écoles et universités privées au Maroc est expliquée par plusieurs rai- sons : les établissements privés se targuent d’offrir un encadrement de meilleure qualité avec des classes à taille humaine, favori- sant, ainsi, le développement des soft skills dont, notamment, les compétences linguis- tiques très prisées sur le marché du travail. Et grâce à leurs partenariats avec plusieurs établissements à l’étranger, ils proposent à leurs étudiants des programmes d’échange et une double diplômation. L’essor de l’enseignement privé au Maroc a été favorisé par l’encouragement du ministère de l’Education nationale, de la Formation professionnelle, de l’Enseigne- ment supérieur et de la Recherche scienti- fique, qui a proposé aux acteurs privés des procédures d’accréditation et de reconnais- sance. Si l’accréditation signifie que l’éta- blissement respecte les normes et les stan- dards techniques et qualitatifs pour délivrer un diplôme, la reconnaissance constitue, en revanche, une ultime certification qui per- met aux lauréats de l’établissement privé de

participer aux concours du secteur public et poursuivre leurs études dans les établisse- ments étatiques. La prolifération des établissements privés et le retard accusé par les organismes publics, notamment en matière de taux d’encadrement et d’ouverture à l’environne- ment économique, créent un phénomène de ségrégation sociale et engendrent une pola- risation sur le marché du travail. En effet, les établissements privés attirent les classes les mieux nanties, tandis que leurs homo- logues publics à accès ouvert concentrent les couches sociales les plus défavorisées en masse. Ce phénomène de massification dégrade la qualité de l’enseignement délivré par les organismes publics et accentue les inégalités sur le marché du travail. Faute d’investir dans l’amélioration du sys- tème public, le Royaume a pris le pari de la libéralisation de l’enseignement en ouvrant ainsi la porte aux acteurs privés marocains et étrangers. Le secteur a alors connu des mouvements de délocalisation de plusieurs Business School et universités étrangères et l’implantation de facultés de médecine et d’écoles d’ingénieurs privées. Le foisonnement de ces établissements, qui promettent monts et merveilles aux parents et étudiants, plombe davantage les inéga-

lités sociales entre les lauréats du privé et du public. Cette problématique rebute les familles et les pousse vers le privé, quitte à couvrir les frais de scolarité au moyen de crédits bancaires. Les défenseurs de la libéralisation de l’en- seignement brandissent les résultats de l’expérience américaine. En effet, les Etats- Unis s’accaparent 17 des 20 premières uni- versités selon le classement de Shanghai. Qu’en est-il des autres pays du monde et est-ce que la libéralisation rime-t-elle tou- jours avec l’excellence ? En empruntant le classement des Etats- providence de Gosta Esping-Andersen, Moulin (2014) met en avant l’existence de trois systèmes institutionnels en matière d’enseignement universitaire. Le régime social-démocrate, le régime libéral et le régime conservateur. Le régime social-démocrate existe dans les pays scandinaves, à savoir le Danemark, la Finlande, la Norvège et la Suède. Il se caractérise par l’absence de frais de scola- rité et la mise en place de dispositifs d’aides directes aux étudiants, comme les bourses d’études et les allocations. Ce régime a per- mis le développement d’un enseignement hautement qualifié qui prône, notamment, l’autonomie et l’innovation.

Le foison- nement de ces établis- sements, qui promettent monts et mer- veilles aux parents et étu- diants, plombe davantage les inégalités sociales entre les lauréats du privé et du public.

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