FNH N° 1084

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CULTURE

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 10 NOVEMBRE 2022

www.fnh.ma

Exposition

◆ Ayoub Amrani, ce peintre inclassable parce que hors rang, fait l’objet d’une exposition d’importance, jusqu’au 24 novembre 2022, à Garden Event, à Casablanca. Amrani, musicalement correct

I l suffit d’un équilibre juste, d’un rythme parfait, pour aller droit au cœur. C’est ce que réussit «Arpèges majeurs», l’étonnante first exposition d’Ayoub Amrani. Comme un retour nécessaire au geste pictural, et à la ferveur qu’il accom- pagne, les compositions libres et fes- tives de ce peintre enchantent l’espace Krome à Garden Event. A quoi tient ce petit miracle? A peu de choses finalement. Il suffit de grands – ou de très petits – morceaux de toiles brutes, d’une palette de couleurs douces et d’un sens minimal du motif pour créer un monde à la fois rêveur, sensuel et plein de caractère. Car ce qui frappe dans cet accrochage lumineux, c’est la ferme intention de la ligne chez Amrani – toujours au service d’un même motif à l’effigie anthropomor- phique, la figure géométrique à la base du dessin, la ligne donc, tend et sous- tend tout l’édifice. Dans le corpus de ce peintre, la figu- rative et l’abstraite cohabitent harmo- nieusement, et participent d’une même vision du monde, parcouru d’élans rythmiques dionysiaques qui font val- ser les lignes, tressauter le langage et loucher l’œil de la raison apollinienne. Au sein de son œuvre, les deux parties s’augmentent l’une l’autre. À vrai dire, ces distinctions s’effacent rapidement, tant ce rythme-là d’ensemble, moins une petite musique qu’un ronflement caverneux, noie ces tentatives d’ordre pour quiconque se tiendrait dans le même espace qu’ouvrent les toiles de l’artiste. Ayoub Amrani est réfractaire aux étiquettes. Pour s’en persuader, il convient de scruter la cinquantaine d’œuvres, dont la plupart ont été réali-

Par R. K. H.

«Il me plaît définitivement d’octroyer à la peinture de Ayoub Amrani ce qualificatif-valise de Figuration calligraphique ! (dixit Syham Weigant)».

que lorsqu’elle est justiciable d’une multiplicité de lectures. Il est néces- saire qu’elle se prête à une libre inter- prétation. Liberté, voici donc le mot. Amrani en fait un impératif catégorique. Un artiste, digne de ce nom, ne devrait se soumettre à aucune contrainte. A titre d’exemple, le mouvement forme souvent un joug duquel il importe de délivrer. Liberté, liberté, le terme revient comme un leitmotiv dans l’œuvre de cet enca- drant des matières d’éveil artistique au sein de la Holding générale d’éduca- tion (Holged). Dès qu’il rentre de son travail, Amrani s’absente du monde et s’engloutit dans la solitude de son ate- lier. De ses corps à corps avec la toile résultent parfois des œuvres qui, sous des dehors radieux, trahissent un pay- sage intérieur tourmenté, une révolte sourde, une âme meurtrie. ◆

sées explicitement pour ce solo-show. On y trouve, latemment, le soin acharné avec lequel l’artiste manie de grands Spalters, chasse la figure et confond le motif. On y discerne aussi, lorsque sa peinture se décrispe et se relâche, la finesse et l’élégance de son écriture plastique qu’elle mute en un flottement de formes ambiguës assimilables à des silhouettes humaines. Soit. Inutile de pousser plus avant la quête identificatrice. Amrani vous dira « ce qu’on voit n’est pas ce qu’on voit », pensant avec Léonard de Vinci que la peinture est « cosa mentale ». C’est en vertu de ce principe qu’il s’est tou- jours fait un devoir de ne pas céder à la tentation figurative. S’il rechigne à l’imiter, il s’escrime en revanche à la créer. Le propre du mimétisme, vous le rappellera-t-il, est d’orienter l'intel- ligibilité de la toile. Or, une œuvre pic- turale ne s’imposerait en tant que telle

Une œuvre picturale ne s’impose- rait en tant que telle que lorsqu’elle est justiciable d’une multi- plicité de lec- tures.

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