Carillon_2018_02_22

MICHEL LAMY michel.lamy@eap.on.ca

de ses œuvres. Il les installe sur place dans les demeures ou les bureaux de ses clients. Il ne prend aucun risque. Pour les pièces de plus grande dimension, il fait appel à quelqu’un qui peut l’aider, mais encore là il est présent lors du transport et de l’installation. Avant qu’une pièce soit terminée et livrée, il y a plusieurs étapes à franchir. M. Turcotte, qui affirme ne pas être très bon dessinateur, préfère faire une maquette de la pièce à construire, souvent en papier et en carton. Les maquettes sont à l’échelle, quelquefois plus petites. Cela lui donne un aperçu de ce à quoi ressemblera le produit final et lui permet de confirmer ou d’ajuster les proportions. Il travaille avec le client du début à la fin du projet. Le client voit la maquette et y apporte des suggestions ou des modifications, si nécessaire. La plupart du temps, l’artiste a une grande latitude et le client donne son assentiment.

Il y a quandmême une relation étroite entre artiste et client. Selon la complexité du travail à effectuer, une pièce prend normalement entre quatre et six mois à terminer, à partir de sa conception. L’artiste est toujours heureuxde témoigner de l’enthousiasme des clients. Souvent, ils rendent visite àM. Turcotte dans son atelier pour voir où en est leur pièce. Ils viennent avec parents ou amis et sont fiers demontrer leur investissement. Une autre source de clientèle est venue à l’artiste de façon inusitée. En effet, en plus de l’entreprise d’ébénisterie, Joseph Émil Design, M. Turcotte a une autre entreprise : Capital Home Staging & Design. Cette dernière avait été créée simplement afin de mettre ses meubles non vendus dans des résidences à vendre. Le tout afin de rehausser le décor et faciliter la vente d’une maison.

Les agents immobiliers contactent l’entreprise et louent certaines pièces pour des journées portes ouvertes, par exemple. Ainsi, plutôt que de voir ses meubles ramasser de la poussière en entrepôt, il peut les exposer tout en générant un peu de revenus. Or, les visiteurs et les agents immobiliers ont été frappés par ces pièces ainsi exposées et ont commencé à passer des commandes. Même des agents ont acheté certains de ses meubles. Des visiteurs intéressés par une maison ne l’ont pas achetée, mais ont contacté l’ébéniste pour acquérir une de ses créations. D’autres encore ont acheté la maison et ont acheté des meubles qui y étaient exposés lors de la visite libre. Malgré tout, l’homme reste humble. L’ébénisterie demeurera toujours un art qui lui procure du plaisir et qu’il pratique avec passion.

Lorsqu’on entre dans son atelier, on est immédiatement frappée par la propreté et la luminosité des lieux. Il est clair que nous entrons dans l’enceinte d’un homme pour qui l’endroit est une source de grande fierté et de passion. Bienvenue dans le monde de l’ébéniste Joseph Émil Turcotte. Dans cet atelier, qu’il a construit lui-même derrière sa maison de Saint-Eugène il y a environ sept ans, il fabrique de ses mains des meubles au style unique—commodes, bureaux de travail, tables de nuit, placards, pièces murales encastrées— ainsi que diverses autres pièces, comme des horloges. Son amour de l’ébénisterie a commencé comme un loisir il y a une trentaine d’années passées. Un de ses amis avait son propre atelier. Ensemble, ils réparaient des meubles antiques. Il a ainsi pu observer comment étaient façonnées les pièces d’antan et quels outils ils utilisaient pour les construire et les réparer. Avec les années, le loisir s’est transformé en métier. Mais le style qu’il a adopté a été grandement influencé par les techniques de fabrication d’antan qui l’ont marqué. Bien que constitué d’outils récents, son arsenal comprend également d’anciens outils remis à neuf. Le bois qu’il utilise est de la plus grande importance. Il est essentiel pour lui d’utiliser du bois d’origine locale comme l’érable, le cerisier noir et le noyer. Il n’utilise pas de bois en voie de disparition, préférant se concentrer sur des ressources renouvelables. « It’s not about time » L’ébéniste est partenaire avec Ontario Wood, qui a pour mission de promouvoir producteurs et artisans locaux. L’adhésion à cet organisme, tout en lui conférant une certaine prestance, se porte garante de l’homme et de son travail. Pour l’acheteur, c’est l’assurance que leur pièce a été façonnée avec du bois local de qualité. À la suite d’une invitation d’Ontario Wood, M. Turcotte s’est présenté comme exposant au Interior Design Show à Toronto en 2015. Le designer Brian Gluckstein a alors eu le coup de foudre pour une de ses pièces, une horloge essentiellement esthétique affublée du titre It’s not about time. Le designer a déclaré que l’horloge était une des plus belles pièces de l’exposition et l’a mise en vedette lors de la très populaire émission City Line . On peut voir le segment de l’horloge sur YouTube. L’heure avait sonné pour M. Turcotte. L’évènement a eu pour effet de le catapulter vers une notoriété accrue. Le bouche-à-oreille n’a pas tardé à suivre son cours. Par l’entremise de son site Web, les commandes se sont multipliées... pas juste pour des horloges, mais pour des pièces de tous genres. L’horloge, à côté de laquelle M. Turcotte est photographié, partait le lendemain pour un condo voisin du Château Laurier dans la capitale nationale. La conception sur mesure L’artiste, qui compte entre autres des clients àMontréal, à Ottawa ainsi que dans la région de Toronto, fait lui-même la livraison

Ci-dessus, secrétaire en noyer et érable strié. Le striage est causé par des champignons microscopiques qui affectent le bois. À droite, placard intégré en noyer. Le noyer noir est une espèce commune en Ontario.

Bureau en L fait avec du pin blanc récupéré.

Le Carillon, Hawkesbury ON.

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Le jeudi 22 février 2018

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