FNH N° 1034 ok

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ECONOMIE

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 9 SEPTEMBRE 2021

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Malgré tout, la transmission d’entreprise demeure l’angle mort de notre législation juridique et fiscale. Un baromètre de la transmission a été réalisé il y a quelques années par l’Agence nationale pour la pro- motion de la petite et moyenne entreprise (ANPME) «pour nourrir des réflexions sur la manière de pérenniser le cycle de vie de

l’entreprise» , sans que des textes spé- cifiques aient vu le jour pour encadrer et accompagner prioritairement et glo- balement ce processus. Je dirais ainsi pour répondre directement à votre question, que le vivier des entreprises marocaines éligibles à la transmission est effectivement très important et que le besoin de trouver un repreneur est ‘un fait courant’, mais que cette trans- mission ne se fait pas de manière si ‘ordinaire’. Le caractère disparate des cadres juridiques servant la transmis- sion, par voie de donation, de cession

La pandémie de la Covid-19, ses conséquences

désastreuses…, et les perspectives de faible reprise de la croissance écono- mique, accentuent l’urgence critique de l’enjeu de la sur- vie des entreprises.

de fonds de commerce ou cession de titres, par scission ou selon différentes formes de restructuration, rend l’opération particuliè- rement complexe et rebute la plus grande partie des dirigeants sans compter les freins liés à notre culture managériale peu encline à l’anticipation. La pandémie de la Covid-19, ses conséquences désastreuses sur la destruction des emplois et les pers- pectives de faible reprise de la croissance économique, accentuent l’urgence critique de l’enjeu de la survie de nos entreprises. La Commission spéciale sur le nouveau modèle de développement (CSNMD) a d’ailleurs mis en lumière dans son rapport (page 20), parmi les axes stratégiques nécessaires à la «transformation structu- relle de notre économie», cette question de la transmission d’entreprises, en parta- geant bon nombre des préconisations de l’OCDE. La CSNMD a en outre très justement élargi le spectre de sa réflexion liée à la «moder- nisation et à la continuité des activités» des entreprises, en incluant aux côtés des structures familiales à céder, les entre- prises en difficulté mais viables. Elle recommande ainsi de prévoir : 1- des incitations fiscales; 2- des systèmes d’alerte qui permettent de détecter les entreprises en difficulté qui peuvent encore être sauvegardées et transmises; 3- des plateformes électroniques de mise en rela- tion d’entrepreneurs cédants avec des repreneurs potentiels; 4- un écosystème d’accompagnement professionnel à la transmission, etc.

F.N.H. : Quelles sont les modalités juridiques de la transmission par transformation de la SARL ou de la SA en SAS, une forme de société réformée par la loi 19-20 entrée en vigueur il y a moins de 2 mois ? N. G. : Comme cela a été relevé par l’OCDE, de grands pays industriels disposant de puissants moyens économiques mais aussi de législations modernes, se heurtent éga- lement à la difficulté d’accompagner favo- rablement leurs dirigeants dans cette phase de désengagement et peinent à aider au renouvellement dans certains cas (Canada notamment) de toute une génération d’en- trepreneurs. Cet échec relatif révèle l’ex- trême complexité de la réponse à apporter, car elle doit intégrer de multiples facteurs à caractère économique, financier, fiscal, sociétal et enfin juridique. Les Etats sont impuissants par ailleurs à réguler des élé- ments psychologiques ou émotionnels qui se déroulent naturellement dans la sphère privée de l’entreprise et ne sont révélés au grand jour qu’en cas de difficultés ou de disparition de ces entités. Néanmoins, et parmi les formes d’incitation propres à créer un écosystème idoine à des transmissions plus fluides, la norme légale joue un rôle fondamental aux côtés de mesures fiscales favorables. Le cadre juridique ne peut pas tout résoudre à lui seul mais c’est un véri- table levier de performance économique lorsqu’il répond directement aux besoins spécifiques des opérateurs. L’OCDE a bien rappelé dans le rapport suscité que «le plus

grand défi pour les propriétaires de PME est de trouver la bonne forme de transmission». Jusqu’à la promulgation de la loi 19-20, les dirigeants marocains, gérants de SARL pour 97% d’entre eux, peinaient à trouver une formule idéale encourageant l’investisse- ment dans leur entreprise pour des raisons tenant en partie à la rigidité de leur mode de gouvernance. Les dirigeants/ propriétaires du capital des SA se heurtaient, quant à eux, à la complexité et à la lourdeur des règles impératives de l’administration de cette structure principalement dans la phase transitoire d’intégration du nouvel acquéreur. Si nous laissons de côté les transmissions dites «internes» car opérées en faveur d’un membre de la famille, il faut souligner qu’une transmission «externe» réussie est un pro- cessus long dans la majeure partie des cas qui peut perdurer sur plusieurs années. La phase d’intégration du repreneur avant le désengagement définitif du propriétaire a besoin de modalités adaptées et souples qui étaient réglées jusque-là par des clauses particulières des pactes d’actionnaires et par des opérations de ‘portage’ destinées à contourner les règles juridiques et habiller la réalité de la nouvelle répartition capital/ pouvoir. Des contrats de mission liant le cédant à l’entreprise tentaient également de répondre au besoin d’accompagnement du repreneur lorsqu’il n’était ni concurrent, ni fournisseur ou client de l’entreprise acquise, et ne connaissait donc pas le métier ni le secteur d’activité concerné. La transformation d’une SA ou SARL en

La trans- mission d’entreprise demeure l’angle mort de notre législation juridique et fiscale.

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