FNH N°1060

C ULTURE

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FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 31 MARS 2022

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Exposition

◆ HichamMatini et Saad Nazih, ces peintres inclassables parce que hors du rang, font l’objet d’une exposition d’importance, «How real is real ?», à la séduisante galerie casablancaise 38. Déferlement visuel

ressemble nullement à ceux qui l’ont, malgré eux, provoquée : Hicham Matini et Saad Nazih, deux peintres d’une même génération, qui, selon la critique d’art Syham Weigant, « bien que parfai- tement distincte l’une de l’autre, leurs deux peintures se distinguent surtout des thèmes et usages du postmoder- nisme par leur prédilection pour de minutieuses compositions sous formes de fresques hyper-détaillées ». A peine y avez-vous pénétré qu’une orgie de couleurs vives et hauts contrastes vous happent. Vos yeux une

où le visiteur est progressivement saisi d’un sentiment d’irréalité. Elles nouent entre elles d’hermétiques intrigues, se paient la tête du juge, du gendarme, du critique bien sûr, et sans doute du public ! Tout droit surgi indubitable- ment de son entourage, un homme en torse nu participe également au grand carnaval des vanités que Saad met en toile. Ils semblent tous danser un bal- let de mort. Suprême émissaire de la dérision, la Mort ne serait donc que le masque ultime et vide de la turlupinante espèce humaine. En adoptant cette complice, Saad explore la mainmise du pouvoir de l’argent sur nos vies. Il aborde l’ensemble des enjeux socioé- conomiques et moraux qui entourent « darham (le Dirham)». Ainsi, la monnaie est-elle liée – dans sa peinture comme en économie – à la question de la valeur, des échanges, mais aussi à la condition sociale, à la qualité ou aux vices de celui qui l’a entre les mains. Saad Nazih et Hicham Matini nous font plonger dans un univers époustouflant. Devant leurs toiles, tout le monde reste hypnotisé, et le voyage dans l’incons- cient semble bel et bien opérer. Il y a du dur et du doux, de l’infiniment grand et de l’infiniment petit, une once de farfelu… Il y a dans leurs univers pic- turaux, quelque chose de ce fameux idiome, mille fois répété mais jamais compris autrement que poétiquement : un battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut déclencher une tornade au Texas. Le résultat est dense, addictif, hypnoti- sant. Il est aussi empreint d’un certain climat catastrophique ambiant, mais on ne s’en rend compte qu’après être remonté à la surface, c’est-à-dire à l’aire libre, hors de la galerie 38. ◆

fois dessillés discernent un amas de gros pixels, satu- rations intenses, couleurs glissantes, images défrag- mentées en pièces. Soit, une ambiance «bug de l’an 2000», où l’on est encore transi d’admiration devant

Du haut en bas : «Jeu de soldat», technique mixte sur toile de Hicham Matini. «Et Dieu créa l'homme, la femme et l'argent» , acrylique et huile sur toile de Saad Nazih.

des défaillances visuelles. Mais ce ne sont pas là des images créées par des machines. Hicham Matini est un archéologue du bug. Dans ce sens où il s’évertue à dépister, à affleurer puis à peindre l'esthétique du glitch, ces drôles d'anomalies informatiques cau- sées par la corruption de codes infor- matiques, qui détériorent, fragmentent, répliquent et transforment nos images. De là, il fait naître une forme de beau- té abstraite ou totalement surréaliste, au-delà d’un art purement psyché- délique ou résolument pop, dans le dessein d’explorer la chance, l’échec, l’anarchie et la nostalgie en mettant en évidence la dialectique traditions/ modernité moyennant des références populaires pour mieux se réapproprier et arpenter notre ère. On y trouve par ailleurs chez Saad Nazih une farandole de figures mystérieuses

Par R. K. H.

L

a galerie 38 a connu dans la soi- rée du 24 mars une intrigante effervescence : va-et-vient incessants, foule de badauds, fanfares et trompettes (si ! si !). Une telle agitation, fort entraînante, ne

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