P OLITIQUE
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JEUDI 13 JANVIER 2022 FINANCES NEWS HEBDO
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Algérie Le temps du délire V oilà que l’Algérie parle de «complot» par la voix de son agence de presse officielle, l’APS ! De quoi s’agit-il au vrai ? D’un Par Mustapha SEHIMI Professeur de droit, Politologue
rapport semestriel de suivi publié par la Banque mondiale, voici deux semaines à peine. Il ne mentionne pas «un séisme économique» , mais parle de «vulnérabilité de ses expor- tations, de soldes budgétaires et extérieurs en détérioration à moyen terme» ainsi que de l’aggravation des inégalités entre le nord et le sud et entre les villes et les campagnes. Où est le «complot» mis en cause par certains ? Ce rapport a été adressé au ministère algérien des Finances avant sa publication et sa mise en ligne. Aucun responsable n’a trouvé à y redire… Alors, pourquoi cette campagne hos- tile, haineuse même contre le Maroc, accusé d’avoir instrumentalisé la Banque mondiale à des fins ina- vouables ? Celle-ci a d’ailleurs réagi en rappelant la méthodologie de son travail et sa fiabilité. Il reste que les indicateurs sont au rouge : déficit budgétaire de 13,6%; contraction des réserves de change (12 mois); PIB (3,3%); et PIB hors hydrocarbures (3,9%); chômage de masse (20% et 40% chez les jeunes); envol des prix des denrées alimentaires et pénuries. Le modèle algérien fondé sur la crois- sance de la rente pétrolière accuse une grave crise. Or, les recettes des hydrocarbures (pétrole, gaz) ont été divisées par deux au cours des cinq dernière années. Le système écono- mique peut-il tenir durablement ? Il peut souffler quelque peu aujourd’hui avec l’envol des prix du baril de pétrole (80-85 dollars pour le Brent). Mais la transition vers un modèle dif- férent, moins rentier surtout, ne peut se faire que par la fin du capitalisme
de copinage, propre à ce régime. C’est la condition de l’émergence d’un Etat de droit avec une véri- table classe entrepreneuriale dans de nombreux domaines tels le tourisme, l’agroalimentaire ou l’économie du numérique. Mais ce «système» est-il réformable ? Personne ne peut sérieusement le soutenir. Le cœur du réacteur est là, un invariant structurel, formé et consolidé par ce que l’on pourrait appeler, pour employer une méta- phore géologique, une sédimentation de plus d’un demi-siècle. Il y a bien eu des variantes, ici ou là, mais pas sur les fondamentaux : un régime autoritaire, capté par l’armée depuis l’indépendance en 1962; des clans, bien sûr, des règlements de compte peu pacifiques soit dit en passant, mais les généraux «ne lâchent rien» . Ils disposent au surplus d’un appareil sécuritaire, civil et militaire, mobilisé pour la régulation sociale, la «stabili- té» et la gestion de l’ordre public. Des statuts à préserver. Et des intérêts. Des rentes aussi… Le délire des officiels d’Alger ? Il n’in-
crimine pas seulement une institu- tion internationale comme la Banque mondiale : tant s’en faut. Il vise aussi - et de manière constante d’ailleurs depuis des années, voire des décen- nies – le Maroc. Les provocations et les menées hostiles se multiplient; elles traduisent une sorte d’enferme- ment et de rigidité psychologique et politique. Les généraux n’ont donc pas d’autre grain à moudre que la dénonciation de ce qu’ils appellent l’ «ennemi» - le voisin de l’est. Mais qui menace qui ? Il y a quelque chose de cliniquement hystérique dans ces ressorts profonds et leurs expressions bellicistes ininterrom- pues. Ce qui leur est insupportable, au fond, c’est le «modèle» marocain qui fait la preuve de sa viabilité, alors que l’Algérie accuse un sinistre de son économie; c’est la construction démocratique dans le Royaume qui engrange et consolide des avancées; c’est aussi l’ambition d’un modèle de société moderniste, démocratique et solidaire inscrit au fronton du nou- veau règne, et qui se prolonge dans le nouveau modèle de développe-
Pourquoi cette cam- pagne hostile, haineuse même contre le Maroc, accusé d’avoir instrumenta- lisé la Banque mondiale à des fins ina- vouables ?
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