FInances News Hebdo 986

20

ECONOMIE

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 11 ET VENDREDI 12 JUIN 2020

www.fnh.ma

Maroc lors des dernières décennies, les diffi- cultés rencontrées par l’économie marocaine à la faveur de la crise de la Covid-19 s’inscrivent dans le contexte d’une crise mondiale. Un grand nombre de pays, parmi les plus dévelop- pés, feront face en 2020 et peut-être en 2021 à des récessions, des déficits budgétaires et des pressions énormes sur les finances publiques. La présidente de la Commission européenne, puisque vous me posez la question sur cet ensemble, vient d’annoncer un grand emprunt de 750 milliards d’euros sur 30 ans. L’UE, col- lectivement, sera donc endettée pour la pre- mière fois de son histoire ! Le Maroc n’est pas seul à faire face à une conjoncture économique difficile. Et cela change tout dans le paramétrage des négocia- tions économiques internationales. C’est dans ce contexte que les relations entre le Maroc et l’UE ont une opportunité de construire quelque chose de nouveau aujourd’hui, basée sur un réel partenariat gagnant-gagnant, une résilience commune et une solidarité collective. F.N.H. : Dans une optique de révision du partenariat qui nous lie avec le Vieux continent, quels devront être, selon vous, les nouveaux enjeux de la relation commerciale entre les deux parties ? F. S. : Le cadre juridique actuel des relations Maroc-UE est celui de l’Accord d’association qui a été signé en 1996, c’est-à-dire il y a 24 ans ! Or, ni le Maroc, ni l’UE, ni la Méditerranée, ni l’Afrique, ni même le monde ne sont les mêmes en 2020 par rapport à ce qu’ils étaient il y a 24 ans, ni même par rap- port à 2008, date à laquelle le Maroc obtenait le Statut avancé avec l’UE ! L’Afrique constitue un axe fondamental pour le développe- ment des relations économiques inter- nationales du Maroc. Le besoin d’actualiser le logiciel de la relation est donc bien là et c’est précisément ce qu’a relevé le dernier Conseil d’association Maroc- UE qui a eu lieu à Bruxelles en juin 2019. Je rappelle que, pour le Maroc, l’UE est le 1 er partenaire économique avec 66% de ses exportations, 54% de ses importations, 71% des IDE, 74% des recettes touristiques et 70% des transferts des MRE. Pour l’UE, le Maroc est le 25 ème partenaire commercial avec un peu moins de 1%. Il y a donc certes une montée en puissance des relations économiques Maroc-UE mais également des déséquilibres enregistrés : la

L’économie marocaine a donc l’oppor- tunité de se positionner sur ces deux segments vis-à-vis du marché euro- péen.

velles donnes imposées par cette crise sanitaire, qui suppose de la part de l'Europe le «rapatriement» et la reloca- lisation de plusieurs de ses activités ? F. S. : Je pense effectivement que le phéno- mène de relocalisation est à suivre sérieuse- ment. Mais analysons la situation de près. Si l’on prend l’exemple spécifique de la Chine, sa part dans les investissements européens dans le monde n’est que de 4,5% (source Eurostat). Cela la place en 4 ème position des IDE sortants de l’UE après les Etats-Unis (34%), les pays de l’AELE -Norvège, Suisse, Liechtenstein et Islande- (15%) et les pays du Mercosur -Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay- (5,1%). La Chine est, en revanche, le premier fournis- seur de l’UE avec 18,7% du total des impor- tations communautaires devant les Etats-Unis (12%), le Royaume-Uni (10%) et les pays de l’AELE (8,5%). La Chine était, par ailleurs en 2019, le premier déficit de la balance commer- ciale de l'UE avec -163,7 milliards d’euros. Cette analyse permet de mettre en évidence le fait que la prééminence de la Chine pour l’éco- nomie de l’UE est bien davantage au niveau des approvisionnements qu’à celui des inves- tissements de production. Ainsi, si un mouvement de relocalisation est observé, en termes de calendrier, il serait observé d’abord au niveau des chaînes d’ap- provisionnements et sur un temps plus long, éventuellement sur celui des investissements qui prendrait évidemment plus de délais. L’économie marocaine a donc l’opportunité de se positionner sur ces deux segments vis-à-vis du marché européen. Le plus important pour cela est que le Maroc continue à renforcer sa base de production dans les secteurs industriels et agricoles. Les actions entreprises de ce point de vue par les

balance commerciale est largement déficitaire en défaveur du Maroc (le déficit s’agrandit et le Maroc représente en 2019 le 12 ème excédent commercial de l’UE !) ; les flux des IDE restent modestes (0,2% du total des investissements européens dans le monde) au regard du poten- tiel qui existe aujourd’hui au Maroc. Et c’est précisément sous l’effet de la triple dynamique (Cadre juridique à actualiser ; potentiel inexploité avec notamment le nou- veau profil économique du Royaume, y com- pris dans sa projection africaine ; nouveau contexte créé par la crise de la Covid 19) qu’il faut envisager les pistes d’évolution des rela- tions Maroc-UE sur des bases innovantes. C’est la raison pour laquelle, je crois, qu’il faut aller aujourd’hui au-delà du terme «commer- cial» que vous évoquez dans votre question. Les années 90 étaient celles du libre-échange, bilatéral et multilatéral, sur la base d’une globa- lisation rapide des marchés. Depuis quelques années déjà, bien avant la crise de la Covid-19, l’on sentait bien que cette logique exclusive du marché avait atteint ses limites. La crise finan- cière de 2008 en était une des alertes les plus fortes. La crise de la Covid-19 sera, de ce point de vue, un accélérateur d’un mouvement qui avait déjà été entamé mais qui sera accéléré et, bien entendu, ajusté et qui verra les fonctions de «Production» primer. C’est probablement dans ce sens que devra évoluer le partenariat maroco-communautaire. Une nouvelle vision stratégique devrait per- mettre au Maroc et à l’UE de concevoir ensemble un espace commun de co-produc- tion qui serait pionnier et structurant dans l’axe Europe-Méditerranée-Afrique.

F.N.H. : Quel est aujourd'hui le défi du tissu industriel marocain face aux nou-

Made with FlippingBook flipbook maker