FNH 992

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POLITIQUE

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 30 JUILLET 2020

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le vote doit faire sens, permettre de choisir après une délibération, donner l'occasion d'adhérer à un programme, à des objectifs, à des réformes pouvant être conduites et mises en œuvre par des élus. Est-ce le cas aujourd'hui ? Ce phénomène d'affaissement de la fonction de représentation devant être assumée par les partis poli- tiques ne signifie pas pour autant le déficit de la conscience civique : tant s'en faut. Avec le digital, le périmètre de la conscience civique s'est considérablement élargi; c'est un nouvel univers qui est là et qui offre un cadre d'expression iné- dit. L'internaute n'a-t-il pas rem- placé le citoyen d'hier ? Le «click» et le partage paraissent ainsi être une forme avancée d'expression, déclassant dans le même temps le vote qui, lui, n'intervient qu'à l'occa- sion d'un agenda institutionnel tous les cinq ou six ans. Il s'en suit que ce mode digital n'est pas neutre, aseptisé, une sorte de marais; bien au contraire, il génère des élans, des indignations, des colères; des contestations et des mobilisations. Tout ce qui s'est passé depuis quatre ans témoigne de cette situa- tion : le hirak du Rif, Zagora et les «émeutes de la soif», Jerada, sans oublier le boycott du printemps 2018, les enseignants contractuels, les étudiants en médecine,... Autant de mobilisations sociales qui pré- sentent ce trait commun : celui de se déployer en dehors du cadre institutionnel en place (partis, syndi- cats, collectivités locales, ...). Peut-on parler de transition démo- cratique ? Il manque – toujours ? - une stratégie universelle dans ce domaine parce que c'est la vie sociale qui n'est pas prédictive. Il n'y a pas de recette magique, mais des principes. Or, au Maroc, les anciennes règles de jeu ont-elles changé ? Voit-on s'installer de nou- velles configurations stratégiques et politiques ? La gestion du sys- tème partisan a-t-elle libéré cer- taines contraintes et favorisé une libération de la dialectique démo- cratique ?

L'action poli- tique pèse- t-elle réelle- ment dans l'élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques ?

économique, le Maroc reste marqué par des inégali- tés sociales et régionales importantes. Des initiatives comme le nouveau modèle de développement envisagé peuvent-elles remédier à ces lacunes ? M. S. : Sur le nouveau modèle de développement, il y aurait beau- coup à dire. Dans le discours offi- ciel, de quoi s'agit-il ? De se doter d'un cadre référentiel identifiant le diagnostic, anticipant le futur et se projetant de manière prospective dans l'appréhension du Maroc de demain, à l'horizon d'une, voire deux décennies. Cela pose tout d'abord un problème théorique, épistémolo- gique même, quant au contenu cri- tique de cette notion de modèle de développement. Comment élaborer un modèle de développement ? En s'inspirant des expériences étrangères ? Mais lesquelles, tant il est vrai que chaque pays a son his- toire économique, ses contraintes et ses spécificités ? Un modèle keynésien, fordiste, néolibéral ? Ce qui apparaît plutôt, c'est qu'un modèle économique est finalement une construction théorique a pos- teriori. C'est une configuration qui a réuni plusieurs éléments struc- turants et qui a fini par présenter une certaine cohérence. En somme, c'est après coup que l'on finit par considérer que ce qui a été fait dans différentes directions, est positif et qu'il faut persévérer dans la même voie même avec des ajustements

inévitables. Ce qui est à l'ordre du jour en 2020 - le cahier des charges de la Commission Benmoussa -, c'est la recherche et la finalisation d’un modèle de développement «maro- co-marocain» - c'est nécessaire et pertinent : il n'y a pas d'autre recette ni méthodologie à ce sujet. Les partis doivent être au premier rang de cette réflexion nationale. C’est un discours convenu ici et là, de les accabler et de leur faire endosser souvent le non-succès des politiques publiques au cours de la décennie écoulée. Mais les «technocrates» qui ont eu les leviers de commande, dans de nombreux domaines économiques, sociaux et autres, doivent-ils être absouts ? Les chantiers infrastructurels n'ont- ils pas minoré la dimension sociale et la promotion de l'emploi ? S'est- on préoccupé en effet d'un modèle de développement inclusif, pour reprendre une terminologie cou- rante ? Des questions de fond pèsent de tout leur poids sur cette probléma- tique du nouveau modèle de déve- loppement : la place et le rôle des acteurs sociaux; la formation d'un bloc social adhérent et mobilisé; un mode de régulation et des formes de gouvernance délimitant la place du marché, de l'Etat et société civile; le système de production avec de nouvelles formes d'organisation du travail, des rapports entre les entre- prises, les politiques industrielles et économiques; la refonte des sys-

tèmes publics avec une redistribu- tion et une organisation des ser- vices; enfin, une politique d'inser- tion dans l'économie mondiale. Cette pause de réflexion et de déli- bération doit être féconde. Elle a été tardive, alors que les inégalités se sont creusées depuis des années et que l'on n'a pas veillé à les corriger à temps. Le risque existe que l'on attende et que l'on espère trop du rapport de la Commission... Réformer le champ politique ? Il faut du volontarisme ! Est-ce le cas ? Cela passe par une pleine application de la Constitution et l'exercice par les différents organes de la plénitude de leurs attributions. Cela commande aussi que les nom- breuses instances consultatives et de bonne gouvernance puissent assumer leur mission alors qu'elles sont marginalisées. Cela exige aussi davantage de démocratie interne au sein des partis où prévaut, ici et là, un modèle rentier, clientéliste, cla- nique aussi. Enfin, les partis doivent recouvrer leur autonomie de déci- sion, assumer leurs décisions en toute responsabilité. C'est à cette aune-là que l'on pourra engager les profondes réformes attendues, avec des partis et des responsables justifiant d'une capacité d'incarna- tion et de portage. Retour à la poli- tique : voilà le challenge. Elle seule assure et permet le nécessaire sou- tien populaire ! Mais de quelle politique faut-il par- ler en dernière instance ? Ni les règles de jeu ni les formes d'action

F.N.H. : En dépit d’un essor

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