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CULTURE
FINANCES NEWS HEBDO
JEUDI 15 AVRIL 2021
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Hakima El Atrassi
puisse me faire ! Devant le public, c’est la vraie Hakima qui joue sans fard. Le trac n’est jamais loin, il est essentiel pour faire monter l’adréna- line. Avant de monter sur scène, j’ai mon rituel qui est purement spirituel. F.N.H. : Avec votre double culture, française et marocaine, vous restez très attachée à vos racines. Êtes-vous d’accord que pour être apaisé il faut toujours revenir aux sources ? H. E. A. : Je suis tout à fait d’accord. C’est une question d’identité. J’ai une double culture, c’est une richesse et ça m’inspire énormément. Grâce à cette belle combinaison, je peux écrire de bonnes anecdotes en parlant de mon pays d’origine et bien sûr de la France, sans tomber dans l’excès. Faire de l’humour avec humour. On peut rire de tout mais avec mesure, il ne s’agit pas d’offenser mais de «rire avec», c’est très important pour moi. Ceci dit, j’injecte dans mes sketchs une bonne dose d’autodéri- sion franco-marocaine. Ce n’est pas pour être apaisé que je reviens aux sources, car c’est ma culture, j’en ai besoin, je suis Marocaine et Française également, et cette double culture m’est indispensable. J’ai vécu 6 ans chez ma famille maternelle au Maroc, et malgré la douleur et l’extrême pauvreté, j’ai remarqué qu’il y avait aussi des valeurs dans la pauvreté, notamment la dignité et le partage. Comme ma grand-mère (paix à son âme) qui nous racontait des histoires la nuit, pendant que la bougie se consumait. Ce sont vraiment des moments magiques; on peut être pauvre et en rire, c’est une belle victoire. F.N.H. : Vous vous êtes produite sur les scènes de plusieurs théâtres célèbres en France, même au Maroc d’ailleurs. Quel effet cela vous fait-il de réussir dans un milieu où la concurrence est âprement disputée ? H. E. A. : Je me suis produite sur plusieurs scènes de théâtres célèbres en France et même au Maroc. C’est dans la concurrence que l’on progresse, j’aime les défis. Sans un contexte compétitif, on ne peut pas se surpasser. Sans concurrence, on ne peut pas réaliser qu’on était capable de faire mieux. Lorsque je réussis mes scènes dans cet environnement concurrentiel, sans pitié et parfois anxiogène, cela me donne une grande satisfaction personnelle. F.N.H. : Vous écrivez vous-mêmes vos sketchs et actuellement vous préparez un court-métrage. D'où pui- sez- vous l’inspiration et la force pour créer encore et toujours ? H. E. A. : L’inspiration, elle est partout, il suffit de lever les yeux et d’écouter autour de soi.
Et croyez-moi, il n’y a pas assez d’encre pour écrire tout ce qui se passe autour de nous. Quelques fois, j’écris de petites notes quand j’ai une idée ou quand je pense à une vanne ou phrase que j’estime drôle. Autant de notes que je ressors pour m’inspirer quand je décide d’écrire. Il serait prétentieux de ma part de dire que je ne suis jamais en panne d’idées. Je suis comme de nombreux humoristes et écrivains : quand ce n’est pas le bon moment, je reporte. Quand c’est le bon moment, je fais un effort, surtout quand les idées fusent. Je soumets quelques fois mes écrits à ma sœur Latifa, mon frère Sadek et mon fiancé Cédric qui sont souvent source d’inspiration com- plémentaire et, surtout, ils sont très critiques vis-à-vis de mon travail. La famille El Atrassi est redoutable à cet égard et elle déteste la médiocrité. D’ailleurs, je me souviens quand Mustapha et moi écrivions des sketches, chacun de son côté, toute la famille s’asseyait sur le canapé, et on jouait chacun nos sketchs au fur et à mesure. Et quelques fois, il y avait des fous rires, surtout quand c’était un bide. Maman, Sadek et mes sœurs se moquaient de nous, car ils trouvaient ça hors contexte. Il faut savoir que le jury le plus sévère était la famille. Après un tel jury, nous étions armés pour passer chez tout le monde. F.N.H. : Aussi paradoxal que cela puisse paraître, réussir rime parfois avec douleur, difficulté… Avec la sor- tie de «Odyssée nocturne», vous diriez aujourd’hui que vous êtes réconciliée avec vous-mêmes et votre passé ? H. E. A. : Douleur ? Non, parce que tout ce que l’on dit sur scène, c’est le public qui le reçoit et je ne veux en aucun cas qu'il récep- tionne de moi une souffrance. Difficulté et effort oui, car sans effort, qui est le garant de la réussite, il n’y a aucune satisfaction et aucun progrès. Je suis complètement récon- ciliée avec moi-même, et je tiens à remercier tous ceux qui ont croisé ma route en bien ou en mal. Ils ont fait de moi ce que je suis aujourd’hui, une femme épanouie et solide. «Odyssée nocturne» est un message pour le monde entier, pour que les gens qui sont dans le gouffre trouvent une étincelle pour les guider vers la lumière. C’est une marche longue et sinueuse, mais au bout du tunnel il y a une ouverture : les limbes de l’espoir. Il faut juste y croire. D’ailleurs, mon prochain projet est de faire une adaptation cinémato- graphique de mon livre et je suis en quête de réalisateurs marocains et français pour collaborer ensemble. Je rêve aussi de jouer dans un sitcom ou long métrage marocain pour s’attaquer à un registre bien différent du mien. ◆
De l’ombre à la lumière
“N o us sommes le 11 novembre 1973 à Bourges, dans le cœur de la France, à l'hôpital Jacques Cœur. Je jette mon premier regard sur le monde…» C'est à travers ces premières lignes, prémices de «Odyssée nocturne», que Hakima aborde son roman autobiographique non sans émotion. Elle y apporte son témoignage, à travers les frag- ments d’une vie et d’un combat. Elle est née pour la lumière, mais les ténèbres l’ont ligotée. L’humoriste a très vite compris qu’il fallait se surpasser pour ne pas se faire dépasser. Que faire des bles- sures si ce n’est prendre une belle revanche sur la vie. S’exprimer autrement grâce au rire, la créa- tion et l’élaboration des sketchs, c’est s’attaquer à un registre assez coriace : le stand-up. «One woman show à moi» joué dans les grands théâtres de Montmartre Galabru en 2010 et «Les feux de la rampe» en 2011. «Hakima entre en scène» est son 2 ème spectacle joué en 2012 et en 2014. Qualifiée comme étant la plus survoltée des nou- veaux talents du stand-up, le côté décalé, son impertinence et son sens de l'absurde constituent ses armes sur scène. Persuadée que le talent à lui seul ne suffit pas, l’artiste peaufine les
procédés du comique à tra- vers l’apprentissage. Elle a d’ail- leurs suivi les cours Florent pour être plus performante. Sa prio- rité est d’apprivoiser son public. Actuellement, elle est en plein tournage d’un 3 ème court-métrage. Le destin lui a certes infligé de larges plaies, mais aujourd’hui Hakima réplique avec généro- sité. Au menu : rire et fous rires. La vraie muse de l’artiste, c’est sa mère. Khadija El Azzouzi est dotée d’un sens de l’humour très aiguisé; elle est sa 1 ère fan et également son 1 er juge, mais pas seulement. Faut-il le rappeler, la bombe du rire délurée n’est autre que la sœur aînée du talentueux humo- riste marocain Mustapha El Atrassi, auteur d’une belle car- rière d’humoriste en France. Ses spectacles affichent toujours complet au Zénith comme à l’Olympia. Actuellement, c’est sa maman Khadija qui fait la 1 ère par- tie de son spectacle. Telle mère, telle fille, tel fils. Hakima est fière de son frère et de sa réussite. A quand un show à trois ? ◆
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