FNH N° 1094

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ECONOMIE

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JEUDI 2 FÉVRIER 2023

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ment due au manque de com- pétences linguistiques, qui représente un frein à l’intégra- tion de ces diplômés sur le mar- ché de l’emploi. Justement, le motif cité par ce responsable gouvernemental est également considéré comme une cause du décrochage universitaire. Ne parvenant pas à s’adapter à un enseignement majoritairement francophone, certains étudiants jettent l’éponge et abandonnent leurs études. Quitter les études pour aller travailler Par ailleurs, la tendance à la hausse du taux de décrochage universitaire est également liée au choix que font certains étudiants, qui préfèrent se lan- cer dans le monde du travail plutôt que de poursuivre leurs études. Ce phénomène est si répandu que, de nos jours, cer- taines entreprises ne fixent pas le diplôme comme critère de recrutement. «Aujourd’hui, certaines admi- nistrations recrutent des profils BAC+1 ou BAC+2, ce qui incite beaucoup de jeunes à quitter

Même son de cloche chez Abdellatif Komat, qui explique que le décrochage est princi- palement provoqué par «le manque de motivation de cer- tains étudiants pour les forma- tions auxquelles ils accèdent et qui ne constituent pas forcé- ment leur première préférence. Au Maroc, la capacité d'accueil au niveau des établissements à accès régulé, à savoir les écoles de gestion, les écoles d'ingé- nieurs, les facultés de médecine et toute autre école spécialisée, est limitée, ce qui fait que tout le reste est obligé d'aller vers les universités à accès libre, qui ne sont souvent pas le choix privilégié». Mais alors qu’en raison d’une mauvaise orientation certains jeunes mettent un point final à leurs études, d'autres choi- sissent de se réorienter vers une autre formation, ce qui est considéré par les profes- sionnels comme une sorte de décrochage partiel. «Dans cer- tains cas, le décrochage est lié à un problème d'orientation, ce qui fait que l'étudiant quitte un établissement pour aller vers

le monde universitaire, alors qu’ils viennent tout juste d’enta- mer leur parcours» , se désole Abdellatif Komat. L’orientation : Le parent pauvre de la sphère éducative D’un autre côté, le décrochage universitaire est très fréquem- ment attribué à une mauvaise orientation. «Parfois, les conseils d’orientation donnés aux bache- liers conduisent à la propaga- tion d’une idée selon laquelle quelques spécialités sont sans importance et ne permettent pas de s'insérer sur le marché du travail, ce qui explique la grande pression sur certaines spécialités. Certains parents obligent leurs enfants à suivre un chemin qu’ils n’ont pas choi- si, ce qui mène en fin de compte à l’abandon. Par ailleurs, plu- sieurs étudiants se retrouvent forcés de faire des choix alter- natifs en cas de non-admission dans une filière ou un établis- sement soumis à un concours, ce qui les conduit inexorable- ment au décrochage », fait savoir le professeur Abdelfattah El Belamachi.

un autre ou pour aller vers la formation professionnelle. Dans ce cas-là, il ne s’agit pas d’un décrochage total, mais plutôt d'une réorientation», précise Abdellatif Komat. Plusieurs autres raisons poussent les jeunes à ne pas aller au bout de leurs études. Il s’agit notamment de «l'éloi- gnement des étudiants des uni- versités, en particulier ceux qui habitent dans des zones rurales, le mariage précoce, surtout chez les étudiantes, ainsi que la situation sociale défavorable qui contraint certains parents à pousser leurs enfants à travail- ler au lieu de les inciter à pour- suivre leurs études» , détaille Abdelfattah El Belamachi. En définitive, le phénomène du décrochage universitaire gagne de plus en plus de terrain au Maroc, exigeant ainsi une intervention immédiate. «Il est important de mettre en place une approche intégrée qui va s’attaquer à la structure du sys- tème éducatif. Il est également indispensable de revoir toutes les spécialités proposées au sein de nos universités en déve- loppant notamment le contenu de chaque filière, de façon à l’adapter aux nouveaux besoins du marché du travail» , estime Pr. Abdelfattah El Belamachi, qui souligne que les institutions concernées sont constamment engagées dans la lutte contre ce fléau. Rappelons que le ministre Abdellatif Miraoui a récemment affirmé que, dans le cadre du Plan national d’accélération de la transformation de l’écosys- tème de l’enseignement supé- rieur, de la recherche scienti- fique et de l’innovation (Pacte ESRI 2030), son département prévoit de développer l'offre de formation, de la diversifier et de l’adapter aux exigences du marché de l’emploi ainsi qu’aux besoins des filières territoriales en capital humain, ce qui va par conséquent contribuer à la baisse du taux du décrochage universitaire. ◆

Le décro- chage est éga- lement dû à la nature des formations offertes qui ne répondent pas aux

besoins du marché de

l’emploi, d’où la hausse du taux de chô- mage chez les diplômés des universités.

Atténuer le décrochage universitaire : Ce que propose Abdellatif Komat, doyen de la FSJES à l’Université Hassan II de Casablanca

• Orientation : En ce qui concerne les propositions de solutions, il faut d’abord renforcer l'orientation qui constitue un axe très important. Il est indispensable de permettre aux étudiants de choisir une formation par conviction. • Adapter la formation aux besoins : Deuxièmement, il faut diversifier l'offre de formation en allant vers des formations plus pointues et en adé- quation avec les besoins du marché du travail. • Formations partenariales : Troisièmement, aller vers des formations par- tenariales, c'est-à-dire des formations en collaboration avec le milieu pro- fessionnel, comme par exemple les fédérations, les associations ou encore les ministères, de manière à ce qu’ils participent à l'ingénierie de formation et à la conception des programmes. Cela va faire en sorte que les formations soient adaptées à leurs besoins. Certaines universités ont déjà adopté cette stratégie et cela a porté ses fruits. • S’ouvrir sur le digital : Enfin, il faut penser à perfectionner les méthodes

d'enseignement. Aujourd'hui, nous sommes face à un public d'étudiants très ouvert sur le digital et qui a besoin de plus de pratique. Il est donc important de miser sur l’innovation pédagogique et d’opter pour une méthode d’enseignement qui puisse intéresser les jeunes. Aujourd’hui, le ministère de tutelle est bien conscient de ces défis et la réforme en cours prend en considération toutes ces questions.

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