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Reproduction of Evil ( La reproduction du mal ) de Susan Grand (2000) utilise une perspective relationnelle contemporaine pour comprendre la nature du mal à un niveau interpersonnel, car il fonctionne sous la forme d'une relation entre l'auteur et la victime. Elle décrit le processus par lequel le « meurtre de l'âme » d'une victime génère la formation d'un « non-soi » (« no self ») intolerable, qui ne pourrait être éradiqué que par une transformation en un auteur ayant évacué cet aspect déshumanisé dans sa victime. Grand explique que « l’altérisation » (« othering ») que requiert la création d'une vie humaine sacrificielle implique la formation d'une relation « I-it » 73 (Buber, 1937) par laquelle l'opprimé perd son humanité et devient une chose. Cette victime- chose doit alors être détruite, car elle est devenue le dépositaire de l’ effroi de l'agresseur. Ainsi, Grand explique de manière saisissante comment le mal est créé et reproduit à travers les générations et nous aide à comprendre comment les personnes en viennent à se haïr et à se détruire les uns les autres.
V. CONCLUSION
L'introduction par Melanie Klein du concept de l’identification projective en 1946 eut un grand impact sur la pensée théorique et clinique psychanalytique dans le monde entier. Elle a développé ce concept à partir de ses expériences psychanalytiques avec des enfants et des adultes. Il trouve ses racines dans les concepts de projection et d'identification de Freud. Klein considérait l'identification projective comme un moyen intrapsychique par lequel le nourrisson se libère d'affects, d'objets et de parties du soi non désirés et un mécanisme par lequel il prend le contrôle de la mère dans un fantasme [inconscient]. En considérant que le projet du nourrisson consiste à garder le mauvais dehors et le bon dedans, Klein avait observé que l'identification projective et introjective vont de pair. Klein insiste sur le fait que ce mode de fonctionnement efface la frontière entre la réalité externe et la réalité psychique et permet au sujet de prendre le pouvoir - dans le fantasme - sur tout ou partie d'une personne externe ou d'un objet interne. Elle considérait l'identification projective comme l'un des ensembles primitifs de défenses avec le clivage, le déni et l'idéalisation, avec lesquels elle est étroitement liée. Elle a observé qu'une utilisation pathologique de l'identification projective maintient le sujet dans un fantasme illusoire selon lequel le long et douloureux processus de deuil, décrit par Freud (1915), peut être évité, et donc – dans le cadre kleinien – qu’elle empêcherait le passage de la position paranoïde-schizoïde à la position dépressive. Wilfred Bion a élargi la notion selon Klein de « l'identification projective en tant que fantasme défensif » pour y inclure sa fonction de forme normale et pré-verbale de communication qui se produit réellement entre la mère et l'enfant. Selon Bion, l'identification
73 « I-It », signifiant en français « Je et ‘Il’ », dont le terme « it » anglais correspond au pronom personnel neutre français (il, elle) utilisé pour parler d'un animal ou d'une chose et non d’un être humain. (N.d.T.)
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