Ère magazine, édition décembre 2020

un moment donné je m’intéresse à tout cela. On verra ce que cela va donner !

notre discours était nécessaire et juste. Si vous êtes en charge du destin d’un pays et d’une population, vous devez lui assurer la sécurité – sécurité énergétique et alimentaire – ainsi que la santé. Et pour arriver à cela, il faut penser écologie politique, c’est évident ! Le coronavirus a fait irruption alors que la politique fédérale était en pleine vague verte. Vous ne craignez pas que cette pandémie – et ses conséquences économiques – relègue le souci environnemental au second plan? Ce qui m’inquiète, c’est que cette pandémie aura consommé des ressources financières gigantesques au point de freiner les mutations importantes attendues dans le domaine de l’environnement et de la transition énergé- tique. Parce qu’on essaie actuellement de sauver le niveau de vie des gens, ce qui est juste. Dans l’hémisphère Nord, on va pouvoir, je pense, maintenir la paix sociale. Mais je ne suis pas sûr que cela se passera aussi bien dans l’hé- misphère Sud. Quand les gens ont faim, ils se rebellent et cassent tout, c’est ce que l’on peut craindre dans certains pays. La faim et la pauvreté. Concernant la vague verte, il faut rester réaliste: elle n’est effective que dans quelques pays européens. Les élections européennes l’ont mon- tré. Elle est inexistante en Italie, en Espagne, au Portugal et au Royaume-Uni, sans parler des pays d’Europe de l’Est. Je serais effectivement heureux qu’il y ait une grande vague verte sur tout le continent jusqu’en Russie. Ce n’est pas encore le cas mais cela viendra, parce qu’il n’y a pas d’autre solution. Pessimiste? Il y a des raisons d’espérer. Je pense aux progrès tech- nologiques, aux perspectives de la transition énergétique avec notamment toute l’attention que certains pays – ou des entreprises comme les Services industriels de Genève – placent dans le potentiel de l’hydrogène. Je le constate aussi dans mon travail, au sein de l’HEPIA (Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève). Nous travaillons, par exemple, sur des bio-­ fertilisants et des bio-insecticides produits à base de bactéries de champignons afin de remplacer les engrais chimiques et les insecticides. Nous collaborons avec le Cercle des agriculteurs de Genève. C’est là qu’on voit que les choses changent. Parce que la majorité d’entre eux était quand même assez sensibles, par le passé, aux conseils techniques des vendeurs de poudre de perlim- pinpin de l’industrie chimique! Eh bien non, ils ont décidé de changer de direction et on va le faire ensemble! C’est pour ça que je n’ai pas envie de prendre ma retraite! Justement ! Vous avez 58 ans. Vous la préparez quand même un peu? Le problème c’est que financièrement c’est un peu un cauchemar ! Je suis un scientifique. J’ai d’abord été assistant ici et là, puis post-doctorant. J’ai travaillé deux ans en Irlande. J’ai également payé quatre ans de sécurité sociale grecque pour avoir travaillé en Crète. J’ai aussi des morceaux de retraite en France. Bref, il va falloir qu’à

Donc pour l’instant, c’est un souci, pour vous, la retraite? Il va falloir recoller tous les morceaux. Et pour le reste je n’ai pas l’intention de réduire mes activités, j’ai encore beaucoup de choses à faire, sous quelque forme que ce soit. J’aime énormément mon métier !

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QUESTIONS EXPRESS À FRANÇOIS LEFORT

Votre retraite idéale? Dans un petit village.

Votre lieu coup de cœur pour passer les fêtes? Une petite ville d’eau ou de montagne avec un petit côté suranné pour qu’il n’y ait pas trop de monde. Votre spécialité aux fourneaux? Le pot-au-feu, et beaucoup d’autres choses. La cuisine c’est comme la recherche, à chaque fois la recette est différente pour être meilleure. Que représente Noël pour vous? C’est un moment de suspension, de calme, de respiration en famille, alors qu’il fait froid et sombre dehors. Quatre mots pour symboliser votre année 2020? Présidence. Pandémie. Espoir. Pour le quatrième mot, je dirais optimisme, car nous sortirons de cette crise.

Président du Grand Conseil genevois jusqu’en mai prochain, François Lefort aime trop son engagement politique et son travail de scientifique pour songer à la retraite.

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