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ECONOMIE
DU JEUDI 25, VENDREDI 26 ET SAMEDI 27 JUIN 2020 FINANCES NEWS HEBDO
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sitent la prise de décisions dans l’urgence, voire dans la précipitation, avec de l’information la plupart du temps incomplète ou encore inexacte. Dans ce contexte, les administrateurs doivent se fonder sur leur capacité de jugement et de discernement et revenir aux fondamentaux de la gouvernance d’entreprise. Dans cette pers- pective, leurs décisions et actions doivent être guidées, comme nous l’avons rappelé plus haut, par la défense de l’intérêt social et la sauvegarde de la pérennité de l’entreprise. De la même façon, l’organe de gouvernance et le manage- ment doivent travailler de manière rapprochée, coordonnée et complémentaire avec plus d’inte- ractions; le management se concentrant sur la gestion du présent en priorisant les actions à mener et en veillant à assurer la continuité du business, l’organe de gouvernance devant se projeter davantage dans la gestion post-crise. F.N.H. : Quels sont les points de vigi- lance de l’organe de gouvernance dans un contexte de crise ? R. B. : Durant la période de crise, l’agenda de travail de l’organe de gouvernance doit être ren- forcé avec plus de réunions et une focalisation sur les points suivants : • une relecture de sa mission au regard des nouveaux enjeux en termes de tensions et/ ou menaces pour la pérennité des activités de l’entreprise; -une adaptation à cette situation inédite et par- ticulière et l’adoption de nouveaux réflexes pour éviter l’érosion de valeur pour l’entreprise; • le questionnement des limites, voire de la per- tinence des outils et des indicateurs classiques de pilotage de l’activité et de la performance de l’entreprise, compte tenu de la modification des paramètres de gestion en période de crise; • l’opportunité d’adapter les reportings (niveaux de détails, fréquence, objectivité, points de focalisation...) et de mettre en place un véritable tableau de bord de crise; • la nécessité d’objectiver un diagnostic dyna- mique pour favoriser une réflexion et une prise de décisions collégiales efficaces; • l’établissement de prévisions à la fois d’exploi- tation et de trésorerie et de scenarii de rebond sur les prochains mois et d’un plan de dévelop- pement sur 2 à 5 ans; • l’adaptation, voire l’inflexion ou le recentrage du businessmodel de l’entreprise. L’enjeu durant la période de crise est de main- tenir et de développer la confiance avec les dif- férentes parties prenantes (clients, actionnaires, personnel, banquiers, fournisseurs, pouvoirs publics, associations professionnelles, commu- nauté ...) et, pour ce faire, l’organe de gouver- nance et le management, qui doivent donner
le ton au sommet, travailleront en synergie et feront preuve de réalisme, responsabilité, cré- dibilité et détermination dans leurs décisions et actions. Ils devront par ailleurs se préparer à une éventuelle «épreuve au long cours», car rien ne laisse présager que cette crise sera passagère. Dans ce contexte, leurs messages vis-à-vis des tiers devront être cohérents et transparents. S’agissant de la relation entre l’organe de gou- vernance et le management de l’entreprise, le Conseil d’administration ou le Conseil de sur- veillance agira en soutien et support et veillera en particulier à : • la clarification des rôles et des responsabilités respectifs du management et de l’organe de gouvernance et de ses comités spécialisés; • l’implication du management par sa prise en charge adéquate et efficace de la gestion de la crise; • l’adéquation du plan de continuité d’activité; • la fiabilité du tableau de bord de crise pour le suivi de l’évolution de la crise et de ses impacts sur l’entreprise; • l’identification et la gestion adéquate des risques; • plan de relève des administrateurs ou mana- gers en cas de maladie; • la sauvegarde de la culture d’entreprise. F.N.H. : La gouvernance d’entreprise connaîtra-t-elle de nouveaux modèles après cette crise ? R. B. : Cette crise impose aux entreprises de revisiter leur mode de gestion et à repenser leur gouvernance en réinterrogeant en particulier leurs relations avec leurs parties prenantes et leur raison d’être. On assiste dans le monde, depuis quelques années déjà, à l’émergence d’un nouveau paradigme en faveur d’une plus grande responsabilité sociale à la faveur du Forum économique de Davos, du Business Roundtable, des grands gestionnaires de fonds du monde (BlackRock,Elliott..), de la poussée de l’investissement socialement responsable. Ce courant invite les organes de gouvernance et le management à identifier leurs parties prenantes et à prendre en compte dans leurs décisions les impacts sur ces dernières; la RSE pou- vant constituer un puissant levier de résilience, un axe stratégique générateur de performance et une source de développement du capital- confiance avec les parties prenantes. Le Maroc n‘a pas échappé à cette lame de fond et s’est résolument engagé dans cette voie en adhérant aux objectifs du développement durable des Nations unies à l’horizon 2030. Une stratégie nationale a été mise en œuvre et a été accompagnée par diverses initiatives institution- nelles. Le secteur privé, quant à lui, a institué dès
le milieu des années 2000 un label CGEM de res- ponsabilité sociale avec plus de 100 entreprises labellisées à ce jour. Malheureusement, l’obser- vation sur le terrain de la situation et du com- portement des entreprises lors de la pandémie a montré la persistance de gaps importants par rapport aux bonnes pratiques (sous déclaration à la CNSS des travailleurs, absence de rigueur et de discipline pour la mise en œuvre efficace des mesures de prévention de la pandémie…). Il y a là une opportunité pour engager une réflexion approfondie sur le concept d’entreprise et sur une réforme de celle-ci en vue de jeter les bases d’un développement vertueux et responsable. F.N.H. : Quels sont les enjeux humains de cette crise pour l’entreprise ? R. B. : Les annonces du déconfinement étant faites, il me paraît important de partager quelques points d’attention pour l’organe de gouvernance et le management en vue d’accompagner les collaborateurs et les préparer aux adaptations post-crise. Il s’agit de : • préparer leur accueil avec un accompagne- ment particulier des managers de proximité pour les «aider à aider». • soutenir les collaborateurs et les aider à vivre au mieux la reprise en adressant leurs difficultés émotionnelles et relationnelles : prise de recul, recherche de solutions, expression des ressen- tis... • résoudre leurs difficultés : peur de retourner au travail, risques de tensions dans les équipes, priorisation des activités, relations conflictuelles avec des clients plus impatients.... • rassurer,donnerdespointsderepère, remercier : communication et comportement du manage- ment et des équipes de direction particulière- ment bienveillant et rassurant pour répondre au très grand besoin de considération et de recon- naissance des efforts consentis par les collabo- rateurs pendant la période de confinement. La crise a également mis les organes de gou- vernance à rude épreuve. Elle a permis en effet de valider la robustesse de la gouvernance de l’entreprise et d’interroger le rôle, les responsa- bilités ainsi que la composition des Conseils en termes de compétences et d’apports de valeur. Dans le contexte post-crise, il n’est pas impos- sible que les Conseils aient besoin de profils nouveaux (stratégie, RSE, digital, risques...) pour enrichir leur tour de table afin de remplir au mieux leur responsabilité fiduciaire et accompa- gner le développement et la transformation de l’entreprise. Dans cette perspective, le recours à des administrateurs indépendants pourrait ren- forcer la diversité (compétences, genre, natio- nalité…) au sein des Conseils et constituer un véritable levier de performance. ◆
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