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DE LA PRÉCISION SUISSE – À LA FONCTIONNALITÉ GUINÉENNE

que le clignotant, qu’on ne mange pas du riz seulement à midi, mais également pour le petit-déjeuner et qu’on ne peut passer les postes de contrôles militaires qu’avec le bon dosage de palabre et d’humour. Ces choses-là ont également légèrement déplacé les limites de ma ca- pacité d’imagination. Si par exemple vous vous étonnez de croiser une voi- ture transportant une chèvre sur le toit, la suivante transportera sûrement une vache. En plus d’une chèvre. Rien n’est impossible Avec le temps, toutes ces impressions qui poussaient mon raisonnement suisse à ses limites sont devenues nor- males. Ce n’est que lorsque j’ai com- mencé à comprendre qu’en matière de chargement de voiture, de propreté et de bien d’autres choses, je devais être le seul dans ce pays pour lequel il exis- tait des limites, que j’ai réussi à m’y habituer. Il semblerait donc que j’aie abandon- né toutes mes frontières et que la voie soit libre pour aller sauver le monde. Mais pour cela, il manque actuellement

encore deux choses : d’une part, les routes sont beaucoup trop mauvaises pour avoir la voie libre. D’autre part, après quelques kilomètres seulement, on se trouve déjà face à la limite sui- vante à surmonter. Angles droits Je vis cela très personnellement. La grande frontière évidente et compré- hensible pour chacun de la culture inha- bituelle ne représente actuellement plus mon défi le plus important. Je constate bien davantage que dans mon travail quotidien, je me retrouve sans cesse face à des limites. C’est un grand défi pour moi que de trouver une juste mesure entre la précision suisse et la fonction- nalité guinéenne. Les sentiments décrits au début représentent tant de situations de mon quotidien dans lesquelles je me retrouve face à des limites. Il peut s’agir d’une bonne idée que je saurais parfai- tement mettre en pratique, mais soit je n’ai pas les vis nécessaires, soit elles sont déjà usées. Il manque si peu. Rien qu’une vis, mais elle manque. Les frustrations du début étaient pro- bablement nécessaires sur la route sou- vent si difficile vers le but, mais en Gui- née, on trouve une solution pour tout. La découvrir en collaboration avec de jeunes Guinéens motivés est plus im- portant pour moi que n’importe quel angle droit.

Lorsqu’on commence à rêver à des vis de qualité durant la nuit, il se pourrait bien qu’on travaille dans un atelier guinéen. Laissez-moi vous parler de limites que j’ai sur- montées avec un marteau, et pour lesquelles une chèvre est venue à mon aide. Quand j’ai vu pour la première fois la « réserve de vis » de mon nouveau lieu de travail en Guinée, j’ai su à quelle sauce j’allais être mangé. Dit honora- blement, l’assortiment est visible en un seul coup d’œil. Je m’y attendais, mais je n’avais pas imaginé qu’il puisse exis- ter une qualité aussi déplorable. Vrai- ment pas. De nombreuses vis qu’on peut obtenir ici voient exactement deux fois un outil au cours de leur vie : la pre- mière fois lorsqu’on les serre, la deu- xième fois lorsqu’on retire l’écrou du filetage usé. Avec un marteau. Et non sans violence.

Mon nouveau chez-moi Depuis quelques mois, la Guinée est mon nouveau chez-moi. Extérieure- ment, ma vie a complètement changé. Pas étonnant lorsque pour conduire une voiture, on utilise plus souvent le klaxon

Sämi W. Ancien court-terme ProTIM 2-2-2 Kissidougou, Guinée

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Le chargement : un art guinéen sans frontières

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