FNH N° 1021 ok

T RIBUNE LIBRE

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DU 29/30 AVRIL 2021 FINANCES NEWS HEBDO

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2 ème partie : La dette, un piège sans issue La crise de la dette, prochaine crise mondiale ? B eaucoup de pays, fragilisés par la crise économique et sanitaire, ont vu leur niveau d’endette- ment littéralement exploser. On peut craindre dans ce contexte La dette, à taux variable, est sensible à la hausse des taux dans un contexte inflation- niste. La perte de confiance des créanciers s’est traduite par une hausse de la prime de risque et du service de la dette publique. La défiance des investisseurs étrangers a entraîné une fuite des capitaux. ◆ Cet article est le deuxième d'une série de trois articles sur la crise de la dette. Par Amine El Bied, MBA, PhD Économiste, Expert en Finance et Stratégie

Pour éviter de tomber dans l’engrenage d’une crise de la dette, il convient donc de maîtriser son solde budgétaire par des dépenses publiques raisonnables et des recettes fiscales suffisantes, et de réduire autant que possible l’économie souterraine. Il convient aussi de favoriser les produits locaux pouvant se substituer aux importa- tions et d’augmenter ses ressources agri- coles et industrielles. Il est recommandé également de réduire l’endettement, privi- légier les emprunts à taux fixe ou utiliser des mécanismes de couverture, et utiliser ces emprunts surtout pour l’investissement. On doit veiller aussi à garder un climat de confiance tant avec les créanciers qu’avec les investisseurs étrangers, en ayant tou- jours le souci de la transparence et en luttant contre la corruption. Enfin, il est important de trouver un équilibre pour sa monnaie nationale, qu’elle ne soit ni surévaluée, péna- lisant alors la compétitivité, ni trop dévaluée, s’accompagnant d’une forte inflation. Toutes les crises historiques de la dette que nous avons citées dans le premier article n’auraient probablement pas eu lieu si ces bonnes pratiques avaient été adoptées. Les conditions aujourd’hui réunies pour de nouvelles crises de la dette Mais en ces temps de pandémie, on a bien vu que les règles de gestion sont de plus en plus difficiles à respecter par les États. Les pays ont de plus en plus de mal à maî- triser leur solde budgétaire ou à contrôler leurs niveaux d’endettement. Et non seule- ment ils sont plus endettés, mais, en plus, leurs capacités de remboursement sont plus réduites. A cause de la crise, les recettes fiscales sont à la baisse, les dépenses pour soutenir l’économie sont à la hausse et les déficits augmentent mécaniquement. Des pays ont vu leur monnaie se déprécier, ce qui a eu pour effet d’augmenter les montants

le déclenchement de nouvelles crises de la dette. Nous avons, dans le premier article de cette série, passé en revue les crises de la dette qui ont jalonné l’histoire économique de ces cinquante dernières années. Nous les avons analysées et avons montré que leurs causes sont pratiquement toujours les mêmes. A la lumière du passé, nous avons identifié les mécanismes en jeu entraînant un pays dans ce type de crises. Nous en tirons à présent des enseignements utiles et iden- tifions des règles de gestion. Mais ces règles restent néanmoins difficiles à appliquer en ces temps de pandémie et le risque de crise de la dette est aujourd’hui bien réel. Bien des pays risquent d’être pris dans le piège ou sont en train d’y tomber. Des voix s’élèvent en faveur de l’annulation de la dette, tandis que d’autres laissent entendre qu’elle est un faux problème. Les arguments sont discu- tables, nous en montrons les limites. Nous discutons des risques d’une nouvelle crise de la dette, et si l’on peut craindre une future crise planétaire, et à quel horizon. Des règles de gestion éprouvées Nous avons vu que les pays qui, dans le passé, ont connu une crise de la dette, étaient doublement fragilisés par un contexte de crise mondiale et leur niveau d’endettement. Ces pays présentent par ailleurs un certain nombre de faiblesses qui, conjuguées entre elles, créent un terrain favorable au déclen- chement de la crise. Ces faiblesses sont généralement un déficit budgétaire impor- tant, une économie très importatrice avec un grand déficit commercial, ou une dégra- dation de la balance commerciale liée à un manque de ressources internes, une baisse de la demande extérieure ou une surévalua- tion de la monnaie nationale. L’endettement public a plus servi à combler le déficit budgétaire qu’à favoriser l’investissement.

à rembourser des emprunts contractés dans des devises étrangères. Les pays exporta- teurs de matières premières ont également été impactés par la baisse de leurs cours. Il y a aussi la menace d’une hausse des taux en cas de retour de l’inflation, qui rendrait la dette insoutenable. Le climat n’est pas à la confiance. La majorité des pays sont aujourd’hui très fragilisés par la crise écono- mique et sanitaire mondiale. Les conditions sont en fait réunies pour le déclenchement de nouvelles crises de la dette. Pour le Fonds monétaire international, c’est même déjà le cas. Selon le FMI, la moitié des pays pauvres et émergents «risque de connaître- ou connait déjà une crise de la dette». Déjà en 2019, et donc avant même la crise sanitaire, le FMI avait estimé que 25 pays pauvres surendettés étaient à «haut risque». Depuis la crise de 2008, la Chine a prêté des montants énormes, des centaines de milliards de dollars, à des États pour la construction de grandes infrastructures. Mais les routes de la soie peuvent mener à des impasses de surendettement. L’empire du Milieu a réalisé que le surendettement des pays à bas et à moyen revenu pouvait entraîner une cascade de défauts de paie- ment, et constituer donc un grand risque pour l’économie chinoise. Si ces défauts de paiement se réalisaient, ils accentue- raient son déficit courant et impacteraient directement les entreprises de construction

Les condi- tions sont

réunies pour le déclenche- ment de nou- velles crises de la dette.

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