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ECONOMIE

FINANCES NEWS HEBDO MARDI 31 MARS 2020

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Ce qu’il faut rappeler, c’est que la mondialisation a ren- forcé les interdépendances. Nous sommes tous reliés les uns aux autres. Ce modèle a ses avantages mais aussi ses faiblesses. Sa faiblesse réside dans le fait que cette «re-liance» est surtout de nature technico- économique, et insuffisamment humaine. F.N.H. : Pensez-vous alors que l’économie mondiale fonctionnerait sur des bases profon- dément redéfinies ? M. B. : Vous savez, l’histoire est marquée par une succession de cycles d’une trentaine d’années cha- cun, conduisant à chaque terme à une métamorphose de l’ordre précédent. Après la politique keynésienne des 30 glorieuses, on a assisté, à partir des années 70-80, au retour du libéralisme de Ricardo et d’Adam Smith dans une perspective novatrice plus accentuée conduite par le prix Nobel d’économie Milton Friedman sous l’impul- sion de Reagan et de Thatcher, le néolibéralisme. Il est devenu l’idéologie dominante, la pensée unique partout dans le monde. Poussé par le phénomène de la globalisation, il a donné lieu certainement à beaucoup de croissance, mais aussi à beaucoup d’inégalités. Cette idéologie est fondamentalement matérialiste et donne à la production, à la consommation et au profit l’objectif fondamental de toute politique économique. Donner plus de crédits pour consommer plus, consom-

mer plus pour gagner plus. Or l’économie ou la finance n’aiment pas les excès ! Alors ce pro- cessus se traduit par des crises….

«Plus rien ne sera comme avant» ◆ La crise sanitaire du coronavirus révèle au grand jour les défaillances du néolibéralisme triomphant. ◆ L’interdépendance générée par le phénomène de la mondialisation n’a pas été accompagnée par les principes de solidarité et d’humanisme. ◆ Mohamed Berrada, Professeur à l’Université, préconise une stratégie qui donne la priorité à la production nationale et à réduire la dépendance du Maroc vis-à-vis de l’étranger. Il appelle aussi à tirer les leçons de cette crise pour que le nouveau modèle de développement soit bâti sur des valeurs humaines et sociales.

Le Coronavirus n’est qu’un signal, comme les crises économiques et financières qui l’ont précédé.

Le problème, c’est que l’interdépendance géné- rée par le phénomène de la mondialisation n’a pas été accompagnée par les principes de solidarité et d’humanisme. Une sorte «d’interdépendance sans solidarité», pour reprendre l’image de notre ami Edgar Morin. Les secteurs sociaux ne sont pas prioritaires. On le voit par exemple aujourd’hui dans les retards enregistrés dans les équipements de la santé même dans les pays avancés. Pourtant, la mondialisation est basée sur une com- munauté de destin pour les humains. Le coronavirus en est une parfaite illustration. En prendrons-nous conscience ? Plus que jamais, nous avons besoin de solidarité inter- nationale pour faire face à la pandémie, et non pas de fermeture égoïste des nations sur elles-mêmes. C’est sur cette base qu’il faut reconsidérer les modes de fonctionnement de nos sociétés, de nos économies et de nos comportements. F.N.H. : A la lumière des conséquences écono- miques, financières et sociales du coronavirus, sur quels piliers devrait se construire, selon vous, le nouveau modèle de développement ? M. B. : Le modèle néolibéral actuel a atteint ses limites. Dans notre pays par exemple, nous vivons deux maux essentiels : le chômage des jeunes, surtout

tion politique des nations, dans la culture et l’idéologie qui la sous-tend.

Propos recueillis par D. William

Finances News Hebdo : Le coronavirus, avec ses impacts, pousse les spécialistes à remettre en cause le système économique mondial actuel. Qu’en pensez-vous ? Mohamed Berrada : Il faut regarder loin, en arrière et devant, pour comprendre les événements actuels. Le Coronavirus n’est qu’un signal, comme les crises économiques et financières qui l’ont précédé. Il est annonciateur de changements profonds qui vont mar- quer l’histoire. Chaque épidémie majeure, depuis un millier d’années, comme ce fut le cas pour la peste au 14 ème siècle, a conduit à des changements profonds dans l’organisa-

F.N.H. : Au sortir de cette crise, parlera-t- on toujours de mondialisation telle qu’on la connaît aujourd’hui ? M. B. : Je ne le pense pas. Le coronavirus n’est qu’un produit de l’ordre institutionnel et économique actuel caractérisé par le phénomène de la mondialisation. Les virus, comme les crises financières, se trans- mettent d’un pays à d’autres avec une grande rapidité ! Peut-on ralentir ces mécanismes de pandémie sani- taire, économique ou financière ? Évidemment non ! Ils sont actionnés par le développement des technologies de l’information et de la communication.

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