01-2019 F

A M S g l o b a l

SERVE AND MULTIPLY 1/2019

HISTORY MAKERs

1/2019 sommaire

Pris sur le vif

ÉDITORIAL

History Makers

Écrire l’histoire – en marge des ouvrages historiques Les débuts de SAM global remontent à 1889 - cela fait maintenant 130 ans ! A titre de comparaison : il y a 130 ans, la Tour Eiffel est inaugurée, elle est considérée par une grande partie de la population comme « faisant tache dans le paysage ». Sur la car- te du monde, on trouve encore des Etats et des ré- gions comme « l’Afrique Occidentale Française », « la Rhodésie » ou « le Congo Belge ». Le tourne-disque, l’ampoule, la voiture et le Coca-Cola viennent d’être inventés, mais le zeppelin, la machine à laver, l’ours en peluche, la bougie et le dentifrice n’existent pas encore. Il faudra encore quelques années avant que le premier avion à moteur ne soit construit - et pro- bablement personne ne peut imaginer que voyager en avion sera un jour une évidence pour beaucoup de gens. Nous sommes à des lieues des ordinateurs et d’Internet. Le monde était fondamentalement dif- férent en 1889. Ce qui était alors, est désormais de l’histoire ancien- ne. Les personnes qui œuvraient à l’époque avec SAM global ne sont plus en vie. La plupart d’entre elles ne sont pas entrées dans les manuels d’histoire, mais elles et tous ceux qui ont investi dans nos pays d’engagement au cours des 130 dernières années ont néanmoins influencé le cours de l’histoire ! Des familles, des villages, des régions, parfois des pays entiers ont été transformés. Avant leur départ per- sonne ne pouvait s’imaginer ce qui allait advenir. Ces porteurs de foi ont sacrifié leur temps, parfois leur vie sans pour autant réaliser les effets de leur labeur : et cela en valait vraiment la peine ! Ces artisans de l’histoire ne font pas seulement par- tie du passé, aujourd’hui aussi nos collaborateurs dans nos pays d’engagement écrivent leur propre page. Quelques-uns parmi eux ainsi que des an- ciens collaborateurs à la retraite nous en donnent un bref aperçu dans ce nouveau numéro de notre ALLONS. Leurs témoignages sont comme quelques paragraphes tirés du grand livre que le Seigneur écrit avec les nombreux collaborateurs de SAM glo- bal depuis ces 130 dernières années. Tous nos employés, anciens et actuels, n’auraient probablement idée de dire qu’ils ont écrit des pages d’histoire. Mais Dieu est grand, Il utilise notre dispo- nibilité pour faire une différence, et nous pouvons affirmer avec confiance et sans prétention : ils sont tous des artisans qui ont marqué l’histoire par leur engagement. « History Makers », hier et aujourd’hui

Une rencontre au café Récemment, j’étais dans mon café préféré, où je réglais quelques tâches administratives. Comme j’habite au Cambodge depuis un moment déjà et que j’aime aller à la rencontre des gens, les employés du lieu me saluent et m’aident à améliorer mes connaissances de la langue khmer. La langue ouvre des portes Ce jour-là, un père était assis à la table d’à-côté, avec sa fillette de sept ans. Il m’observait pendant que je parlais avec les employés. Au bout d’un moment, timidement, il m’a demandé d’où je connaissais si bien sa langue. Et la discussion a commencé. Nous avons tout d’abord échangé les formalités habituelles – j’ai appris qu’on le surnommait Dembo et qu’il venait d’une province voisine. Je lui ai de- mandé ce qu’il faisait à Battambang, et il m’a répondu que sa femme aimait beaucoup ce café. Malheureusement, elle était décédée une semaine plus tôt, et il était venu à la re- cherche de souvenirs des temps heureux. Offrir son temps J’avais encore un rendez-vous ce matin-là et j’aurais dû partir déjà depuis longtemps, mais j’ai décidé que cette conversation était plus importante et que tout le reste pouvait attendre. Je me suis assis à la table de Dembo et il m’a raconté la solitude qu’il vivait sans sa femme, et qu’il ne savait pas comment il arriverait à élever seul leur fille. J’aurais aimé pouvoir l’aider, mais sur le moment, je ne pouvais pas faire ou dire grand-chose – alors je l’ai sim- plement écouté. Avant de nous séparer, plus d’une heure après, il m’a encore remercié au moins une centaine de fois, parce que je l’avais écouté. Je crois que cela lui a fait beaucoup de bien, de pouvoir simplement parler et dire comment il se sentait – ce n’est pas quelque chose de cou- rant au Cambodge. Cher Dembo, ton cœur est bon et tu es un merveilleux père. Même si je n’ai rien pu te donner d’autre qu’un peu de mon temps, j’espère que nous nous reverrons un jour et que notre histoire continuera. J’ai récemment commencé mes études en travail social ici à Battambang – et qui est-ce que je rencontre le premier jour ? Dembo ! Il est professeur à mon université et j’ai hâte de le revoir plus souvent !

Elias GERBER, Lighthouse Battambang, Cambodge

Sarah BRÜHWILER, communication

2

Quelques jalons des 130 ans de

Si nous sommes disponibles, Dieu écrit une tranche d’histoire

Fondation de la « Deutsche China-Allianz- Mission » par Fredrik Franson.

1889

Le premier Suisse part avec l’Alliance Missionnaire Allemande pour la Chine.

1896

Fondation de la « Mission Philafricaine » par Héli Chatelain et début du travail en Angola.

1897

Fondation d’un comité suisse pour la « Deutsche China-Allianz- Mission »

1902

Cette année, nous fêtons les 130 ans de SAM global ! Nous ne pou- vons que nous étonner de tout ce qui s’est passé durant ce temps, de tous les endroits où Dieu nous a conduits et quelle tranche d’histoire il a écrite avec les per- sonnes qui se sont aventurées dans le travail interculturel. Tout a commencé assez modeste- ment : en 1889 Fredrik Franson, un évangéliste suédois entreprenant vivant en Amérique, entendit par- ler du grand besoin de travailleurs interculturels en Chine. Il se rendit dans ce pays, puis fonda avec Carl Polnick la « Deutsche Allianz-Mis- sion » pour pouvoir y envoyer des collaborateurs. Un peu plus tard, en 1897, le Neuchâtelois Héli Chatelain partit pour l’Angola en vue de servir les Africains ayant souffert du commer- ce des esclaves. Avec cinq anciens esclaves, il démarra une petite com- munauté qui devint la « Mission Philafricaine » dont sortit plus tard la grande dénomination IESA. Par la suite, les deux organisa- tions s’unirent pour un partena- riat. En 1967, ce nom fut changé en « Schweizer Allianz Mission » pour l’espace germanophone et « Allian- ce Missionnaire Evangélique » pour la région francophone. Depuis 2017, l’organisation porte le nom de SAM global. Fredrik Franson et Héli Chatelain étaient deux hommes ordinaires qui voulaient changer quelque cho- se et se sont mis à la disposition de Dieu sans savoir ce qui les attendait, et sans connaître tout ce qui est issu de leur initiative depuis lors.

1922

Nouvelle dénomination : « Allianz-China-Mission »

La guerre en Allemagne rend le travail plus difficile. La société suisse devient indépendante et reprend la gestion de certains domaines sous le nom d' « Al- lianz-China-Mission ». (La société allemande repren- dra plus tard ses activités de façon indépendante et s’appelle aujourd’hui « Allianz-Mission ».)

1940

Les communistes prennent le contrôle en Chine. Tous les collaborateurs étrangers doivent quitter le pays. L’ Allianz-China-Mission doit se réorienter et entame une collaboration avec la Mission Philafricaine, active en Angola.

Pas des surhommes De telles personnes ont régulièrement existé dans l’histoire de SAM global : des personnes normales prêtes à aller, s’engager, servir les au- tres. Grâce à elles, le travail a pu démarrer en Angola, au Brésil, en Chine, en Guinée, au Ja- pon, au Tchad, au Cameroun et ailleurs. Elles ont fondé des écoles, des hôpitaux et des églises, creusé des puits et lancé des projets agricoles. A travers leur service, d’innombrables personnes ont pu faire une formation, recevoir de l’aide et découvrir l’amour de Dieu de façon concrète. Ce n’étaient pas des surhommes, mais ces per- sonnes ont décidé de mettre à disposition leur temps et leurs capacités, et Dieu a utilisé leur disponibilité et réalisé quelque chose qui était parfois visible, parfois invisible. Mais peu impor- te que les effets soient petites ou grandes, que l’on voie déjà des effets grandioses ou pas, que le chemin ait été caillouteux ou relativement facile à parcourir : leur travail a valeur d’éternité, il pro- duit du fruit qui demeure (cf. Jean 15.16) et cela en vaut la peine. Nous pouvons tous écrire une tranche d’histoire De nos jours encore, nos collaborateurs dans dix pays sont en train d’écrire une tranche d’histoire. Et nous pouvons tous contribuer à cela : en al- lant, si nous pouvons, ou en priant, soutenant, faisant connaître ce mandat… Entrons dans l’histoire comme « history makers » !

1951

Fusion des deux organisations et nouvelle appellation : « Alliance Missionnaire Philafricaine ».

1952

Le Japon devient un nouveau pays d’engagement.

1953

Troubles politiques et état de guerre en Angola – le travail n’est plus possible.

1961

1963

Démarrage au Brésil .

Nouvelle appellation pour la branche germanophone : « Schweizer Allianz Mission » (SAM).

1967

L’organisation partenaire francophone prend le nom d’ « Alliance Missionnaire Evangélique » (AME). SAM et AME collaborent étroitement et gèrent plusieurs projets communs.

1968

1981

Début du travail en Guinée.

La Schweizer Allianz Mission et l’Alliance Missionnaire Evangélique deviennent officiellement une seule organisation.

1992

Début du travail au Sri Lanka. Les relations avec les organisations chinoises s’intensifient à nouveau.

1993

2003

Nouveau logo.

Transfert du travail au Japon à ÜMG et intégration de la plupart des collaborateurs restants.

2008

Intégration de l’organisation Vision Africa (VIA) et reprise des projets au Cameroun, Tchad et Burkina Faso.

2011

Nouvelle répartition des points centraux : forma- tion théologique et pratique, formation médicale et prévention, formation de base et continue, amélioration des conditions de vie, sensibilisation.

2014

De nouveaux pays d’engagement : l’Inde et le Cambodge.

2015 2016

Jürg PFISTER, directeur de SAM global

Changement de nom de SAM et de l'AME en SAM global . SAM signifie maintenant S erve A nd M ultiply. Nouvelle définition de la vision : des formations qui changent les vies

2017

SERVE AND MULTIPLY

4

Un des premiers « history makers » de notre histoire : Fredrik Franson

té, une volonté forte et une énorme flexi- bilité. Jésus Christ représentait pour lui le centre indiscutable de la foi et du Royau- me de Dieu déjà naissant. En même temps, il était rempli de l’espérance en la seconde venue de Jésus, qui pouvait survenir à tout moment. C’est pourquoi les gens devaient entendre la Bonne Nouvelle lors de campa- gnes d’évangélisation et les communautés devaient être motivées à témoigner de Jé- sus-Christ sur tous les continents. Il voulait envoyer de nouveaux collaborateurs dans la Mission mondiale aussi rapidement que possible. Les sociétés missionnaires et les fédérations d’églises libres fondées par Fran- son ont servi d’instruments pour cette vi- sion. Service pratique : La stratégie de Franson se basait sur toutes sortes de services de diaconie sociale pour rendre visible l’amour de Dieu et Son souci pour tous les hommes, les faibles, les malades, les rejetés (travail médical, orphelinats, écoles et travail parmi les fumeurs d’opium dépendants). A travers ces divers services de diaconie sociale, quel- que chose de la force de changement de l’Evangile devait devenir visible. Innovation : Il a utilisé de nouveaux chants pour son travail et a envoyé des collabora- teurs interculturels sans grande formation théologique. Pour la mise en œuvre de sa vision, Franson utilisait sans hésitation le po- tentiel des femmes dans les tâches de prédi- cation, musique, présidence, relation d’aide et diaconie sociale, ce qui était tout à fait in- solite pour l’époque. Contact avec d’autres cultures : Le don pour les langues de Franson l’a prédestiné à un service évangélique interculturel qui l’a

mené dans plus de 50 pays. Sa métho- dologie provenait de la pratique de ses services interculturels et de ses nom- breux voyages d’étude. L’observation attentive, la comparaison et l’analyse de diverses stratégies missionnaires l’ont poussé à mettre par écrit les résultats de ses réflexions afin de les publier. Interdépendance : Franson accordait beaucoup d’importance aux liens entre responsables, collaborateurs intercul- turels et sociétés missionnaires évan- géliques. Il a créé des réseaux comme l’Alliance Evangélique Mondiale, le mouvement de guérison et l’union des écoles du dimanche, active au niveau mondial. Grâce à son action incessante durant 22 ans et son énorme talent d’organisation, de nombreuses communautés ont vu le jour, de même que quatre unions d’églises libres et 15 organisations mis- sionnaires, dont beaucoup sont actives sous une forme ou une autre aujourd’hui encore. Cette thèse de doctorat montre que l’urgence du travail mondial, la nécessité de méthodes contextualisées, flexibles et innovantes tout comme la légitimité et les avantages de l’interdépendance n’ont pas seulement eu des répercus- sions positives aux 19 ème et 20 ème siècles, mais pourraient également avoir un im- pact durable au 21 ème siècle. Une forma- tion théologique solide et une sensibi- lité anthropologique pour les cultures et les religions étrangères demeurent à notre époque des conditions de base pour un service durable.

En 1889, Fredrik Franson a été corespon- sable de la création de la « Deutsche Alli- anz-China-Mission », dont sera issue plus tard entre autres notre SAM global. Hans Ulrich Reifler, qui a œuvré de 1976 à 1991 avec SAM global en tant que fondateur d’églises, conférencier et écrivain au Bré- sil, s’est penché intensivement sur la vie et l’œuvre de Fredrik Franson pour son travail de thèse à la Faculté de Théologie Evangé- lique de Leuven : Fredrik Franson est né en 1852 à Pershyttan, Nora, au centre de la Suède, dans la famille d’un mineur. La famille souffrait de la crise économique scandinave et émigra aux USA alors que Franson avait 17 ans. La vie pay- sanne dans l’Etat du Nebraska était marquée par les privations matérielles et la maladie. Ce style d’existence simple prépara Franson à une vie qui se caractérisa par la confiance en la providence de Dieu. Déjà à l’âge de 23 ans il devint prédicateur laïc et travailla ensuite comme mobilisateur, multiplicateur, stratège, coach, rassembleur et pionnier. Il organisa des évangélisations de masse avec débriefings et des cours d’évangélisation pour encourager et former des personnes à un travail mondial. Il fonda des associations d’églises libres et des socié- tés missionnaires et voyagea dans plus de 50 pays. La pensée et l’action de Fredrik Franson se ca- ractérisaient par les points suivants : Motivation : La vie de service de Franson était marquée par une profonde spirituali-

Les débuts de SAM global En 1889, Franson prit part à la conférence d’automne de la Neukirchener Waisen- und Missionsanstalt. Il rencontra là-bas lors d’un repas commun Heinrich Mandel, inspecteur d’orphelinat, et le commerçant Carl Polnick. Franson parla des grands défis missionnaires en Chine. Pourtant la Neukir- chener Mission, qui s’occupait à l’époque de champs en Afrique et à Java, n’avait pas les moyens de prendre d’autres tâches dans d’autres pays. Mandel, Franson et Polnick décidèrent que cette nouvelle œu- vre devait être reprise depuis Barmen. Ce furent les débuts de la « Deutsche China- Allianz-Mission », la 2 ème plus vieille mis- sion en Allemagne, de laquelle seront is- sues plus tard l’Allianz-Mission et la Schwei- zer Allianz Mission (aujourd’hui SAM glo- bal). En novembre 1889, Franson donna à Barmen un cours d’évangélisation et quel- ques candidats se déclarèrent prêts à partir en Chine. C’est en 1890 que les premiers partirent.

Résumé issu de la thèse de doctorat de Hans Ulrich REIFLER, intitulée « Fredrik Franson (1852-1908) :

évangéliste mondial et stratège missionnaire à l’horizon de la parousie du Christ »

6

7

Dieu écrit aussi l’histoire avec nous Ces dernières années, Dieu a écrit l’histoire de différentes manières au travers de nos collabora- teurs. Il a fait surgir de grandes choses par certaines personnes, qui n’existeraient pas sans elles, et Dieu continue d’agir.

Une idée folle – puis les miracles se suivent et ne se ressemblent pas

Nous étions engagés depuis cinq ans comme chefs de projet d’ActionVIVRE au nord de la Guinée, lorsque surgit l’idée folle de Jürg Pfister de construire une école. Nous n’étions alors qu’une petite équipe et certes pas de courageux héros – le projet nous semblait bien trop important et coûteux. Malgré tout, ressentant une grande paix, nous nous sommes mis à disposition avec le pas- teur local en décidant de faire quelques pas et de voir ce qui en résulterait. Puis c’est parti, coup sur coup. Dieu a ouvert les portes tellement vite que nous avons dû passablement accélérer pour les franchir... Les semaines suivantes ont été très intenses. Le secret de la réussite, c’est que nous avons cheminé ensemble dans une profonde unité, malgré les défis et les attaques incroya- bles. Nous étions aussi merveilleusement complémentaires par nos aptitudes, si bien que chacun a pu assumer une partie de l’ensemble de manière autono- me. Le temps manquait pour discuter longuement et nous avons expérimenté miracle après miracle : en quelques semaines nous avons reçu un terrain, les plans de construction, 80 000 francs, un entrepreneur, un directeur d’école et les autorisations nécessaires. Chacun donnait ce qu’il pouvait, il n’y avait guère de pauses. Après seulement huit mois, l’école a été inaugurée quelques heures après la fin des travaux ! Même si « notre » école nous a tellement réjouis, il n’y avait aucun doute que ce n’était pas notre projet. Nous n’avons pas écrit l’histoire, mais quelqu’un l’a fait et le fait encore depuis des milliers d’années. Et cela vaut mieux ainsi. Adrian Förster (ancien directeur d’ActionVIVRE Nord, Gui- née, maintenant directeur de TearFund)

Aujourd’hui, tout le travail médical a été remis entre les mains des collaborateurs locaux

30 ans à partager la vie – cela donne des résultats On peut bien sûr marquer l’histoire en quelques instants : Usain Bolt l’a fait en moins de neuf secon- des. Cela nous a pris presque 30 ans mais nous savons que les fruits de notre service sont éternels. Mais commençons par le commencement : Ursula, avec son diplôme d’institutrice, était candidate pour l’école de SAM global au Brésil. Pour ma part, j’étais candidat pour le domaine de l’édification des églises. Nous avons fait connaissance via SAM global et sommes partis en 1990 avec notre pre- mier enfant. Notre séjour au Brésil se partage en trois décennies. Première décennie : Fondation d’une église jumelée à une école chrétienne. C’étaient nos « années de débutants ». Deuxième décennie : Direction du projet de fondation d’églises ProPIAUI – la formation de jeunes pasteurs et la motivation des églises existantes ont permis de fonder une quarantaine de nouvelles églises. Troisième décennie : Fondation de l’organisation brésilienne ProSERTÃO, qui travaille au nord-ouest du Brésil parmi des personnes qui n’ont jamais entendu parler de Jésus. En dépend aussi la formation de pasteurs, de responsables et de collaborateurs pour partager cette vision avec eux. Quand nous avons pris congé du Brésil l’an dernier, beaucoup de personnes ont évoqué des situa- tions et des rencontres qui ont été et sont encore significatives pour elles et que nous avions en par- tie oubliées depuis longtemps, des personnes qui marchent aujourd’hui fidèlement avec Jésus. Nous faisons partie de leur histoire. Différents témoignages nous ont appris que des gens se sont sentis bénis et enrichis par notre service. Plusieurs de nos amis brésiliens ont été motivés à connaître Jésus et ont reçu une espérance et un sens pour leur vie. Beaucoup nous ont dit et redit avoir été inspirés par notre renoncement à la prospérité, à notre pays, à notre parenté, à notre carrière et par notre amour du prochain et notre consécration. Certains ont trouvé leur vocation ou leur talent, une vision pour leur vie en suivant Jésus. Plusieurs sont devenus des imitateurs. Pour conclure, nous pouvons et devons dire que l’engagement à long terme était justifié. Nous avons reçu crédibilité et reconnaissance parce que nous sommes devenus Brésiliens pour les Brésiliens, par- tageant leur vie, nous réjouissant et souffrant avec eux. Nous avons expérimenté comment l’histoire a été écrite, un chapitre qui continue et se développe encore maintenant dans la vie des personnes et dans les églises. Beat et Ursula Roggensinger (ProSERTÃO, Brésil)

Je me suis rendue en 1984 au nord du Cameroun pour mon premier engage- ment en tant qu’infirmière. A l’époque, au Cameroun, les vaccinations commen- çaient, on découvrait le sida et le système de santé gouvernemental démarrait. Le téléphone n’existait qu’en ville. Parmi les bagages, la machine à écrire ne de- vait pas manquer. Peu de personnes parlaient le français et il fallait apprendre la langue locale. Les responsables des églises et du travail médical étaient généra- lement des collaborateurs originaires d’Europe. Je travaillais dans un centre de santé et je formais entre autres des collaborateurs locaux. Au cours des années suivantes, les responsabilités passèrent de plus en plus à des Camerounais bien formés et le nombre de collaborateurs étrangers diminua constamment. Une église alors très petite faisait partie du centre de santé ; aujourd’hui, près de 400 personnes fréquentent le culte chaque semaine. En 1993, j’ai participé au démarrage d’une clinique ophtalmologique. Un ser- vice de santé de base s’y est ajouté dans les villages. Aujourd’hui, tout le travail médical (soit huit centres de santé) est entre des mains africaines. Les respon- sables reçoivent des conseils et des encouragements depuis l’Europe et sont visités chaque année. J’ai pu voir naître des groupes de maison au sein d’un peuple musulman. Ces chrétiens ont vécu des persécutions, quelques-uns ont été assassinés mais la souffrance les a fortifiés dans leur foi.

En raison de la proximité de la frontière avec le Nigéria et des agressions de Boko Haram, nous avons dû quitter définitive- ment le nord du Cameroun en juin 2014. Après cela, j’ai passé deux années au Tchad pour trouver une nouvelle orientation. Je travaille maintenant depuis un an dans l’hôpital gouvernemental d’une oasis au milieu du désert, au nord du pays. Nous vivons parmi un peuple qui a été récemment catapulté en très peu de temps de son mode de vie ancestral dans la moder- nité, par la découverte de l’or, les moyens de communication modernes, la télévision et la possibilité de s’offrir beaucoup de choses. Les valeurs sociétales traditionnelles changent à toute vitesse. Les jeunes manquent souvent de formation et d’orientation. Par notre exemple en tant qu’équipe internationale, nous aimerions aider ces personnes à trouver une base existentielle qui ait un sens. Il y a encore beaucoup de préjugés envers les chrétiens. On nous observe attentivement et nous espérons que notre style de vie soulève des questions (aussi des questions de vie). Durant mon service, il m’est arrivé de penser que mon engagement ne produisait aucun résultat. Mais depuis, je sais que Dieu agit souvent en coulisses à travers nous, sans que nous ne le réalisions au quotidien. Il nous est parfois accordé de jeter un coup d’œil derrière les coulisses et nous continuons notre route pleins de courage. Helen Müller (Tchad et Cameroun)

8

9

Construction d’un centre sida pour 1 200 patients

Un « pays ouvert » dans des villages de brousse

Nous sommes tombés sur SAM global en 2008. Le poste vacant pour la construction d’un centre de traitement du sida m’a im- médiatement touché. Nous sommes donc partis avec nos deux enfants à Macenta, en Guinée. En quatre ans, j’ai pu mener à bien ce projet avec les collaborateurs locaux, et maintenant plus de 1 200 patients y sont soignés et pris en charge. J’ai vite réalisé que je ne pouvais pas limiter mon travail à mon cabinet de consul- tation. La direction du personnel, les contacts avec les autorités et d’autres organisations, la recherche de fonds, la comptabilité et l’établissement des rapports en font aussi partie. J’ai dû et pu apprendre beaucoup de choses mais ces tâches supplémentaires m’ont plu. Après le départ du chef de projet pour cause de maladie, je suis responsable de tout le projet depuis 2015. Une demes tâches ma- jeures consiste à placer cet hôpital, construit par SAM global en 1981, sur une base nouvelle afin qu’il puisse fonctionner un jour de manière autonome et indépendante. Un travail passionnant mais complexe. Nous avons récemment fêté une étape importan- te : le Ministre de la santé a signé début 2018 un accord attribuant l’autonomie de l’hôpital sous le nouveau nom de « Centre Hos- pitalier Régional Spécialisé (CHRS) Macenta ». En plus de la mise en œuvre de cette étape importante, il y a toujours beaucoup de tâches quotidiennes dans lesquelles il s’agit non seulement de trouver de bonnes solutions, mais aussi de former la direction lo- cale de l’hôpital en transmettant la responsabilité pas à pas, par exemple dans la logistique des médicaments. En tout cela, il est bon de savoir que nous avons le même Seigneur qui continuera à veiller sur le CHRS Macenta, sur ses collaborateurs et ses patients ! David Leuenberger (ProESPOIR, Guinée)

Je ne sais pas pourquoi l’Afrique et les écoles maternelles m’ont fascinée depuis toute petite. Il n’est donc pas étonnant qu’entre mes nombreux courts termes en Afrique, j’aie suivi une formation d’enseignante maternelle. Après quelques années d’expérience pro- fessionnelle en Suisse et une année d’école biblique, j’ai finalement atterri à ActionVIVRE Nord en Guinée, où ma participation au pro- jet d’écoles maternelles me donne en quelque sorte « le beurre et l’argent du beurre ». Lors du culte d’envoi de mon église il y a trois ans, j’ai choisi le chant qui dit : « J’abandonne tout et ne regarde qu’à Toi. Il y a devant moi un pays ouvert et Tu m’accompagneras ». Ce chant m’a suivie à l’époque de mon départ, mais je ne savais pas exactement ce que signifiait un « pays ouvert ». Entretemps, je pense avoir entrevu une petite partie de ce terme. J’avais d’abord pensé qu’après mon arrivée en Guinée, nous ouvri- rions simplement une deuxième classe de maternelle en ville et for- merions une deuxième collaboratrice locale. En fait, il y a maintenant déjà trois classes en ville, et deux écoles villageoises ont démarré en plus. Une troisième est encore prévue dans un autre village. Je n’aurais jamais pensé que moi, « petite Suissesse », je me ren- drais un jour dans des villages de la brousse africaine pour négocier avec de vénérables doyens et expérimenter la naissance d’une école maternelle à partir du « néant ». Cette tâche me dépasse souvent et pourtant Dieu m’accompagne, comme le dit le chant que j’ai men- tionné. Par nos écoles, nous pouvons être une lumière dans les vil- lages. A côté de la mosquée et de l’école coranique, il y a la hutte de notre maternelle où les enfants entendent des histoires d’un Dieu vivant et peuvent poser les fondements de leur avenir scolaire et professionnel. D’autres possibilités de servir les villageois et de leur transmettre l’amour de Dieu s’ouvrent peut-être par ce moyen. Je vois en tout cas plus du pays ouvert et suis curieuse de savoir ce que Dieu a en vue avec le projet d’écoles maternelles. Naemi Schelling (ActionVIVRE Nord, Guinée)

« Si nous avions su cela il y a 14 ans…»

école biblique suivie d’un stage de six mois. Nous nous sommes finalement inscrits pour une année dans une école biblique en envisageant un séjour de trois ans en Afrique. Finalement nous avons étudié trois ans et sommes restés plus de dix ans au Tchad. Après chaque étape, Dieu nous montrait le prochain piquet et nous donnait la force et le courage de Le sui- vre. Parfois il y avait du brouillard sur notre route et nous n’étions pas sûrs de bien la voir, comme quand il a été question de repartir au Tchad après un congé au pays, avec quatre petits enfants, juste deux semaines après une attaque de Boko Haram dans le marché de notre ville. Nous avons fait confiance, obéi et avancé. Aujourd’hui, nous ne regrettons rien, bien au contraire. Nous sommes tellement contents d’avoir persévéré, en serrant les dents parfois. Avec les années, les gens ont

commencé à nous respecter, ils sont venus nous demander des conseils. Petit à petit, nous avons appris suffisamment leur langue pour comprendre les finesses de la communi- cation et faire de moins en moins de faux pas. Nous avons construit des relations solides avec nos collaborateurs et ensemble avons pu contribuer à la mise en place d’une école maternelle et primaire chrétienne. Nous avons pu transmettre beaucoup de nos connaissances pratiques à différentes personnes et aucune guerre ou crise écono- mique ne peut leur arracher ce savoir. Nous sommes rentrés en Suisse beaucoup plus riches qu’il y a 10 ans : riches des expériences avec Dieu et les autres, ayant découvert différentes façons de voir la vie et de vi- vre… Et maintenant, nous essayons de distinguer le pro- chain piquet ! Patricia et Andreas Moser (ProRADJA’, Tchad)

On nous a dit que lorsqu’on traverse le désert en voitu- re, de longs piquets rouges et blancs indiquent la route. On ne les voit jamais à l’avance, c’est seulement quand on arrive à un piquet qu’on peut voir le suivant. Nous ai- mons cette image, car elle nous fait penser à notre his- toire. Si nous avions vu le parcours des 14 dernières an- nées à l’avance, nous aurions pris peur et serions restés en Suisse. Quand nous nous sommes mariés, Patricia aimait l’aventure et Andreas les montagnes. Tous deux, nous désirions servir Dieu. Nous voulions faire quelque cho- se de différent et nous nous sommes intéressés à une

10

11

Des petits signes et des confirmations de Dieu

Le Cessna à cinq places amorce un der- nier virage au-dessus de la vaste baie de Portel et survole calmement l’étroite pis- te d’atterrissage coincée entre la « vieille ville » et le quartier de la « ville nouvelle », comme oubliée sous le soleil brûlant de la mi-journée. Après avoir roulé un peu et soulevé un gros nuage de poussière, l’engin s’arrête. Nous descendons avec deux autres passagers, étirons nos membres enraidis en regardant autour de nous. Un homme de petite taille vient à notre rencontre en souriant gaiement, c’est le pasteur Aristeu d’Ajará : « Une cordiale bienvenue à Portel et que Dieu vous bénisse dans le nouveau travail au bord des fleuves ! ». C’était en janvier 1993. La direction de SAM global nous avait demandé si nous accep- terions la responsabilité du démarrage du projet ProRIBEIRINHO. Décision difficile à prendre ! Nous avions d’autres projets pour nos dernières années avant la retrai- te. D’une part cela nous ramenait dans la région du Nordeste mais il était aussi question d’autres tâches. Nous avons prié intensément pendant des mois. Elsbeth en particulier ne pouvait pas se réjouir à cette idée. J’avais un peu moins de peine, car je connaissais déjà cette région pour y avoir fait mon premier stage linguistique. Nous avons finalement acquis tous deux la con- viction que nous devions nous investir dans ce projet fluvial. Dieu nous a montré par de petits signes que nous avions pris la bonne décision, comme Il l’avait déjà fait les années précédentes. L’organisation n’ayant pas de maison à Por- tel, nous avons logé d’abord à Ajará, un pe- tit village au bord du fleuve du même nom. Avant le voyage de trois heures en bateau, j’ai dit au pasteur que je devais absolument rencontrer Abílio. « A vrai dire, je ne le con- nais pas et je ne sais même pas où il habite, mais je dois lui parler ». « Pas de problème », a dit Aristeu, « il est là-bas devant la petite Poste. » Peu de temps après, Abílio parti- cipait à toutes nos activités et est depuis lors un fidèle membre de l’équipe ProRIBEI- RINHO. C’était la première confirmation de Dieu. Il était évident qu’Ajará n’était qu’une solu- tion provisoire et que nous devions trouver un logement adapté à Portel. Les recher- ches ont commencé. Nous avons trouvé une maison bien bâtie, pas très grande, in- occupée et idéalement située. En voyant la maisonnette, Elsbeth a pensé : « J’aimerais bien habiter là. » Il n’y avait que deux pro- blèmes : la femme du propriétaire ne vou-

Un travail qui grandit dans le « pays promis »

lait pas vendre et nous ne voulions pas louer, car le loyer exigé était abso- lument exagéré. Les négociations ont été interrompues. Alors est intervenu le second coup de main divin. Peu après, le propriétaire a téléphoné : « Ma femme est à 96% prête à vendre la mai- son. Je suis en train de rédiger le con- trat. » Quelques jours plus tard, nous avons emménagé dans notre nouveau chez-nous. Le projet pouvait démarrer. Le concept était simple – la mise en oeuvre un peu moins. Ce travail devait rejoindre l’être humain tout entier dans ses besoins. Meilleures conditions de vie par de pe- tits projets agricoles, soins médicaux et prévention, formations et transmission de la bonne et inégalable nouvelle de l’amour et du pardon de Dieu. En à pei- ne dix ans où nous avons travaillé sur les trois grands fleuves de Portel, le projet s’est développé lentement mais régulièrement et certaines choses ont changé. Plusieurs petites églises ont par exemple surgi et le paysage le long des fleuves s’est transformé ; on aper- çoit en voyageant des chapelles por- tant l’inscription « Igreja Cristã Evange- lica » (église chrétienne évangélique). Le travail médical a lui aussi beaucoup changé. Aujourd’hui il est obligatoire que des pros, c’est-à-dire des médecins et des dentistes formés procèdent aux consultations. Pour continuer à assurer les soins médicaux urgemment néces- saires, des tournées cliniques de plu- sieurs jours sont organisées avec des médecins formés. La responsabilité de tout le projet repose maintenant entre les mains des Brésiliens. La bonne col- laboration joyeuse au sein de l’équipe, les visites sur les fleuves et les « his- toires de Ribeirinhos », souvent amu- santes, demeurent. Nous avons toujours expérimenté la direction divine. L’équipe elle aussi peut témoigner qu’elle ressent sou- vent les coups de main de Dieu, com- me l’affirme un ancien cantique : « Qu’il fait bon à Ton service, Jésus mon Sau- veur ! » Ari Aeberhard (Brésil)

Décembre 1998 : Je viens de terminer les trois mois de l’école bi- blique Torchbearers, je suis convaincu que Dieu me veut dans le travail interculturel. Je vais donc au congrès « Mission 99 » en Hol- lande pour découvrir la suite, mais Dieu me renvoie en Suisse avec le mandat d’y travailler jusqu’à ce qu’Il m’appelle. 1999 : Je fais partie dumouvement fondateur « Godi » à Frauenfeld où il nous est accordé d’écrire un paragraphe d’histoire en Suis- se. En 2006 , enma qualité de responsable de la « Factory Frauenfeld », j’accompagne dix jeunes pour un court terme au Cambodge. Je comprends immédiatement que je n’en ai pas fini avec ce pays. Quand je rentre en Suisse après cet engagement, je me souviens de ce décembre 1998 et dema conviction que Dieu veut m’envoyer à l’étranger. Le Cambodge ne quitte plus mes pensées pendant les semaines et les mois qui suivent. « Seigneur, comment vois-tu la suite, qu’est-ce que je dois faire, pendant combien de temps, dans quel but ? » A ce moment-là, on me demande d’apporter une prédication sur Abraham. En la préparant, je comprends que Dieu m’appelle comme Il a appelé autrefois Abraham. Septembre 2007 : Par la foi et sans savoir ce qui m’attend, je me mets en route pour le Cambodge, mon « pays promis ». 2008 : Une fille de la campagne cherche où habiter en ville pour pouvoir fréquenter le lycée. Je demande un peu partout mais ne trouve rien pour elle. Elle n’est pas la seule confrontée à ce pro- blème. Sans hésiter j’ouvre mon logement à quatre lycéens, et c’est la naissance de Lighthouse Battambang. 2017 : Depuis le démarrage, plus de 100 jeunes ont logé à Light- house Living. Chaque année, nous choisissons 20 nouveaux élèves (filles et garçons) parmi plus de 40 demandes venant de la campa- gne. La plupart d’entre eux n’ont jamais entendu parler de Jésus. D’autres activités se sont ajoutées au projet. Le centre de jeunesse Lighthouse Learning, qui offre différents cours et accueille chaque jour plus de 60 jeunes. Le projet agricole Lighthouse Serving pro- pose une aide pratique aux paysans. Lighthouse Training est une formation pratique au leadership avec un stage interne. Fin 2018 : Nous venons de lancer Lighthouse Living Pursat. Les deux responsables sont d’anciens résidents de Lighthouse Living et Lighthouse Training. Comme pour Abraham, le chemin a été assez caillouteux, traver- sant parfois le désert ; nous avons vécu des périodes fructueuses, durant lesquelles les choses ont grandi lentement. Il y a eu des « famines », j’ai fui « en Egypte » en m’attirant des difficultés. Mais Dieu est fidèle et j’ai retrouvé le bon chemin. Dieu ne recherche pas des personnes sans fautes, mais des personnes qui Le suivent, abandonnant les sécurités apparentes et se mettant en route sans savoir où elles vont. Il cherche des êtres humains qui tombent mais se relèvent ensuite pour cheminer avec Lui. Dieu écrit l’histoire pour autant qu’on le Lui permette et qu’on Le suive. Lukas Bernhardt (Lighthouse Battambamg, Cambodge)

12

13

écrire une tranche d’histoire dans la vie des individus

Ecrire une tranche d’histoire ne signifie pas seulement transformer un village entier ou une région. Ecrire une tranche d’histoire peut aussi se faire dans la vie des individus. Bien des parcours de vie ont déjà été réécrits grâce à l’investissement de nos collaborateurs. Ce qui paraît peu de chose vu de l’extérieur est souvent « vital » pour ces personnes, qui transforment à leur tour la vie des autres.

La transformation du « rasta » Comme institutrice, j’ai fait l’expérience qu’il y a toujours un ou deux élèves dans une classe dont on se souvient tout de suite du nom. Ils sortent du lot par un signe dis- tinctif quelconque. C’est exactement ce qui m’est arrivé dans notre dernier groupe d’apprentis. Dès le premier jour, j’ai su comment s’appelait le « rasta ». Ici, il est très inhabituel que les hommes portent des cheveux longs. Nous nous sommes rapidement rendu compte que ce jeune correspondait réellement au cliché : il fumait – pas seulement des cigarettes – et il ne remplissait visiblement pas les meilleures conditions pour un apprentissage cou- ronné de succès. Mais après quelques mois il s’est pré- senté chez moi avec le désir d’en entendre davantage sur Jésus. Nous avons commencé à lire la Bible ensemble et, à sa demande, j’ai prié pour sa famille. Plein de joie il m’a raconté peu après que cela se passait beaucoup mieux chez eux, et il était motivé à en apprendre plus sur Jésus. Bientôt, il a participé au groupe biblique hebdomadaire chez un de nos amis guinéens et y a même amené un de ses collègues, un autre apprenti. Régulièrement, il nous relatait des histoires d’avant qui nous remplissaient d’étonnement. Par exemple, il nous a raconté qu’il était une fois assis avec des amis au bord d’un lac et qu’ils s’octroyaient un joint après l’autre, quand tout à coup, de manière totalement inattendue, un serpent est tombé de l’arbre, exactement au milieu du groupe. Il semblait assez somnolent – probablement que la fumée avait étourdi le reptile…Les jeunes gens se sont levés précipitamment et se sont enfuis. Nous avons tous ri aux larmes de cette histoire. Mais avant tout nous nous sommes réjouis lorsque notre « rasta » nous a assurés qu’il en avait fini avec les joints depuis qu’il lisait la Bible. Il s’est ensuite fait baptiser voilà quelques mois.

Un alcoolique devenu collaborateur de projet Fabio n’avait que 18 ans lorsque sa consommation ex- cessive d’alcool a commencé. De plus en plus souvent, ses pas le conduisaient vers un bar. Résultat : il regagnait la maison ivre et titubant, avec un sentiment d’échec et le porte-monnaie vide. Il se sentait de plus en plus mal et son humeur devenait toujours plus mauvaise. Ses pa- rents se faisaient beaucoup de souci pour lui et son ave- nir, ils se demandaient ce qui allait advenir de leur fils. Voilà un peu plus de cinq ans, Fabio avait 25 ans et m’aidait pour les travaux des champs. D’une certaine ma- nière j’ai eu l’impression que je devais engager ce jeune homme de manière durable. Il a accepté. Nous avons dès lors travaillé côte à côte. Fabio observait, écoutait, fut touché et, à mon étonnement, il cessa tout à coup ses tra- jets réguliers vers le bar. Dieu travaillait dans sa vie. Fabio apprit à mettre de côté une part de l’argent qu’il gagnait. Petit à petit, il fréquenta les cultes et il entendit la bonne nouvelle du salut et du pardon. Après une journée de la- beur, je lui ai demandé : « Qu’est-ce qui te retient encore de confier ta vie à Jésus ? » « En réalité, rien du tout, je sais que c’est le chemin pour moi » répondit-il. C’est ainsi qu’il fit ses premiers pas dans la vie de foi. Les moqueries et les sarcasmes ne manquèrent pas sur ce nouveau chemin. Fabio fut souvent tenté de recommen- cer à boire, mais il tint ferme. Cela fait maintenant plus de deux ans que qu’il a été appelé parmi les responsables de l’église. Il s’intéressait toujours plus à manifester l’amour de Dieu aux personnes issues des régions rurales. Depuis l’année dernière, il est officiellement engagé comme col- laborateur de ProSERTÃO. Il rend souvent témoignage de la manière dont Jésus l’a libéré. Depuis juin, il dirige avec un ami un groupe de maison dans un village de campa- gne. On ne se moque plus de Fabio, sa vie solide laisse des traces qu’on ne peut ignorer.

Une pasteure redécouvre un grand trésor Lin* est une femme pasteur expérimentée d’une gran- de église au Sichuan. C’est une responsable dynamique dont j’ai fait la connaissance voilà huit ans. Même au mi- lieu de tous les défis qu’elle et son mari pasteur rencon- trent, elle est restée une personne très joyeuse. C’était la troisième fois qu’elle participait à une retraite pastorale. Cette fois-ci, elle a collaboré dans l’équipe et dirigé un petit groupe. Lors de l’évaluation commune, elle a fait remarquer : « Ecouter Dieu et Sa Parole dans le silence est vraiment un apprentissage. En Chine, nous avons l’habitude de considérer un texte biblique d’abord selon la connaissance et la raison. Pour moi, c’était tota- lement nouveau de l’approfondir et le laisser agir en moi. Dans notre église, nous nous sommes mis à lire la Bible en petits groupes de cette manière attentive. Mais je me rends compte qu’il m’a fallu plusieurs retraites avant de commencer à comprendre, lentement mais sûrement, ce que signifie écouter Dieu et grandir moi-même dans cet- te expérience. Le silence n’est en fait pas du tout étran- ger à la culture chinoise, mais nous n’avons pas appris à le mettre en relation avec l’écoute de Dieu. Nous avons tout à fait accès aux enseignements les plus divers, mais l’encouragement de notre relation toute personnelle avec Dieu et la focalisation sur Lui dans le silence est un grand trésor que j’ai redécouvert. Il en découle tellement d’énergie et de joie. Les tâches ne doivent pas être ac- complies par nos propres forces et sous la pression de l’attente des autres. Grâce aux retraites, je reçois chaque fois une orientation en direction de Jésus. C’est exacte- ment de cela dont nous avons besoin dans notre situa- tion souvent exigeante en Chine. » *Nom modifié

Un miracle de 800 grammes Lorsque la petite Fatime est arrivée chez nous, elle ne pesait que 800 grammes, mais malgré son poids modique, elle semblait en bonne santé et semanifestait par des pleurs sonores. Nous avions donc bon espoir qu’elle survive. Cependant, deux semaines plus tard, nous avons craint pour sa vie : durant plusieurs jours, elle n’a pas pu évacuer les selles, son ventre était tout gonflé. Nous l’avons présentée à Dieu dans nos moments de prière. Et il a répondu… Fatime s’est rétablie, et quatre semaines plus tard elle a pu quitter la pouponnière en bonne santé et pesant 1 500 grammes. Elle vient maintenant régulièrement au contrôle du poids. C’est une joie de voir comme elle se développe bien. Durant le temps où Fatime était en traitement chez nous, sa maman a eu l’occasion de découvrir un peu l’amour de Dieu. Avec d’autres femmes, elle a regardé avec un grand intérêt le film de Jé- sus. Nous prions et espérons que ces rencontres puissent toucher et transformer son cœur. Fatime est un des 21 bébés prématurés que nous avons accueillis chez nous ces trois derniers mois. Pour sept d’entre eux, nous n’avons malheureuse- ment rien pu faire et ils sont morts, mais les autres ont pu rentrer à la maison après un temps plus ou moins long. C’est chaque fois un cadeau quand un si petit bébé nous quitte en ayant une chance pour la vie qui se trouve devant lui.

Sandra, collaboratrice ActionVIVRE Sud, Guinée

Martin Baumann, ProSERTÃO, Brésil

Martin Voegelin, groupe de soutien Chine

Anne-Marie Aellig, Bakan Assalam

14

15

S’inscrire dans l’histoire parmi les Fulbe Non seulement les collaborateurs inter- culturels s’inscrivent dans l’histoire, mais bien sûr aussi les habitants de nos pays d’intervention. Hamsa* du Cameroun en est un exemple.

« Quand tu mourras, tu seras enterré comme un chien ! » Voilà les paro- les menaçantes du cousin de Hamsa, après avoir reconnu sa voix dans l’émission « Laawol Goongaaku » (Chemin de la Justice) à la radio. Après une nuit de peur Hamsa quitte sa ferme assez précipitamment, tôt le len- demain matin. Une rencontre avec des conséquences Hamsa est issu d’une famille noble des Fulbe et a grandi au nord du Ca- meroun. Les Fulbe, aussi appelés Peuls dans d’autres pays, sont enmajori- té un groupe ethnique musulman d’une population de plusieurs millions. Les Fulbe vivent principalement dans la zone du Sahel en Afrique. Après le décès prématuré de son père et une autre expérience traumatisante, Hamsa est devenu dépressif et a visité notre centre de santé. C’est là qu’il a rencontré Sanda, un collaborateur de notre église qui a un grand cœur pour partager l’amour de Dieu avec les gens. Les deux se connaissaient déjà pour être allés ensemble à l’école. Peu après, Hamsa a ouvert son cœur à la foi. Il a été un des premiers Fulbe à reconnaître Jésus dans notre région. « Je veux faire quelque chose pour mon peuple ! » Par la suite, Hamsa a suivi une école de disciples dans la région du Centre du Cameroun pour en apprendre plus sur sa nouvelle foi. Chaque fois qu’il se rendait au nord du pays, il venait nous voir, Sanda et moi. Lors d’une visite, je lui ai parlé de notre projet d’émission radiophonique « Laawol Goongaaku ». Cette émission, d’ailleurs diffusée entre autres sur la « Deut- scheWelle International », consiste en une centaine de leçons qui traitent de la Bible, depuis la création jusqu’à la révélation. Elle est comparable au cours « Al Massira », mais bien plus simple. J’ai dit à Hamsa que je n’étais pas vraiment satisfaite de la traduction actuelle du programme dans la langue locale. Il a été tout de suite prêt à nous aider et à tout reprendre dès le début avec Sanda et moi. Quand il s’est agi d’enregistrer l’émission pour la radio, j’ai averti Hamsa : « Tu es sûr de vouloir dire ces leçons sur des phonogrammes ? On va reconnaître ta voix et tout le monde saura que tu es devenu chrétien ! » Il m’a répondu : « Oui, je veux faire quelque chose pour mon peuple. » Les émissions ont aussi été enregistrées sur des cartes SD et sur des CD, puis distribuées parmi la population. Un chemin compliqué La rencontre difficile avec son cousin et d’autres déceptions ont de plus en plus ébranlé Hamsa et il est retourné à son ancienne communauté au nord pour quelque temps. Un collaborateur de la station radiophonique « Sawtu Linjiila », le ERF (Evangeliums Rundfunk) camerounais, a pu moti- ver Hamsa à revenir dans la région du Centre, afin d’y vivre à la station de l’émetteur et travailler pour la radio. Petit à petit, il est arrivé à la convic- tion de vouloir continuer à suivre Jésus. Après son mariage, il a rejoint une école biblique avec sa famille et l’été dernier, au terme de trois ans, il a reçu son diplôme. Actuellement, il fait un stage dans une communauté à Yaoundé, la capitale, et des collaborateurs interculturels ont commencé à lui envoyer des Fulbe qui s’intéressent à Jésus. C’était un cheminement difficile pour Hamsa, un des premiers chrétiens Fulbe dans notre région, avec beaucoup de hauts et de bas. Mais pour l’instant il avance courageusement sur le chemin avec Jésus – et cela pro- duit des effets dans son entourage ! *Nom modifié

Investir dans les collaborateurs en vaut la peine

« Merci ProAGRO ! » La création en 2010 du projet ProAGRO par l’expert agro- nome suisse Daniel Berger est un grand soulagement pour la Guinée forestière, particulièrement pour la pré- fecture de Guéckédou. Pour les populations agricoles, c’est un enjeu utile au développement communautaire de la riziculture. Le projet comporte deux volets : d’abord les paysans sont réunis en groupements dans leurs villages respectifs pour la formation théorique. Ensuite, des champs de dé- monstration pour lier la théorie à la pratique permettent de comparer les opérations et les rendements, ainsi que l’efficacité et la performance des méthodes traditionnel- les par rapport à celles, nouvelles, du projet. Le projet en- seigne l’utilisation rationnelle des sols par la vulgarisation de deux nouvelles méthodes culturales du riz. D’une part, la conservation des terres par un travail d’intervention minimal et presque pas de labour. D’autre part, la rizicul- ture intensive pour plus de production : l’utilisation de six à dix kilos de semence par hectare donne un rendement de quatre à dix tonnes. En comparaison, la méthode pay- sanne habituelle utilise 100 à 150 kilos de semence pour un rendement d’une à trois tonnes par hectare. Les bénéficiaires choisis saluent le projet et s’approprient ses techniques de vulgarisation. Les paysans environ- nants, impressionnés par les résultats des récoltes de ProAGRO, s’en inspirent, s’en emparent et en bénéficient. Le projet a un caractère économique, social et écolo- gique. L’objectif final est d’améliorer l’alimentation et la rentabilité pour les paysans de la région. ProAGRO sou- tient également la construction de maisons de stockage qui servent de banques de céréales pour les groupe- ments ayant atteint des stocks de cinq à dix tonnes, issus des champs de démonstration. Le projet encourage aussi la création de vergers d’arbres moringas à usage médici- nal, pour promouvoir la nutrition et la santé communau- taire dans les villages. Merci beaucoup ProAGRO !

Barama Doada a entendu très jeune la Bonne Nouvelle dans un groupe d’enfants, s’est mis en route avec Jésus et a ensuite aidé lui-même dans le programme d’enfants de son église. Son père était maçon et contremaître. Il avait travaillé dans divers projets de construction avec des col- laborateurs interculturels et avait ainsi beaucoup appris. Par son bon travail, il a pu s’assurer un revenu régulier et Barama a pu aller à l’école et passer son bac. Le jeune homme a démarré ensuite des études de chimie à la ca- pitale et s’est engagé là aussi dans l’école du dimanche. Mais son enthousiasme pour le travail avec les enfants était plus grand que pour la chimie ; il est revenu dans son village et a suivi l’école d’instituteurs. L’enseignement lui apportait beaucoup de joie. Cependant, comme beau- coup d’autres, il n’a pas trouvé d’engagement fixe dans le domaine public après l’examen final. Il a travaillé comme bénévole, ce qui ne lui permettait pas de nourrir sa fa- mille. Il se demandait souvent : « Quel est le chemin que Dieu me réserve ? » En 2012, l’Œuvre Médicale de l’UECC a mis au concours un poste d’administrateur. Après un examen approfondi de tous les candidats, c’est Barama qui a été choisi. Il s’est avéré bientôt qu’il avait de nombreux dons et qu’il était toujours prêt à apprendre de nouvelles choses. C’est ainsi qu’il est maintenant responsable de toutes les questions d’assurances sociales des quelque 120 collaborateurs et s’occupe du secteur informatique. Il est un soutien pré- cieux pour le coordinateur de l’Œuvre ainsi qu’un répon- dant pour les questions des collaborateurs. Sa nature joyeuse et authentique fait du bien à toute l’équipe. Qu’en est-il de son cœur pour les enfants ? Barama s’engage comme bénévole dans un projet initié par une collaboratrice interculturelle, dirige un club d’enfants et instruit d’autres collaborateurs. Au cours de sa vie, di- vers travailleurs interculturels ont encouragé Barama à investir ses dons, l’ont stimulé et instruit. Cela fait plaisir d’échanger avec lui. On sent qu’il a trouvé sa place dans la vie, il est un grand enrichissement pour son entourage.

Vreni KOHLI, ancienne collaboratrice au Cameroun

Fara Gaspard Kamano, formateur du projet dans la préfecture de Guéckédou

Hanna Weiberle, ancienne collaboratrice au Cameroun

16

17

Page 1 Page 2-3 Page 4-5 Page 6-7 Page 8-9 Page 10-11 Page 12-13 Page 14-15 Page 16-17 Page 18-19 Page 20-21 Page 22-23 Page 24-25 Page 26-27 Page 28

Made with FlippingBook - professional solution for displaying marketing and sales documents online