Guide VOILAT (public)

L’enquête VOILAT démontre que les femmes lesbiennes sont moins visibles dans la sphère professionnelle. Leur quotidien en est plus compliqué et peut les plonger dans une réelle souffrance. 60 pages de témoignages, conseils et astuces pour alerter et faire en sorte que chaque personne puisse agir au quotidien.

Le guide d’inclusion des femmes lesbiennes au travail

Un guide créé par L’Autre Cercle avec le soutien de :

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Préface

Il n’y a pas de femme invisible.

« Être lesbienne, se tenir aux avant-postes de l’hu- main ou de l’humanité représente historiquement et paradoxalement le point de vue le plus humain » (Monique Wittig). L’universalisme suppose de n’oublier personne et de changer notre regard. Il reste des femmes que l’on ne voit pas, que l’on n’écoute pas. Celles qui n’ont eu le droit de se ma- rier qu’il y a dix ans. Celles qui n’ont eu accès à la procréation médicalement assistée qu’en 2021. Celles qui sont en couple avec une femme. L’enquête VOILAT démontre que les femmes lesbiennes sont moins visibles dans la sphère professionnelle. Leur quotidien en est plus compli- qué et peut les plonger dans une réelle souffrance. J’ai confiance dans notre capacité collective, associations et pouvoirs publics, à faire changer les choses. Je sais pouvoir compter sur le travail réalisé par L’Autre Cercle.

Isabelle Lonvis-Rome

Ministre déléguée, chargée de l’Égalité entre les femmes

et les hommes, de la Diversité et de l’Egalité des chances.

Les lesbiennes ne sont pas invisibles. Elles sont là. Écoutons-les.

Illustrations @annawandagogusey

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Le guide d’inclusion des femmes lesbiennes au travail

L’esprit de ce guide Nos contributrices

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Chapitre 1 Comprendre - L’état des lieux

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1.1 L’effacement social des femmes lesbiennes au travail : ce que VOILAT nous enseigne 14 1.2 Mais pourquoi donc ? Le poids du sexisme et de l’hétérosexisme 16 1.3 La lesbophobie au travail : ce que l’enquête VOILAT nous apprend 19 1.4 L’inclusion des femmes lesbiennes, un angle mort des politiques de diversité, d’inclusion et d’égalité femmes/hommes ? 22 Chapitre 2 Agir - Ou comment favoriser la visibilité et l’inclusion des femmes lesbiennes au travail 27 2.1. Poser les fondamentaux 27 2.2. Adapter les politiques de diversité, d’inclusion et d’égalité femmes/hommes déjà en place 32 2.3. Favoriser l’émergence et promouvoir la visibilité et l’implication des rôles modèles lesbiennes : un levier pour transformer les organisations 37 2.4. Les 10 clés d’une politique inclusive pour les femmes lesbiennes 40 Chapitre 3 Ressources 43 3.1. Culture générale : calendrier et drapeaux 43 3.2. Petit lexique LGBT+ : focus sur les femmes lesbiennes et bisexuelles 44 3.3. Des liens utiles 46 Perspectives 47 A propos de L’Autre Cercle 48

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Le guide d’inclusion des femmes lesbiennes au travail

Introduction

L’esprit de ce guide

Évoquer l’absence de visibilité des femmes lesbiennes dans l’environnement professionnel peut sembler incongru quand on estime que la thématique LGBT+ est traitée, voire incarnée. Et pourtant nous lançons ce guide d’inclusion VOILAT, destiné aux employeurs, et par extension au collectif de travail. Il fait suite à l’étude VOILAT, Visibilité Ou Invisibilité des Lesbiennes au Travail, que nous avons menée en 2022. Il porte spécifiquement sur les lesbiennes (incluant les femmes bisexuelles en couple avec une femme et les femmes transgenres se déclarant lesbiennes), en activité professionnelle.

Leur invisibilité est criante dans ce monde du travail qui se veut « open diversité ».

Il n’y a pas obligatoirement de malveillance, mais bien un angle mort social, renforcé par la discrétion volontaire, voire imposée, de beaucoup d’entre elles, dans des environnements ou le sexisme reste encore très présent. Nous avons choisi de croiser les regards et les expériences de bénévoles de L’Autre Cercle et d’actrices d’organisations publiques et privées, signataires de la Charte d’Engagement LGBT+ de L’Autre Cercle, afin de décrypter les raisons de cette situation et d’apporter des réponses concrètes. Vous trouverez à la fois un état des lieux, des éléments de compréhension de la problématique, des bonnes pratiques et des propositions d’actions simples à mettre en œuvre. La première action consiste à nommer car, pour reprendre la célèbre formule de Simone de Beauvoir, « nommer c’est dévoiler, dévoiler c’est agir ». Le chemin est long, mais la mise en mouvement indispensable si l’on veut réellement voir émerger des femmes lesbiennes, comme une évidence dans une société qui se veut inclusive.

Sylvie Meisel et Catherine Tripon Co-responsables de VOILAT

Note : dans cet ouvrage le terme “lesbienne” est privilégié. Il inclut également les femmes bisexuelles en couple avec une femme, et il désigne aussi bien des femmes cisgenres ou transgenres se déclarant lesbiennes.

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Le guide d’inclusion des femmes lesbiennes au travail

Nos contributrices Pour contribuer à l’élaboration de ce guide, le comité de pilotage VOILAT a fait appel à des salariées et agentes parmi les signataires de la Charte d’Engagement LGBT+ de L’Autre Cercle. Nous les remercions pour leurs expertise et leur temps consacré en réunions et en travail d’intersession.

Léa Pons Sopra Steria

Consuelo Benicourt Sopra Steria

Rachel Compain Engie

Élodie Bouthinon-Dumas Engie

Aïda De Faria AXA groupe

Sonia Dutot AXA France

Illustrations @annawandagogusey

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Nos contributrices

Élodie Paris Accenture

My-Dao Tran-Huu Accenture

Emilie Desriaux Accenture

Kaidia Bouhet Accenture

Marie Badr Herbert Smiths & Freehills

Agnès Saal Ministère de la Culture

Marie Lahaye Ville de Paris

Hélène Dureux Ville de Paris

Sandra Goulmot Ville de Paris

Illustrations @annawandagogusey

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Nos contributrices

Le guide d’inclusion des femmes lesbiennes au travail

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Le guide d’inclusion des femmes lesbiennes au travail

Introduction Nos contributrices

Nous remercions tout particulièrement pour leur témoignage

Corinne Calendini Directrice AXA Wealth Management et DGD AXA Banque. Co-présidente d’AXA Mix’in

Aurélie Feld Présidente LHH France, filiale du groupe Adecco. Rôle modèle 2021*

Sarah Jean-Jacques  Doctorante en sociologie et en géographie

Malika Khelifa Responsable qualité Airbus. Co-fondatrice de Pride@Airbus Fr. Rôle Modèle 2020*

sociale Université Paris Diderot. Co-fondatrice de l’Observatoire

de la lesbophobie. Rôle Modèle 2022*

Émilie Morand Chercheuse post-doctorale UQAM / Université du Québec à Montréal

Aliette Mousnier-Lompré CEO Orange Business Services. Rôle modèle 2021*

Émeline Renard Chargée de la coordination des CASPE Ville de Paris. Rôle Modèle 2022*

* De L’Autre Cercle Voir le site Rôles modèles LGBT+ de L’Autre Cercle : https://rolesmodeleslgbt.fr/

Illustrations @annawandagogusey

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Chapitre1

Le guide d’inclusion des femmes lesbiennes au travail

Illustrations @annawandagogusey

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Chapitre1

Le guide d’inclusion des femmes lesbiennes au travail

Chapitre 1 Comprendre - L’état des lieux Une image pour point de départ, celle de l’effacement. Voici comment l’Académie française définit l’effacement : 1 - Action d’effacer ou de s’effacer. 2 - Le fait de se tenir au second plan, dans une attitude réservée et discrète. Et si ce terme, dans son double mouvement, subi (je suis effacée) , ou agi (je m’efface) , rendait compte très exactement de la situation des femmes lesbiennes au travail ? Effacées car majoritairement invisibles, nous le verrons dans le premier point de ce chapitre, nourri des enseignements que nous apporte l’inédite étude VOILAT 1* , menée par L’Autre Cercle en 2022. Effacées encore, car le terme même de lesbienne 2 , perçu comme tabou et trop souvent sexualisé, ne saurait être prononcé, qui plus est dans des sphères professionnelles ? Effacées toujours car élevées, comme toutes les petites filles, à cultiver les vertus cardinales de la réserve et de la discrétion ? Nous expliquerons donc les concepts théoriques de sexisme et d’hétérosexisme qui produisent une discrimination singulière : la lesbophobie. Puis, reprenant les principaux résultats de l’enquête VOILAT, nous mettrons en lumière le poids de la lesbophobie au travail et ses principales conséquences sur les femmes concernées. Enfin, conséquence logique des constats précédents, nous verrons que l’identité lesbienne reste un impensé au travail et un angle mort des actions menées en faveur de la diversité et de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

* Notes à retrouver en fin de chapitre

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Chapitre 1

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1.1 L’effacement social des femmes lesbiennes au travail : ce que VOILAT nous enseigne Commençons par poser le constat chiffré. En 2022, L’Autre Cercle a mené, en partenariat avec l’Ifop, la première enquête d’envergure nationale sur la situation des femmes lesbiennes au travail car jusque-là rien n’existait, ou si peu. Non seulement dans le champ du travail, mais plus globalement, dans toutes les sphères sociales. « Les travaux universitaires sur le sujet sont quasi inexistants et seuls deux rapports associatifs émanant de SOS Homophobie avaient été publiés précédemment, en 2008 et 2015 » , constate la chercheuse en sociologie et géographie sociale, spécialiste des questions de genre et de sexualité, Sarah Jean-Jacques. Inédite, l’étude VOILAT offre donc une analyse in fine de la situation de vie des femmes lesbiennes au travail et s’articule autour de deux axes : visibilité ou invisibilité et lesbophobie. Que nous apprend-elle ? L’invisibilité au travail, « le choix » de la majorité Cette enquête nous révèle que l’invisibilité reste le choix de la majorité des femmes : deux tiers des femmes lesbiennes sont invisibles auprès de leurs collègues et de leur hiérarchie. Le terme d’invisibilité recouvre ici le fait que leur orientation sexuelle n’est pas connue de leurs collègues ou de leur hiérarchie.

« J’ai eu à faire pas mal de coming out en fonction des postes occupés et aujourd’hui dans un board plutôt masculin, je ne me vois pas être visible. Donc la question de la visibilité se pose de manière régulière. C’est un enjeu constant. » (participante, groupes de travail VOILAT) . Les renoncements, l’autre visage de l’invisibilité Cette enquête montre, par ailleurs, que la non- visibilité se manifeste aussi par une série d’ex- périences, de renoncements et de contre-vérités. Proportion de femmes ayant déjà renoncé à : • Prendre des congés pour accueil de l’enfant/ parentalité (ex : après l’accouchement de votre partenaire) : 33 % ; • Indiquer le nom de votre conjointe sur votre mutuelle, votre plan d’épargne entreprise ou en tant que contact d’urgence : 38 % ; • Participer à un événement proposé par votre organisation où les conjoint·es des salarié·es étaient invité·es : 41 % ; • Omettre volontairement de parler de vos activités « connotées LGBT+ » (Marche des fiertés, événement ou soirée LGBT+...) : 44 % . Ces renoncements et contre-vérités constituent une entrave sérieuse à la socialisation des femmes lesbiennes et à l’égalité réelle au sein des équipes. De plus, elles ont un coût psychique et émotionnel certain pour les personnes concernées.

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Le guide d’inclusion des femmes lesbiennes au travail

Chapitre 1

dans la série Buffy contre les vampires ». Nous sommes en 2001. À l’épisode 16 de cette série phare de la pop culture, Tara embrasse Willow et c’est une révolution culturelle ! Une étoile scintillante dans l’obscurité de nombreuses vies adolescentes. Ainsi, des amours heureuses entre femmes seraient possibles… Reste que Willow meurt à la fin du même épisode. Exit donc la figure d’identification ! Maud restera seule. L’anecdote vous paraît hors de propos ? Elle est au contraire révélatrice d’une continuité culturelle. Pourquoi y aurait-il des lesbiennes visibles au travail alors même que celles-ci sont invisibilisées dans toutes les sphères sociales et doivent se construire adolescentes sans aucune figure d’identification ? Depuis l’onde de choc #Metoo et l’émergence d’une parole féminine plus authentique dans les médias et sur les réseaux sociaux, la visibilité des lesbiennes a légèrement progressé dans le monde de la culture (cinéma, littérature et musique, notamment). Mais au travail ? Pendant 20 ans, L’Autre Cercle, n’a cessé de constater qu’il n’existait aucune dirigeante lesbienne visible dans les très grandes ou même les plus petites entreprises de culture française. C’est la création de la cérémonie des Rôles Modèles LGBT+ de L’Autre Cercle en 2019 qui servira de déclencheur. À travers cet événement, quelques femmes dirigeantes ont choisi de se visibiliser en tant que rôles modèles à partir de 2021, telles Aliette Mousnier-Lompré (Orange), ou Aurélie Feld (LHH) qui prennent la parole

L’absence cruelle de rôles modèles En octobre 2022, Maud Grenier, jeune cheffe d’entreprise, prend la parole sur le plateau de la 4 e édition des rôles modèles LGBT+ 4 , l’événement annuel lancé par L’Autre Cercle, pour célébrer celles et ceux qui s’engagent en faveur de la visibilité et de l’inclusion des personnes LGBT+ au travail. Elle témoigne : « Durant toute mon adolescence, j’ai cherché désespérément des modèles d’identification lesbiens car je me sentais terriblement seule. Je n’en ai trouvé qu’un L’étude corrobore le constat fait par l’enquête VOILAT : seules 18 % d’entre elles sont visibles auprès de l’ensemble de leurs collègues et 26 % auprès de tous les membres de leur famille. La visibilité par les gestes dans l’espace public est, quant à elle, très contrôlée : plus de 50 % des répondantes font attention au contexte où elles se trouvent avant de tenir la main de leur partenaire ou de l’embrasser et 18 % ne manifestent jamais d’affection à leur partenaire en public. Seule la sphère amicale semble plus libre. 65 % des répondantes évoquent leur orientation sexuelle dans le cadre amical. L’invisibilité des lesbiennes : une réalité qui s’étend à la majorité des sphères sociales En 2015, SOS homophobie avait interrogé plus de 7 000 femmes lesbiennes ou bisexuelles sur la visibilité de leur orientation sexuelle dans différentes sphères sociales : famille, travail, relations amicales, espaces publics 3 .

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Chapitre 1

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Un monde du travail encore sexiste Comme l’ont montré de nombreuses recherches, l’organisation sociale de nos sociétés est historiquement structurée autour de deux principes : • la différenciation des rôles sociaux (par exemple, un homme est « destiné » à faire carrière tandis qu’une femme est « destinée » à prendre majoritairement en charge les tâches domestiques et le soin des enfants) ; • et la hiérarchisation de ces rôles sociaux : les tâches majoritairement prises en charge par les femmes sont socialement et économiquement moins valorisées. Et c’est dans cette valeur différentielle des sexes que le sexisme trouve son origine. Le dictionnaire Larousse définit le sexisme comme « Une attitude discriminatoire fondée sur le sexe (...) et assimilée à l’hostilité aux femmes » . En France, le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes 6 le définit plus largement : « Le sexisme s’entend de toute croyance, attitude, propos, geste et comportement qui tendent à stigmatiser, à délégitimer, à inférioriser les personnes en raison de leur sexe, et qui entraînent des conséquences préjudiciables. Ses manifestations sont diverses et prennent la forme d’un continuum : des formes à l’apparence anodine (stéréotypes, « blagues », remarques) jusqu’aux plus graves (discriminations, violences, meurtres). »

dans la seconde partie de ce guide. Elles sont trentenaires ou tout juste quadragénaires, elles disent, elles aussi, avoir grandi sans modèle et s’exprimer aujourd’hui pour offrir un espoir aux plus jeunes. « On est vraiment en manque de représentation, surtout pour les femmes qui veulent faire carrière » , confirme la sociologue Émilie Morand qui, en 2017, a mené une thèse de doctorat 5 sur les stratégies d’adaptation des personnes LGBT+ en milieu professionnel. « Je n’ai pas le modèle, j’ai peur de casser la confiance qu’on m’a faite en me dévoilant, j’ai peur de prendre un trop gros risque pour ma carrière, voici les principaux freins à la visibilité énoncés par des lesbiennes lors de mes entretiens qualitatifs » , résume-t-elle.

1.2 Mais pourquoi donc ? Le poids du sexisme et de l’hétérosexisme

Des femmes lesbiennes invisibles au travail, comme ailleurs, des figures d’identification cruellement absentes. Mais pourquoi donc ? Ceci s’explique par la combinaison de deux facteurs socio-historiques : le sexisme et l’hétérosexisme. Vous trouverez en fin d’ouvrage un petit lexique (page 44) regroupant les principaux vocables utilisés dans cet ouvrage. Mais arrêtons-nous dès maintenant sur ces concepts, car l’exercice est stimulant et indispensable pour bien comprendre ce qui se joue au travail.

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Chapitre 1

C’est ainsi que l’on peut distinguer trois formes de sexisme : le sexisme ordinaire, le sexisme discriminant, le sexisme violent . Or, au travail, le sexisme est massif : une femme sur deux a été confrontée à une situation de sexisme ou de harcèlement sexuel au travail 7 . Les 88 entretiens qualitatifs menés dans le cadre de l’étude VOILAT 8 confirment ces tendances structurelles. Nombreuses sont celles qui évoquent le besoin de se protéger et décrivent des rapports femmes/hommes encore très sexués ainsi que des organisations imprégnées de culture machiste. « ll faut être désirable lorsqu’on est une femme en France » , commente une femme cadre d’origine canadienne que ce particularisme hexagonal ne cesse de surprendre. Par ailleurs, lorsque l’environnement de travail est très majoritairement masculin, les femmes ont tendance à apparaître comme celles qui remettent en cause l’ordre établi, de surcroît lorsqu’elles sont en situation de leadership.

• Sur les 88 grands types de métiers que répertorie le ministère du Travail, on ne compte que 21 métiers réellement mixtes 10 . Les femmes sont particulièrement surreprésentées dans les métiers les moins rémunérés 11 ; • 21 % : c’est la part des femmes dans les comités de direction et comités exécutifs des grandes entreprises du SBF 120 en 2020, contre 7,1 % en 2010 12 . • 41 % : c’est l’écart entre la pension de retraite d’une femme et celle d’un homme en 2018 13 . « La première injustice, ce sont d’abord les inégalités femmes-hommes. Les femmes ont encore un rôle secondaire dans l’entreprise. Il faut d’abord travailler sur les droits des femmes ». (Étude qualitative VOILAT) ; « On avancera sur la visibilité des lesbiennes en la liant à la question de l’égalité femmes- hommes et aux freins subis par les femmes en général. » (Étude qualitative VOILAT) . Un monde du travail hétérosexiste Le second facteur socio-historique qui nuit fortement à la visibilité des lesbiennes se nomme l’hétérosexisme. Voici la définition qu’en donnent les chercheur·euses Stéphanie Arc et Philippe Vellozzo 14 : « L’hétérosexisme structure le système social, d’après lequel il n’existerait que deux sexes/genres (hommes et femmes) et deux orientations sexuelles (hétérosexualité et homosexualité), hiérarchisés (sont supérieurs le sexe/genre homme et la sexualité hétérosexuelle). L’hétérosexisme est, en fait, la conjonction de

Des inégalités persistantes entre femmes et hommes

Bien évidemment, la différenciation et la hiérarchisation des rôles sociaux ont produit des inégalités dans le champ du travail, même si les efforts croissants menés par les organisations publiques et privées tendent à les réduire. Quelques chiffres clés : • 16,8 % : c’est l’écart de salaire entre hommes et femmes dans les entreprises privées contre 12,3 % dans la fonction publique 9 ;

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Chapitre 1

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l’hétérocentrisme qui pose l’hétérosexualité en norme de la sexualité et du sexisme » . Ainsi, tout comme le sexisme réaffirme la valeur différentielle des sexes, l’hétérocentrisme réaffirme la valeur différentielle des orientations sexuelles. La conjonction des deux – l’hétérosexisme – produit de l’homophobie ou plus précisément, dans le cas des femmes lesbiennes, de la lesbophobie. Homophobie ou lesbophobie ? Non, ce n’est pas la même chose ! Mais pourquoi donc utiliser le terme de lesbophobie et non celui d’homophobie ? Parce qu’il permet d’éviter la perpétuation de l’invisibilité des lesbiennes. Et cette prise en compte est récente puisque le terme de « lesbophobie » n’existe que depuis 25 ans, quand le terme d’homophobie est apparu dès les années soixante-dix. « La notion d’homophobie repose sur une vision universalisante, donc masculine, de l’homosexuel qui nie la hiérarchie sociale des sexes, la suprématie culturelle, politique, économique des hommes et les discriminations sexistes et lesbophobes qui en découlent » , note la Coordination Lesbienne en France en 2007 15 . Outre-Atlantique, au Québec, les sociologues Line Chamberland et Christelle Lebreton, ont mené parmi les rares études mondiales sur les femmes lesbiennes dans le monde du travail 16 et constatent : « Le concept de lesbophobie (...) permet de contrecarrer les applications sexistes de la notion d’homophobie, lesquelles ignorent ou banalisent comme étant moins sévères ou moins

répandus, sans justifications ni empiriques, ni analytiques, les comportements discriminatoires ou haineux envers les lesbiennes. Les études empiriques, dont la nôtre, invalident le fait que l’homophobie touche davantage les hommes, adultes et jeunes, d’autant plus que la persistance du sexisme complexifie les expériences de discrimination, subies par les lesbiennes » .

L’hétérosexisme, le moteur de la lesbophobie !

C’est pour documenter les expériences très spécifiques auxquelles les lesbiennes sont confrontées, pour interpeller les pouvoirs pu- blics et sensibiliser l’ensemble de la société que la chercheuse Sarah Jean-Jacques a décidé de créer en 2022 L’Observatoire de la Lesbophobie 17 . « Les témoignages que nous recueillons sur cette plateforme montrent de façon très claire que les lesbiennes sont expo- sées à des violences singulières qu’il est impor- tant de visibiliser et de mieux identifier afin de lutter contre » , explique-t-elle. « Jusqu’à présent, la lesbophobie a été pensée comme une addition de violences conjuguant le sexisme et l’homophobie. Les lesbiennes seraient confrontées à une « double discrimination » , en tant que femme et en tant que lesbienne. Or, il ne s’agit pas tant d’un cumul que d’une articu- lation des violences qui se situe à l’intersection du genre et de la sexualité. Les lesbiennes sont au croisement des rapports sociaux de sexe et de sexualité, c’est la raison pour laquelle il est indispensable de penser leurs expériences de

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Chapitre 1

manière enchevêtrée et non pas cumulative. En d’autres termes, on peut affirmer que les les- biennes souffrent de l’hétérosexisme dont la les- bophobie est l’une des manifestations » , conclut la chercheuse. Les nombreux témoignages de femmes les- biennes recueillis dans le cadre de notre projet VOILAT 18 abondent dans ce sens. « Au quotidien, on parle de personnes LGBT+, éventuellement de gays, mais lesbiennes ou bisexuelles sont des mots qui semblent tabous ou, a minima, qu’on évite soigneusement de prononcer. Or, quand on ne nomme pas les choses, on n’ouvre pas la voie à une réelle égalité des chances. » (Aïda de Faria, AXA, participante aux groupes de travail VOILAT) . « Bien sûr, les gays sont également discriminés, mais l’accès au pouvoir s’appuie sur le fait d’avoir été élevés comme des garçons. » (Étude qualitative VOILAT). « Les hommes ont été éduqués sans avoir honte de parler, de s’afficher et d’assumer leur existence pleine et entière alors que les femmes sont élevées pour rester modestes et discrètes. Les réflexes quant à la visibilité sont donc plus ancrés chez les hommes que chez les femmes. » « Dans notre collectivité territoriale, le top management est largement féminisé, mais il n’y a pas de lesbiennes visibles, alors que de nombreux gays sont visibles. Ce n’est pas parce que le top management est féminisé qu’il n’y a pas de sexisme et encore moins de lesbophobie. » (Émeline Renard, Ville de Paris) .

« À quel moment, est-ce un atout d’être lesbienne dans nos vies professionnelles ? Alors qu’être un homme gay, c’est vu comme super dans le monde de la mode, de la culture. Être lesbienne, c’est plutôt une source de discrédit, Il n’y a aucune image positive de la lesbienne. » (Participante aux groupes de travail VOILAT) . 1.3 La lesbophobie au travail : ce que l’enquête VOILAT nous apprend Une expérience de lesbophobie majoritaire Elle met en lumière le fait que 53 % des femmes lesbiennes et bisexuelles ont subi au moins une agression ou une discrimination dans leur environnement professionnel, un pourcentage bien supérieur au pourcentage de la population LGBT+ globale 19 . Ces agressions ou discriminations sont encore plus fortement présentes dans les secteurs masculini- sés : 57 % ; et chez les ouvrières : 59 %. Ces résultats sont à rapprocher d’une enquête en ligne menée en Allemagne 20 . Les femmes lesbiennes interrogées font état de discriminations sexistes et lesbophobes au travail. La majorité d’entre elles ont entendu des propos sexistes et/ou lesbophobes. Un tiers considère avoir été discriminée en matière de promotion et un cinquième avoir été désavantagée en termes de rémunération.

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Chapitre 1

Le guide d’inclusion des femmes lesbiennes au travail

Bingo des stéréotypes sur les femmes lesbiennes au travail (par Sarah Jean-Jacques, chercheuse en sociologie et en géographie sociale)

À partir des témoignages reçus par L’Observatoire de la Lesbophobie, il est possible de dresser une typologie des 5 stéréotypes les plus fréquents sur les lesbiennes au travail :

2

1

Les lesbiennes le sont parce qu’elles n’ont pas trouvé « le bon » : il leur suffirait de rencontrer un homme qui les ferait changer d’avis (d’un point de vue sexuel)

Les lesbiennes ont toujours une apparence très (trop) masculine

3

Les lesbiennes sont forcément « moches » :

4

Les lesbiennes n’ont pas de sexualité à part entière : la référence au « pénis » est très fréquente

c’est-à-dire non désirables par les hommes et ceci expliquerait qu’elles se tournent vers les femmes

pour leur rappeler qu’il leur manque quelque chose de fondamental dans leur vie

5

Les lesbiennes sont toujours réduites à leur sexualité

Et pour les femmes bisexuelles ? • la bisexualité ne serait qu’une orientation de transition ;

• les bisexuel·les seraient des homosexuel·les qui ne s’assument pas ; • les bisexuel·les seraient incapables de choisir… et donc de décider.

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Chapitre 1

Des impacts lourds sur la carrière et la santé des femmes Ces agressions et discriminations ont un impact lourd sur la carrière et sur la santé des femmes concernées, au point que : • 34 % d’entre elles ont quitté l’organisation concernée ; • 45 % d’entre elles ont eu des pensées suicidaires.

amènent les lesbiennes à s’invisibiliser. De plus, le mot « lesbienne » est toujours stigmatisant : dès lors, se dire lesbienne ne relève pas d’un acte anodin. Le coût de la visibilité lesbienne est trop important, c’est la raison pour laquelle il n’y a pas de rôles modèles en milieu de travail » . « Classiquement, le mépris des autres entraîne le mépris de soi-même. L’autocensure empêche de s’épanouir pleinement au travail et par conséquent d’évoluer dans la hiérarchie. Exemple vécu : propos tenus par une cadre intermédiaire parce que la cheffe de service est ouvertement lesbienne : “ de toute façon dans ce service pour être promu, il faut être homo ”. De ce fait, dégoût total de la cheffe de service lesbienne d’encadrer des équipes et donc d’évoluer professionnellement. » (Participante aux groupes de travail VOILAT). « Pour une femme racisée, lesbienne, les stéréotypes sont une charge très lourde. » (Participante aux groupes de travail VOILAT).

Les 5 freins qui font obstacle à la visibilité des lesbiennes

Les entretiens qualitatifs de l’étude VOILAT ont quant à eux permis de mettre en évidence les cinq freins qui font obstacle à la visibilité des lesbiennes : • le sexisme et les inégalités femmes/hommes ; • la présomption d’hétérosexualité ; • l’image très négative de la lesbienne et les stéréotypes qui y sont associés ; • la crainte de discriminations, voire de harcèlement ; • l’auto-censure typiquement féminine. Des résultats qui recoupent les analyses de la chercheuse Sarah Jean-Jacques . « Les stéréotypes qui visent les lesbiennes sont encore tenaces et ternissent énormément leurs représentations dans la sphère professionnelle et plus largement dans la société. Ces préjugés ainsi que le risque de violences et de discriminations ou tout simplement une ambiance de travail hostile

Illustrations @annawandagogusey

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Chapitre 1

Le guide d’inclusion des femmes lesbiennes au travail

9 dates clés pour visibiliser la lesbophobie

Dans le cadre du programme DELEDIOS financé par le Fonds Social Européen (FSE), L’Autre Cercle publie deux enquêtes ; « Hétérosexisme et lesbophobie » , et avec Arborus « Passerelles entre sexisme et homophobie 21 » .

2007

2008

SOS homophobie publie sa première « Enquête sur la lesbophobie » .

 La Coordination lesbienne en France propose de qualifier de « lesbophobie » l’homophobie à l’égard des femmes.

L’Autre Cercle publie « La double discrimination femme et homosexuelle au travail 22 » et montre que sexisme et lesbophobie vont de pair : plus il y a de sexisme, plus il y a d’homophobie, et vice versa.

1998

2009

Pourquoi donc ? D’abord parce que l’inclusion des personnes LGBT+ au travail est un sujet que les organisations de culture française abordent de manière récente, une dizaine d’années tout au plus, pour les plus matures. Ensuite, parce qu’il faut encore convaincre de leur légitimité et de leur pertinence ; enfin, parce qu’il leur paraît bien difficile dans ce contexte de s’adresser de manière spécifique à chaque lettre de l’acronyme et de surcroît à une population de femmes qui s’invisibilise. Mais qu’en est-il des réseaux LGBT+ et des réseaux égalité femmes/hommes ou mixité, censés être aux avant-postes de cette dynamique au sein des organisations ?

1.4 L’inclusion des femmes lesbiennes, un angle mort des politiques de diversité, d’inclusion et d’égalité femmes/hommes ?

Comme nous venons de le voir, l’inclusion des femmes lesbiennes et bisexuelles est un enjeu à la croisée de ceux de la diversité, de l’inclusion et de l’égalité femmes/hommes. Or, cette articulation n’a pas été pensée jusque-là par les responsables de ressources humaines, en charge de mettre en musique ces politiques.

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Chapitre 1

2015

SOS Homophobie publie une « Enquête nationale sur la visibilité des lesbiennes et la lesbophobie » et montre que 60 % des femmes interrogées ont vécu un acte lesbophobe en couple dans les espaces publics. Le terme « lesbophobie » entre dans le dictionnaire français.

2022

L’Observatoire de la Lesbophobie est créé. L’Autre Cercle publie VOILAT , « Visibilité Ou Invisibilité des Lesbiennes Au Travail », la première grande enquête nationale qui dresse un état des lieux de la visibilité et de la lesbophobie au travail.

« Paye ta Gouine » publie des centaines de témoignages de lesbophobie sur les réseaux sociaux.

2018

À la question : « Êtes-vous en lien avec le réseau égalité femmes/hommes ou mixité en interne ? » , les réponses sont également timorées pour la majorité, oscillant entre le « pas suffisamment » et le « nous y songeons ». Il faut dire que ces réseaux se sont historiquement structurés autour des enjeux d’inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes et de sexisme au travail dans une perspective très hétéronormée. « Il y a dans ces réseaux égalité femmes/hommes ou mixité, une grande frilosité à aborder les questions d’orientation sexuelle car on considère qu’elles n’ont rien à faire au travail » , analyse Catherine Tripon, la porte-parole nationale de

Nous avons pris le pouls de plus de 10 réseaux LGBT+ créés dans de grandes entreprises, parmi les plus avancées sur ces sujets. À la question : « Avez-vous engagé des actions spécifiques en direction des femmes lesbiennes ? » , la majorité répondent par la négative. Voici quelques raisons évoquées : « Nous ne sommes pas à l’aise pour traiter le problème, mais souhaiterions le faire ». « Nous avons tenté de faire émerger des rôles modèles lesbiennes ou bissexuelles, mais aucune n’a souhaité s’exprimer ». « Il est déjà difficile de parler des sujets LGBT+ dans l’entreprise pour le moment, donc les communications ou les actions sont pour le bénéfice de tous, pas seulement des femmes ».

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L’Autre Cercle qui ajoute : « Ce qui est également la posture de certaines associations qui agissent sur le champ de l’égalité professionnelle » . Une analyse confirmée par l’un de nos répondants : « Le réseau mixité de notre entreprise aborde le sujet de l’invisibilité des femmes lesbiennes et bisexuelles parmi ses propres membres pour sensibiliser et lutter en son sein contre les discriminations LGBT+, à commencer par les idées reçues habituelles que la sexualité est d’ordre privé, ou que c’est un choix » .

Ce qui vient compléter l’image de réseaux finalement très normés et peu représentatifs de la diversité de la société. Conscients de leurs limites, certains réseaux mixité ont cependant opéré leur mue et engagent un dialogue fécond sur les questions de diversité au travail, tel le réseau Mix’in d’AXA. Nous le verrons dans le chapitre 2.

1. VOILAT, Visibilité Ou Invisibilité des Lesbiennes Au Travail, est une étude publiée par L’Autre Cercle en 2022. Elle est composée de deux volets : une enquête quantitative, menée par L’Ifop, auprès d’un échantillon de 1 402 femmes lesbiennes ou bisexuelles exerçant une activité professionnelle ; une enquête qualitative menée par L’Autre Cercle auprès de 88 femmes lesbiennes. Pour consulter l’étude VOILAT : https://mailchi.mp/autrecercle/voilat 2. Dans cet ouvrage le terme « lesbienne » est privilégié. Il inclut également les femmes bisexuelles en couple avec une femme, et il désigne aussi bien des femmes cisgenres ou transgenres se déclarant lesbiennes. 3. Enquête sur la visibilité des lesbiennes et la lesbophobie, SOS homophobie, 2015. 4. https://rolesmodeleslgbt.fr 5. La gestion d’une identité « hors norme » dans la sphère professionnelle : l’exemple de l’homosexualité, thèse de doctorat soutenue en 2017 à l’université Paris-Sorbonne Cité. 6. https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr 7. Source : IFOP-Fondation Jean-Jaurès, 2019. 8. VOILAT Visibilité Ou Invisibilité des Lesbiennes Au Travail, est une étude publiée par L’Autre Cercle en 2022. Pour plus de détails, voir Chapitre 3, page 46. 9. Source : INSEE, 2020. 10. Ministère du Travail, calculs de l’Observatoire des inégalités, 2019. 11. Source Insee, Enquête emploi 2014 et retraitement Dares 2014. 12. Source : Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes, Rapport 10 ans de la loi COPE-ZIMMERMANN, 2011-2021 », 2021.

13. DRESS, 2018. 14. Stéphanie Arc, Philippe Vellozzo, « Rendre visible la lesbophobie », Nouvelles questions féministes, Vol. 31, n°1, 2012. 15. Hétérosexisme et lesbophobie. Invisibilité, visibilité des lesbiennes, actes de Colloque, Coordination Lesbienne en France, 2007. 16. Stratégies des travailleuses lesbiennes face à la discrimination, Contrer l’hétéronormativité des milieux de travail, Line Chamberland et Christelle Lebreton avec la collaboration de Michaël Bernier, Institut de recherches et d’études féministes, Université du Québec à Montréal, 2012. 17. https://www.observatoiredelalesbophobie.org 18. VOILAT, Visibilité Ou Invisibilité des Lesbiennes Au Travail, est une étude publiée par L’Autre Cercle en 2022. Pour plus de détails, voir Chapitre 3, page 46. 19. Baromètre LGBT+ 2022, L’Autre Cercle Ifop 2022. https://mailchi. mp/autrecercle/barometrelgbt 20. « The L-Word in business, eine studie zur situation lesbischer Frauen in der arbeitswelt », Prout at work. Voir Chapitre 3, page 46. 21. Passerelles entre sexisme et homophobie, DELEDIOS L’Autre Cercle. https://www.autrecercle.org/page/deledios-etude-arborus-autre- cercle 22. La double discrimination femme et homosexuelle au travail, L’Autre Cercle. https://www.autrecercle.org/sites/default/files/ ddfemmehomo2011-bd.pdf

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2/3 des femmes lesbiennes ou bisexuelles sont invisibles auprès de leurs collègues et de leurs supérieur·es hiérarchiques. Le sexisme et l’hétérocentrisme sont le ferment de la lesbophobie et restent très présents l’un et l’autre dans les organisations. La lutte contre la lesbophobie reste un angle mort des politiques de diversité, d’inclusion et d’égalité entre les femmes et les hommes.

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Illustrations @annawandagogusey

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Chapitre 2 Agir - Ou comment favoriser la visibilité et l’inclusion des femmes lesbiennes au travail « Le coût de la visibilité lesbienne est encore bien trop élevé pour que des femmes prennent le risque de l’assumer », constate la chercheuse en sociologie et en géographie sociale Sarah Jean-Jacques. Mais alors, comment faire pour sortir de cette impasse ? Ce chapitre se propose de vous accompagner dans la mise en place d’une politique inclusive vis-à-vis des femmes lesbiennes, en trois étapes clés. Et, bonne nouvelle, de nombreuses actions sur lesquelles vous appuyer préexistent. Il suffit juste de changer de regard, de « chausser des lunettes femmes lesbiennes » pour adapter votre politique inclusive. Ce qui est essentiel, c’est que la direction de l’organisation, les ressources humaines et le collectif de travail en soient conscients, chacun et chacune jouant un rôle distinct dans une partition collective. 2.1 Poser les fondamentaux Faire les premiers pas d’une politique inclusive vis-à-vis des femmes lesbiennes consiste à poser des fondations, un cadre au sein duquel une dynamique pourra se déployer. Ces premiers pas mobilisent les différent·es actrices et acteurs précédemment cité·es. Nommer et visibiliser les femmes lesbiennes : le rôle clé des instances dirigeantes Quelles personnes, au sein des instances dirigeantes, pensent à utiliser le terme « lesbienne », dont on a vu précédemment qu’il est souvent sexualisé et stigmatisant ? Bien peu. Or, pour visibiliser les femmes lesbiennes, il faut prononcer le mot ; pour

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« Mais il faut aussi déculpabiliser les organisations, à partir du moment où leur démarche est sincère, où elles montrent une conviction de départ, c’est OK. Personne n’est parfait », tempère Aurélie Feld. Quand des cadres dirigeantes lesbiennes se visibilisent auprès de leurs pairs, démarche tout à fait récente et encore rarissime dans des organisations de culture française, elles posent le sujet sur la table, sensibilisent le top management et créent un incroyable appel d’air. Trois dirigeantes, Aurélie Feld, chez LHH, Corinne Calendini, chez AXA et Aliette Mousnier-Lompré, chez Orange, ont fait ce choix, pleinement conscientes de la dynamique créée par ce coming out au plus haut niveau. « C’est un acte politique que de prendre la parole comme je l’ai fait. Et il y a un avant et un après, en termes de droit d’être soi-même au travail, c’est ce qu’on m’a dit », constate Corinne Calendini, dirigeante au sein d’AXA . « Un coming out de dirigeante fait avancer de 10 000 pas l’inclusion des femmes lesbiennes », confirme Catherine Tripon, porte-parole nationale de L’Autre Cercle. Nous reviendrons plus loin sur le rôle clé que jouent ces figures d’inspiration et d’identification possibles, ces rôles modèles, dans le développement d’une politique inclusive. Affirmer une politique de tolérance zéro : le rôle clé des instances dirigeantes Affirmer haut et fort que l’entreprise ou l’organisation publique pose une ligne rouge, celle de ses valeurs et du respect de la loi – la

désamorcer la charge très négative de ce terme, il faut l’utiliser. Et cette mission incombe à la direction de l’organisation. Dire le mot « lesbiennes », c’est les sortir du néant ou du placard et se dégager d’une vision hétérosexiste 1* des environnements de travail. Affirmer son soutien à cette forme de diversité, c’est une action inclusive et cela pose le cadre d’une politique de lutte contre les discriminations sexistes, lesbophobes et biphobes. C’est aussi une manière d’investir dans la prévention et de minimiser le risque de sanctions pénales ou civiles qui viendraient ternir l’image de l’employeur. « Il y a des faits générateurs, des remontées de terrain qui font réagir les directions. Cela semble être une évidence sur de nombreux critères de diversité, mais ça l’est moins sur celui-ci puisque les signaux sont faibles, voire inexistants », (Participante aux groupes de travail VOILAT) . Nous vous proposons de prendre les devants, d’affirmer une conviction en lançant des actions visibles et concrètes. « Les organisations ne peuvent plus faire l’impasse sur les questions de diversité car les jeunes sont moins prêts à leur pardonner d’être très mauvaises sur ce point et les démarches peu sincères sont vite mises au jour et dénoncées », constate Aurélie Feld, Présidente de LHH France, filiale du groupe Adecco . Ainsi, mener des actions en faveur de la lutte contre le sexisme et la lesbophobie vous permettra de créer les conditions d’une Marque Employeur attractive et solide auprès de l’ensemble des générations.

* Notes à retrouver en fin de chapitre

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Un travail de fond, certes, qui peut se mener à plusieurs niveaux : • donner accès à de l’information et rappeler notamment le cadre juridique, les risques encourus et les valeurs de l’organisation ; • sensibiliser les nouveaux arrivants à la diversité (et pourquoi ne pas inviter des associations spécialistes du sujet à prendre la parole, comme le font déjà plusieurs signataires de la Charte d’Engagement LGBT+ de L’Autre Cercle) ; • former les managers de proximité aux enjeux de l’inclusion des personnes LGBT+ et, dans ce cadre, nommer la diversité lesbienne, la lesbophobie, la biphobie et leurs spécificités ; • proposer des formations sur les stéréotypes et les biais inconscients accessibles à tout le monde. « On a tous des biais, mais si on les conscientise, on peut travailler dessus. Je pars de l’idée que l’être humain est bon, mais qu’il agit souvent par ignorance », avance Aurélie Feld, Présidente de LHH France ; • mesurer l’impact de ces politiques. Créer un environnement de travail inclusif : le rôle clé des managers… L’une des missions d’un·e manager consiste à développer les talents et à garantir la qualité de vie au travail, tout en faisant vivre les valeurs de l’organisation. Dans cette perspective, ses responsabilités sont les suivantes : • se montrer exemplaire en adoptant une attitude ouverte à toutes les diversités et se défaire

France est dotée d’un arsenal complet de textes pour lutter contre les agissements sexistes et LGBTphobes – et qu’elle n’hésitera pas à réagir à chaque propos – situation ou agissement lesbophobe et sexiste – sans aucune tolérance, allant jusqu’à la sanction si besoin, constitue l’autre engagement clé des instances dirigeantes. Ce que Kaidia Bouhet, d’Accenture , résume ainsi : « Zéro tolérance exprimée, partagée par le Comex, relayée par la communication, observable dans les faits, avec un enjeu singulier : celui de pratiquer également cette ligne de conduite chez nos client·es. Chaque situation de discrimination, que ce soit en interne ou chez le client, est prise en compte et traitée de façon unique pour préserver les employé·es et maintenir un environnement de travail inclusif. » Sensibiliser le collectif de travail tout entier et former les managers de proximité : le rôle clé des ressources humaines Dès lors que les instances dirigeantes se sont engagées authentiquement en affirmant leur soutien, dès lors qu’elles ont défini l’inacceptable et proposé de s’engager dans une démarche plus inclusive, il revient à la Direction des Ressources Humaines de poser les fondamentaux : sensibiliser et communiquer auprès de toutes et tous et former les managers de proximité, ce qui favorisera l’émergence d’allié·es 2 , c’est-à-dire de personnes engagées en faveur de l’inclusion des personnes LGBT+, qu’elles s’identifient elles- mêmes comme telles ou pas.

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