03-2018 F

A M S g l o b a l M l l

SERVE AND MULTIPLY 3/2018

Des Formations qui changent les vies

Pris sur le vif

Un désir de changement

sommaire

Kumara, un jeune cingalais de 25 ans du sud du Sri Lanka est arrivé au CCS en mai 2017 pour suivre une formation de maçon. Il s’était engagé dans l’armée peu avant la fin de la guerre parce qu’il ne savait pas quoi faire d’autre de sa vie et a servi sous les drapeaux près de cinq ans avant de quitter l’armée. Kumara a depuis lors donné sa vie à Jésus Christ, ce qui se voit dans son quotidien. A cause de son passé mili- taire, ses débuts ont été une succession de mises au défi et de provocations, surtout par nos apprentis tamouls. Malgré cela il est resté joyeux et poli envers tout le mon- de, toujours prêt à aider. Sa joie et sa paix intérieure m’ont fréquemment impressionnée ! Kumara n’a jamais pu vraiment profiter d’une formation scolaire quand il était enfant. Il a vécu la première leçon de math de sa vie au CCS. Ce n’est pas facile pour lui, à 25 ans, de devoir repasser par le B-A BA, mais c’est motivant de voir de quelle façon il se développe sur le plan sco- laire et ne cesse de s’améliorer. Il aimerait augmenter ses connaissances et assimile tout ce qu’il entend. Tout cela n’est-il qu’une illusion ? Le comportement de nos apprentis de 2ème année se distancie fortement de celui de Kumara et ne cesse de nous irriter. Ils restent souvent assis dans la salle de clas- se, sans réaction, semblant ne s’intéresser à rien de ce que nous leur apportons. Sven et Ruedi qui donnent les leçons sont souvent assez frustrés. Pourquoi cette différence ? Qu’est-ce qui explique cet- te démotivation ? Le Sri Lanka est très marqué par le bouddhisme. Cette religion table sur le fait que tout dans la vie n’est qu’illusion, de l’être entier jusqu’à la vie et l’existence. Cette approche est profondément ancrée dans la culture. Si l’on grandit dans un tel contexte il est logique que la motivation à apprendre ne soit pas très grande. C’est pour cela que nous prions et espérons que Jésus transforme le cœur de nos jeunes et qu’ils acquiè- rent une nouvelle façon de penser leur vie, basée sur la Bible. Nous prions que Christ leur donne de discerner l’opportunité qu’une formation solide leur offre, que leurs vies soient transformées de manière durable et qu’ils disposent d’un vrai fondement pour leur avenir.

Irene KÖRNER, collaboratrice CCS Sri Lanka

2

ÉD I TOR I A L

Sans instruction, où en serions-nous ? Aimiez-vous aller à l’école ? Pour moi, elle faisait simple- ment partie de la vie – il fallait y aller. Je n’ai appris à vraiment apprécier mon éducation qu’après l’école, du- rant mes études, quand je gagnais ma vie grâce à divers jobs d’été ou à temps partiel. C’est à ce moment que j’ai éprouvé une vraie reconnaissance de pouvoir choisir mon futur métier et travailler ensuite dans ce domaine. Avec le recul, je comprends maintenant la grande valeur dema formation scolaire. Comment pourrais-je gérer ma vie quotidienne si je n’avais jamais appris à lire ? Com- ment garder le contrôle de mes finances si personne ne m’avait appris à manipuler les nombres ? Comment me défendre et défendre autrui sans connaître le droit applicable ? Comment pourrais-je apprendre quelque chose aux autres et les soutenir, si je n’avais jamais reçu moi-même des encouragements ? Finalement, combien l’éducation est importante pour tout notre pays ! A qui pourrions-nous nous adresser en cas de maladie grave, s’il n’y avait pas de bons médecins ? Que faire de la voi- ture si personne ne savait la réparer ? Que deviendrions- nous sans nos paysans qui savent exactement comment gérer les caprices de la météo pour faire pousser assez de légumes et de céréales ? Qui nous aiderait face aux questions sur la foi et la Bible si personne ne les avait jamais étudiées à fond ? A quoi ressemblerait notre pays si personne ne connaissait les lois et ne s’engageait pour qu’elles soient appliquées ? Sans instruction, pas de progrès EnOccident, une bonne formation et un système scolaire performant vont de soi, et la fréquentation de l’école est même obligatoire pour tous les enfants. Dans nos pays d’engagement, une bonne formation élémentaire, professionnelle et de perfectionnement représente un privilège réservé à un petit nombre, ce qui affecte toute la société. Sans une bonne instruction, sans la multipli- cation du savoir, les progrès sont à peine possibles dans les soins de santé, l’agriculture, l’économie, la politique, le secteur éducatif. Demande pressante de soutien Une collaboratrice court terme racontait récemment dans son blog que des enfants du voisinage la suppli- aient de leur donner des leçons de soutien. Cela m’a profondément émue. L’instruction est utile et souhaitée. Transmettons notre savoir-faire car il changera des vies. Elle est importante pour le pays entier

Sarah BRÜHWILER, communication

Notre « hérisson » : des formations qui changent les vies

Il y a beaucoup de besoins, beau- coup de détresses dans le monde. Par manque de ressources, SAM global ne peut malheureusement pas répondre à tout. Pour ne pas rester paralysés, pour pouvoir faire la différence dans certains domaines, nous devons identifier notre hérisson. Notre quoi ? Après de longues recherches, l’économiste Jim Collins a conclu qu’il est décisif pour toute entrepri- se de savoir dans quel domaine elle est vraiment bonne, quelle est sa passion et de s’y adonner en priori- té. C’est ce qu’il appelle le « principe du hérisson ». Un hérisson sait exac- tement en quoi il excelle : s’enrouler face au danger et faire sortir ses piquants. Il se concentre donc sur cette défense, qu’il maîtrise parfai- tement. En quoi cela concerne-t-il SAM glo- bal, quelles sont nos compétences, quelle est notre passion ? Nous y avons réfléchi en équipe et sommes arrivés à la conclusion que notre hérisson, c’est « des formations qui changent les vies » ! Que voulons-nous dire par là ? Depuis longtemps, nous tenons beaucoup à former sur place des personnes dans divers domaines et à différents niveaux, car nous sommes convaincus que c’est la meilleure fa- çon de favoriser le développement de nos pays d’engagement. Ce fai- sant, nous ne cherchons pas à trans- mettre un maximum d’informations, mais à former et influencer les per- sonnes pour que leur vie et leur environnement changent positive- ment, de manière globale et à long

terme. Cela implique de transmettre du savoir-faire, des valeurs et la Bon- ne Nouvelle de la réconciliation. Il faut que les habitants des pays con- cernés soient bien formés pour trou- ver un vrai travail et échapper à la pauvreté. Ils doivent connaître leurs droits et leurs devoirs pour assumer vraiment des responsabilités chez eux, pour eux-mêmes, leur famille et la société. En outre, toute nation a besoin de spécialistes bien formés pour progresser en médecine, dans l’agriculture, dans le secteur éduca- tif ou au niveau du gouvernement. Nous voyons l’importance de l’instruction à tous les niveaux : nous nous investissons dans des jardins d’enfants, des écoles pri- maires et secondaires, visitons les parents d’élèves pour influencer positivement les familles et nous engageons dans la formation et le perfectionnement des enseignants. Nous offrons des formations profes- sionnelles duales combinant théorie et pratique, pour les adolescents et les jeunes adultes. Nous formons des spécialistes de différents domai- nes et les accompagnons dans leur travail quotidien. Pour la formation théologique, nous tenons à montrer comment comprendre le message biblique dans son contexte pour qu’il change positivement la vie, et à motiver les étudiants et les pasteurs à le transmettre de cette même manière. Dans les pays connaissant un processus de remise des projets entre les mains des locaux, nous encourageons le développement de l’organisation et les capacités personnelles des collaborateurs. La formation doit aussi permettre aux projets de continuer sans notre di- rection et notre présence sur place.

Tout projet que nous pouvons trans- mettre libère des ressources et nos collaborateurs peuvent empoigner de nouvelles tâches et former d’autres personnes. Quel rapport ces choses ont-elles avec Serve And Multiply, la signification de SAM ? Nous voulons servir (serve) les per- sonnes en les encourageant, les formant et les perfectionnant. Elles doivent devenir capables de mettre en pratique ce qu’elles ont appris et d’assumer elles-mêmes des respon- sabilités. Dans la mesure où elles comprennent une chose globale- ment et la considèrent comme im- portante, elles pourront et voudront aussi la transmettre à d’autres (mul- tiply). Tel est notre but – nous vou- lons investir dans les êtres humains pour qu’ils deviennent des multipli- cateurs dans tous les domaines, sur tous les plans et à tous les niveaux. Rencontrer des personnes que j’ai formées bien des années aupara- vant, des évangélistes de Guinée ou des étudiants en théologie de Suis- se et les voir transmettre à d’autres ce qu’elles ont appris, c’est à chaque fois un moment extraordinaire.

Jürg PFISTER, directeur de SAM global

4

4

« La formation est une des clés du développement »

Daniel Neuhaus vit en Afrique de- puis plus de 20 ans. Il travaille pour l’association internationale des écoles chrétiennes ACSI (Association of Chris- tian Schools International). Nous lui avons demandé pourquoi la forma- tion est si importante, ce qu’est une bonne formation et comment les va- leurs chrétiennes se reflètent dans la formation. Daniel Neuhaus, depuis quelques an- nées, le travail de développement met un accent particulier sur la formation. Pour- quoi ? La formation est intimement liée à la di- gnité humaine, car elle peut faire sortir celui qui la reçoit des ténèbres. Une per- sonne bien formée peut devenir une pier- re angulaire pour la société. C’est donc un facteur clé pour le développement des pays et le bien-être des populations. Pourquoi la formation est-elle si souvent déficiente dans les pays en voie de déve- loppement ? Les gouvernements sont souvent tota- lement dépassés par les besoins et le nombre d’enfants à scolariser. Récem- ment, un représentant politique ivoirien a déclaré que dans un certain quartier populaire d’Abidjan, près de 526 en- fants naissaient chaque jour. Cela signi- fie que les écoles devraient être agran- dies en conséquence. La pédagogie est un autre problème : les enfants ne font qu’apprendre par cœur, ils ne sont pas poussés à comprendre et savoir appli- quer leurs connaissances. Quelles compétences devraient être particulièrement encouragées par l’édu- cation ? Chaque enfant devrait recevoir une édu- cation de base, puis être orienté et formé selon ses compétences propres. Le but de la formation scolaire ne devrait pas seulement être de recevoir un diplôme, mais surtout de gagner en connaissan- ces pratiques et en compétences de vie. La politique de l’éducation en général doit être axée sur le développement socio-économique et culturel de chaque

pays, car les exigences de qualification des futurs employés sont différentes d’un lieu à l’autre. Par exemple un pays comme le Gabon, qui vit essentielle- ment de la production pétrolière et qui importe presque toute sa nourriture, de- vrait développer les filières agricoles et d’élevage, ainsi que la pêche et les mines et donc former des spécialistes dans ce but. De plus, selon moi, la spiritualité fait partie intégrante d’une véritable édu- cation scolaire. Quand des personnes apprennent dès l’enfance qu’elles ont un Père créateur qui les aime, elles peu- vent apprendre à le connaître et décou- vrir son plan pour leur vie. Selon Josué 1.8, je suis convaincu que Dieu veut bénir ses enfants dans leur mission et leur profession, qu’ils deviennent chefs d’entreprise, agriculteurs, artisans ou commerçants, ou qu’ils travaillent dans le cadre de l’Eglise. Dans quels domaines y a-t-il un besoin particulier de rattrapage ? Dans la création d’écoles techniques et professionnelles, qui offrent des com- pétences pratiques et techniques et ouvrent des débouchés professionnels. Les quelques-unes qui existent actuelle- ment manquent de personnel formé et d’infrastructures adéquates. De jeunes adultes bien formés pourraient apporter une contribution majeure aux pays du Sud. Où et en quoi avons-nous encore besoin du soutien de l’Occident dans le domai- ne de l’éducation ? Il faut avant tout former des enseignants qualifiés et construire des écoles, notam- ment dans les zones rurales. Bien sou- vent, les portes sont grand ouvertes, les gouvernements accordant gratuitement des terrains et des autorisations pour un tel travail. Les écoles professionnelles et techniques sont un autre besoin urgent : en Occident, nous disposons de beau- coup de connaissances et d’un système de formation qui pourrait très bien être adapté aux conditions relativement sim- ples des pays du Sud. →

Quelle influence la foi chrétienne a-t-elle sur les élèves ? Notre vision du monde a une influence directe sur notre vie. Si nous croyons que Dieu a créé l’univers et tout ce qu’il contient, nous aurons automatiquement du respect pour cette créa- tion, pour tous les hommes, et une plus grande confiance en la vie. L’identité propre et la moti- vation sont renforcées. Quelle est la principale préoccupation de l’ACSI ? Nous voulons affermir les écoles chrétiennes et donner des formations continues académiques et théologiques aux enseignants et directeurs. Nous voulons les inspirer à transmettre l’amour de Dieu aux autres. Dans ce but, nous organi- sons des séminaires de formation et produi- sons du matériel d’enseignement en plusieurs langues. Nous voulons aider les écoles à être plus efficaces et à faire une différence visible par tous dans les sociétés et les pays.

Pour moi, il est aussi important que la transmis- sion de la Bonne Nouvelle se fasse de manière natu- relle durant la formation, car la Bible n’est pas utile que pour la prédication, mais aussi pour enseigner, pour corriger et pour instruire dans la justice, toutes choses utiles à l’école. L’école et l’Eglise s’influencent l’une l’autre. Jean Calvin a dit : « L’Eglise ne peut pas s’épanouir sans l’école ». Les écoles chrétiennes sont très appréciées en Afrique francophone et dans d’autres régions. Pourquoi ? L’une des raisons que je vois, c’est que les ensei- gnants respectent les écoliers et qu’ils ne sont presque jamais en grève. C’est très différent dans les écoles publiques, donc les parents ont vite fait leur choix. De plus, les résultats sont meilleurs dans les écoles chrétiennes : au Tchad, les écoles publiques ont un taux de réussite au baccalauréat de 15%, alors que les écoles chrétiennes arrivent à 75%. Je suis convaincu d’une chose : quand Dieu est au centre d’une école, il la bénit et cela a des conséquen- ces sur l’atmosphère générale, marquée par la paix, la discipline, la joie, le respect mutuel et la motivation.

Daniel Neuhaus, directeur d’ACSI francophonie

Dans le domaine de la formation de base et conti- nue des enseignants, SAM global travaille avec les réseaux nationaux, qui bénéficient des services de l’ACSI.

Statistiques : Les enfants nés de mères sachant lire ont 50% plus de chances que les autres d’atteindre leurs 5 ans. Dans les pays en voie de développement, chaque année d’éducation en plus fait augmenter le revenu futur de 10%. L’éducation amène la paix : pour chaque année supplémentaire de formation, le risque qu’une per- sonne s’engage dans un conflit violent chute de 20%. Les personnes ayant terminé leur école primaire sont deux fois moins infectées que les autres par le sida. L’éducation aide à réduire les maladies conta- gieuses. Les femmes ayant au moins six ans de formation demandent beaucoup plus souvent de l’aide lors de la grossesse et l’accouchement que les autres. Le risque de décès de la mère ou de l’enfant à la nais- sance est donc nettement moindre. Les femmes éduquées se marient généralement plus tard et ont moins d’enfants. Source : globalpartnership.org

6

FOI ET FORMATION

Nous constatons des niveaux de formation très va- riés. Des personnes d’origine du sud qui ont 60 ans et plus ont un niveau très élevé. Elles ont été formées dans le public juste avant et après l’indépendance (1960). Petit à petit, le niveau des écoles publiques a diminué pour arriver au plus bas au cours des 30 der- nières années. On a voulu se distancer du système des colons en croyant discerner derrière l’école la culture occidentale et le christianisme, même si les écoles pu- bliques sont laïques depuis très longtemps. Aujourd’hui, le niveau de formation d’une personne correspond au niveau social de sa famille. Les écoles pu- bliques offrant un niveau très bas, les parents qui le peu- vent envoient leurs enfants dans le privé. Nous côtoyons quotidiennement des musulmans illettrés dont la vie est très influencée par le fatalisme. Ils font très peu d’efforts pour scolariser leurs enfants : « Ce n’est pas grave si mon enfant ne sait pas lire, Dieu va trouver une solution. » Nous connaissons des enfants de notre villa- ge qui habitent à une centaine de mètres de l’école pu- bliquemais qui n’y sont pas inscrits. Déjà à 12-13 ans nous observons que ces enfants complexés et jaloux n’auront pas une vie facile et ne la rendront pas non plus aux au- tres. Souvent ils s’engagent dans l’armée et sont envoyés au front. Au village, ils n’ont pas beaucoup d’avenir. Les temps changent et les gens se rendent compte qu’avec l’agrandissement des villes et la disparition des terrains cultivables, leurs enfants devront trouver du travail. Or c’est difficile pour les analphabètes.

travail et restent en marge de la société. L’éducation par contre ouvre les portes de tous les domaines pos- sibles. Pour cesmusulmans, elle n’est donc pas premiè- rement liée à l’Occident, donc à la transmission de certaines idées, certains comportements et certaines structures du monde occidental. Pour eux, la qualité de l’enseignement est plus importante que l’aspect religieux. • Dans les écoles chrétiennes, les enseignants aiment leurs élèves : on appelle les parents si un enfant ne se présente pas plusieurs jours de suite. Les enseignants sont attentifs aux difficultés des enfants, visitent les familles. • Les enseignants chrétiens ont un comportement exemplaire, s’abstiennent du tabac et des boissons alcoolisées. • Les écoles privées sont rarement en grève, les ensei- gnants rarement absents. • Comme les enfants apprennent à connaître un point de vue différent de celui de leurs parents, ils gagnent en maturité et ils ont les compétences de discuter, débattre avec leurs parents. Ils acquièrent une autre vision du monde qui leur permet de faire des choix en connaissance de cause. LE CHEMIN EST LONG, MAIS IL EN VAUT LA PEINE Il est intéressant de constater que la plupart des élèves émanant d’une école supérieure chrétienne ont un bon témoignage là où ils sont actifs. La majorité des élèves d’origine musulmane n’ont pas choisi la foi chrétienne, mais leur justice, intégrité et fidélité font qu’ils se démar- quent des autres. Le chemin est long, mais nous sommes convaincus qu’une formation imbibée des principes bibliques contribue au développement positif d’une société.

DES ENFANTS MUSULMANS DANS DES ÉCOLES CHRÉTIENNES

Nous voyons aussi beaucoup de musulmans formés ins- crire leurs enfants dans des écoles privées chrétiennes (pour leur meilleur niveau) s’ils en ont les moyens. Pour eux, la formation prime sur l’aspect religieux. Pourquoi ces parents sont-ils prêts à faire ce compromis ? Une es- quisse de réponse : • Les musulmans ayant reçu une éducation solide sa- vent que la vie est très dure pour ceux qui n’ont aucu- ne formation. Ils n’ont aucune chance de trouver du

Florent NANG-TOUR et Patricia MOSER

Angola Le défi : Le système sanitaire n’est pas bon et il y a un réel manque de connaissances en particulier dans le domaine de l’ophtalmologie (cata- racte), le traitement de la lèpre et la réhabilitation. Notre action : SAM global forme des professionnels en ophtalmo- logie, traitement de la lèpre et ré- habilitation, qui peuvent ensuite transmettre leurs connaissances professionnelles à d’autres.

Guinée Le défi : Beaucoup d’analphabètes, une mauvaise for- mation scolaire, presque aucune formation profession- nelle duale et un taux élevé de chômage des jeunes. Notre action : SAM global forme des éducateurs de la petite enfance pour les écoles maternelles ainsi que des enseignants, gère des écoles privées et des jardins d’enfants et propose sur trois sites une formation duale d’artisans. Nous aidons certains de nos anciens élèves à ouvrir leur propre atelier où ils peuvent former à leur tour de jeunes adultes. Le défi : De nombreuses personnes travaillent dans l’agriculture mais vivent dans une grande pauvreté – étant donné leur manque de connaissances profession- nelles, leurs récoltes sont souvent très petites. Notre action : SAM global forme des animateurs de cours locaux qui vont former à leur tour des paysans pour qu’ils puissent augmenter de manière sensible le volume de leur récolte en utilisant des méthodes de cul- ture plus efficaces et plus durables. Le défi : Il n’y a dans les églises que peu de responsables bien formés et crédibles. Notre action : SAM global forme des responsables dans les domaines du travail parmi les enfants et de la relation d’aide pour couples et les accompagne dans ce travail. Nous formons aussi des étudiants en théologie.

Brésil Le défi : Le taux de criminalité est énorme à Belém – cette ville fait partie des dix agglomérations les plus dangereu- ses au monde. Une raison de cette situation est la grande pauvreté et la mauvaise formation scolaire dans les bidon- villes, qui ôtent aux jeunes toutes perspectives d’avenir. Ils tombent souvent très tôt dans la criminalité.

Voici quelques exemples des défis que nous affrontons dans le domaine de la for Notre action : Des écoles maternelles, des leçons d’appui et des offres pour occuper les temps de loisirs sont pro- posées, pour soutenir les enfants et les jeunes et les en- courager à suivre une formation. Ils ont ainsi une chance, par l’exercice d’un vrai métier, de sortir du cercle vicieux infernal de la pauvreté et de la criminalité. La situation dans nos p

Cameroun Le défi : De nombreux réfugiés et migrants se retrouvent à Maroua, la capitale de la région de l’Extrême-Nord. Là-bas, les possibilités de formation ne sont pas grandes. Notre action : Avec l’église locale UEEC, nous avons ouvert en 2017 une école secondaire qui permet à 470 élèves de rece- voir une bonne formation scolaire. Le défi : De nombreuses filles interrompent l’école vers 10 à 11 ans pour aider au ménage. On les marie aussi souvent très jeunes. Notre action : Nous avons fondé avec l’UEEC une école mé- nagère pour les filles, enseignant entre autres l’art de vivre. C’est ici que 62 jeunes femmes de 15 à 25 ans qui ont dû quitter l’école prématurément reçoivent une deuxième chan- ce. Durant leur formation qui s’étend sur trois ans, elles ap- prennent à lire et à calculer et elles sont formées à tenir un potager, un ménage, coudre, tricoter et utiliser les outils in- formatiques. Le défi : Chaque dimanche les membres de l’UEEC se retrou- vent pour célébrer le culte dans 754 endroits différents, mais l’UEEC ne compte que 125 pasteurs, 308 évangélistes et 114 catéchètes, ce qui ne suffit pas pour s’occuper de toutes ces communautés. Notre action : Nous soutenons trois écoles bibliques qui for- ment des pasteurs. Dès 2018 l’institut théologique de Maroua devrait ouvrir une nouvelle filière de formation préparant au bachelor.

Burkina Faso Le défi : Le peuple peulh est musulman et vit entre au- tres dans l’est du Burkina. La plupart d’entre eux n’ont jamais eu l’opportunité d’entendre la Bonne Nouvelle de Jésus. Notre action : Avec notre église partenaire EE/SIM, nous formons des intervenants sur le terrain dans les domaines théologiques et pratiques et dans un contex- te interculturel, afin qu’ils puissent s’installer quelque part et rendre témoignage de l’amour de Dieu par leur vie et leur travail.

8

Chine Le défi : Bien des personnes du troi- sième âge n’ont jamais pu suivre de formation scolaire et ne savent ni lire ni écrire. Ces aînés prennent souvent chez eux des enfants de pauvres ou- vriers itinérants. Notre action : SAM global propose des programmes d’alphabétisation à ces gens, en collaboration avec un parte- naire chinois. Ils sont 130 à participer régulièrement aux cours. Le défi : Le christianisme se répand très vite en Chine. Les pasteurs sont souvent insuffisamment formés et se sentent fréquemment dépassés par l’ampleur de leur tâche. Notre action : SAM global propose des retraites à ces pasteurs. Dans ce cadre, il leur est possible de se ressourcer, de recevoir de nouvelles impulsions et du soutien.

Tchad Le défi : Au Tchad, six écoliers sur dix quittent déjà l’école au niveau primaire. Moins de quatre garçons et seulement une fille sur cent vont jusqu’au bac. Notre action : SAM global dirige l’école primaire Moustakhbal wa Radja’, qui formera bientôt 270 enfants à la fois. Nous soutenons également l’école pri- maire et secondaire Sénevé, fondée par une église locale et comptant plus de 500 élèves, ainsi que deux classes préscolaires et le foyer d’enfants Bakan Assalam. Le défi : Les parents délèguent souvent à l’école l’éducation des enfants. Beaucoup d’enfants grandissent sans buts ni directives. « Le manque d’orientation et de sens se répand de plus en plus ». Le manque de perspectives et de débouchés est un problème croissant. Notre action : Nous formons des enseignants pour les clubs d’enfants, l’école du dimanche et le travail parmi les jeunes. Ceux-ci transmettent aux enfants des compétences importantes pour leur vie, telles que les aptitudes relation- nelles, les facultés critiques, le sens des responsabilités, l’estime de soi et le choix d’une orientation de vie. Le défi : Les écoles primaires chrétiennes du Tchad portent une grande par- tie de la responsabilité de l’éducation alors que cela devrait être le fait de l’Etat. Malheureusement il manque à ces écoles des enseignants bien for- més. Seul un petit nombre d’entre eux sait comment transmettre les valeurs chrétiennes aux élèves. Notre action : En collaboration avec l’union des écoles chrétiennes du Tchad nous complétons la formation des enseignants. Nous mettons particulière- ment l’accent sur la transmission des valeurs chrétiennes.

ation dans les pays où nous intervenons – et ce que nous faisons pour y répondre : ys d’intervention

Sri Lanka Le défi : Le chômage des jeunes est très éle- vé au Sri Lanka. Les jeunes qui ont une mau- vaise formation scolaire n’ont pratiquement aucune chance de trouver une place de tra- vail. Notre action : Avec l’école professionnelle CCS, SAM global offre à ces jeunes une for- mation dans la construction. Cela leur donne une perspective d’avenir. Le défi : Une bonne formation théologique est un grand besoin au Sri Lanka. Notre action : SAM global apporte une aide financière ainsi que l’intervention de spécia- listes afin que chaque année, 80 personnes reçoivent une formation théologique solide et puissent ensuite faire profiter les autres de leurs connaissances.

Cambodge Le défi : Le système scolaire du Cambodge est fortement marqué par la cor- ruption. Les jeunes des zones rurales qui veulent se former en ville tombent souvent entre de mauvaises mains et sont exploités. Notre action : Avec le projet Lighthouse, SAM global offre à ces jeunes un accès à une bonne école privée ainsi qu’à un logement sûr. Le défi : Beaucoup d’habitants des zones rurales vivent dans une terrible pau- vreté. Un bon nombre d’entre eux sont des paysans. Notre action : Nous mettons des vaches en pension chez ces paysans et leur apprenons comment se consacrer à l’élevage des veaux et gagner ainsi un bon revenu.

La formation Change les vies !

Lighthouse Battambang, Cambodge

Les histoires et récits encourageants qui nous parviennent régulièrement de nos pays d’engagement nous montrent les effets que la formation peut produire. Hua Mei, Chine « Ce que j’ai pu apprendre et exercer lors de cette re- traite a une valeur inestimable. Je vivais dans une profonde obscurité et je souffrais de ma faiblesse. Dieu a donné des réponses précises à mes princi- pales questions. Je sais que ce que j’ai appris doit maintenant faire ses preuves dans mon quotidien et ce sera un travail de longue haleine. Mais comme on nous l’a si souvent rappelé à la retraite : dans son amour, Dieu est avec moi. » Un pasteur de Chine Action VIVRE Sud, Guinée « Je suis un simple ouvrier, j’ai suivi l’école pendant cinq ans seulement. Depuis que les collaborateurs d’ActionVIVRE m’ont appris à soigner les brûlures, les gens en ville posent un autre regard sur moi. Fré- quemment, des personnes au marché s’adressent à moi, elles m’apprécient parce que j’ai pu les aider. Souvent, je reçois des cadeaux pour moi et ma fa- mille : des bananes, des oranges, voire une poule. » L.S., gardien d’une famille de collaborateurs Réhabilitation, Angola « J’ai suivi cette formation parce que je désire être proche des personnes qui souffrent et les aider. Dans mon travail, il est important pour moi de trai- ter les patients exactement selon leurs besoins et, au travers de mes mains, de leur transmettre quelque chose de l’amour de Dieu pour nous. » Fernando Chilpalanga a été formé par Elisa- beth Gafner, collaboratrice de SAM global. Il est aujourd’hui responsable du travail de réhabilitation à Mapunda.

« Par mon emploi à Lighthouse, j’ai pu apprendre sur moi-même bien des choses que je ne connaissais pas auparavant. Je suis maintenant enmesure de me présenter de manière beaucoup plus équilibrée et de prendre mes tâches au sérieux. Grâce au contact quotidien avec les étudiants, j’ai également appris à mieux comprendre mes semblables et à reconnaître leurs besoins. Je désire continuer à me former et met- tre en pratique ce que j’apprends, également à la maison. » Varun, collaboratrice à Lighthouse Action VIVRE Nord, Guinée « Le stage au jardin d’enfants m’a procuré un deuxième pilier, à côté de mon activité de réparation d’appareils électroniques. J’ai découvert combien j’aime travailler avec les enfants et appris à comprendre tou- jours mieux leur monde et leur vie. Par le travail au jardin d’enfants, je peux redonner un peu à la société et laisser des traces. » S.D. est présent depuis le démarrage du jardin d’enfants. Il devenu entre-temps lui-même responsable d’une classe. Pro ESPOIR, Guinée « La formation des pasteurs laïcs me permet d’annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ et de renforcer la foi des chrétiens. Ce que j’ai appris m’est très précieux et j’aime m’en servir dans la vie de tous les jours. Par exemple, je parle de l’amour de Dieu à mes enfants et deux fois par semaine, un groupe de maison se rencontre chez moi. Je fais partie de l’équipe qui dirige les cultes dans notre église et je prêche de temps en temps. J’assiste aussi régulièrement à différentes réunions, comme par exemple pour réviser la traduction de la Bible. La formati- on a ravivé mon amour pour Dieu. Parfois, je me réveille au milieu de la nuit et j’utilise ce temps pour lire la Bible. Dans le silence, Dieum’aide à mieux comprendre sa Parole. Ma personnalité aussi a changé : en cas de problème, je ne me fâche plus, je ne m’énerve plus comme je le faisais avant, mais je reste calme et je cherche la réconciliation. » Joseph Koivogui suit actuellement une formation de pasteur laïc.

10

Œuvre médicale : la pratique plutôt que la théorie

part d’entre eux découvriront le travail médical et l’OM comme vocation pour leur vie ! Hanna, conseillère OM, Cameroun L’OM a été fondée voilà plus de 50 ans par des collabora- teurs interculturels. Elle fonctionne aujourd’hui sous direc- tion camerounaise et fait partie de l’église UEEC. Saran, la fille de la campagne Récemment, j’ai rencontré le père de Saran. Saran a sui- vi longtemps l’école ActionVIVRE. L’année passée, elle est partie vivre chez son frère à Kankan, une grande vil- le au nord-est de la Guinée. Elle a fait la dixième année dans une école privée. Ses nouveaux camarades lui ont prêté peu d’attention et certains se sont moqués d’elle, car elle n’avait pas de téléphone portable ni de jolis ha- bits… elle était une fille de la campagne. D’autre part, il est connu partout que l’enseignement scolaire à la campagne est nettement moins bon qu’en ville. Ainsi, tous étaient convaincus qu’elle ne réussirait de toute façon pas l’année scolaire. Saran était frustrée et a parlé de cette situation à son père. Celui-ci lui a conseillé de se concentrer sur ses études et de mettre de côté pour l’instant tout le reste, y compris les bavardages de ses camarades d’école. Dieu merci : Saran a suivi ce conseil et étudié consciencieusement. Lors du bulletin inter- médiaire, elle était la meilleure de la classe. Tous étaient étonnés. Comment avait-elle réussi cela ? D’où venait donc cette fille ? « C’est l’enseignement à l’école Action- VIVRE qui a posé le fondement de ces résultats formi- dables » me dit le père rayonnant. « Saran a reçu là une bonne formation de base. Ceci l’a aidée non seulement à se raccorder à l’école dans la grande ville, mais même à être première de classe ! » Quand les autres élèves ont de la peine à résoudre les problèmes lors des leçons, ils demandent maintenant de l’aide à Saran, la fille de la campagne. Daniela, ActionVIVRE Nord Changement pour toute la famille Je ne sais pas si Wesley aurait eu la possibilité d’aller au jardin d’enfants ou à l’école maternelle s’il n’y avait pas eu un PePe (programme préscolaire chrétien) dans son bidonville. Mais il y en avait un, et Wesley y allait avec →

Dans l’Œuvre Médicale OM au Cameroun les collabo- rateurs sont certainement la principale ressource. Mais comment trouve-t-on des collaborateurs qualifiés dans un pays à l’enseignement scolaire très théorique où les étudiants ne se rendent pas compte que la ma- tière apprise a quelque chose à voir avec la vie et le travail pratique ? Dans un pays où les étudiants sont apparemment préparés uniquement pour travailler dans l’administration et l’enseignement ? Et où les jeu- nes pensent que seul un emploi auprès de l’Etat serait digne d’intérêt ? Plutôt que d’engager les gens directement après leur éducation si théorique, nous avons développé à l’OM notre propre concept de formation : nous les enga- geons comme stagiaires à leur sortie de l’école et nous les formons durant deux ans en théorie et pratique. Ils font régulièrement des séjours dans les centres de san- té où ils sont accompagnés par des collaborateurs ex- périmentés qui les encouragent àmettre enpratique ce qu’ils ont appris. Ces deux ans offrent aux apprenants la possibilité de découvrir et développer leurs dons et capacités. Ceux qui désirent continuer à travailler dans le secteur de la santé et en sont aptes, reçoivent après le stage un soutien pour une formation agréée par l’Etat, comme infirmier, laborantin, sage-femme ou dans le domaine administratif. Ils s’engagent à travail- ler ensuite dans l’OM. Les personnes entrant en ligne de compte pour un poste à responsabilités suivent encore une année d’école biblique avant la formation professionnelle, afin de recevoir une solide base spiri- tuelle. Avec ce concept, nous avons amassé de très bonnes ex- périences. Moussa H. Satou, par exemple, a commencé chez nous voilà plusieurs années comme stagiaire. Il dirige actuellement l’Œuvre en tant que coordinateur. Damdam Damaris a également d’abord effectué un stage, elle a obtenu l’année passée le diplôme de sage- femme et travaille maintenant à l’OM. Sossay a terminé une formation de laborantin ; son caractère calme et précis fait de lui l’homme idéal pour effectuer les ana- lyses de laboratoire. Depuis juillet 2017, dix nouveaux jeunes effectuent un stage. Nous espérons que la plu-

grand plaisir. Entre quatre et six ans, il y a appris beau- coup de choses importantes. Il a fait la connaissance des chiffres, des couleurs, des formes et de l’alphabet ; il a appris à découper, à colorier et à coller ; il a appris d’importantes notions d’hygiène, qu’il devrait se laver les mains avant les repas et se laver les dents après. Il a appris à se connaître lui-même ainsi que son quartier ; il a beaucoup appris sur toutes sortes de métiers, sur les animaux, l’environnement et l’importance de le pro- téger. Chaque jour, il entendait une histoire biblique ; il a appris à prier, à connaître et à aimer Jésus. Tout ce que Wesley apprenait au PePe, il le racontait à la mai- son dans sa famille. C’est ainsi que ses parents ont pu mieux connaître Jésus. Je me souviens encore de ses yeux radieux lorsqu’il m’a dit un jour : « Tante, ma ma- man appartient maintenant aussi à Jésus ! » En signe de cette appartenance, elle s’est fait baptiser dans l’église responsable du PePe. Ce fut un jour de joie pour toute la famille ! Non seulement l’enthousiasme de Wesley pour Jésus était contagieux, mais également son zèle pour apprendre. C’est ainsi que sa maman Sonja a dé- cidé de retourner à l’école et rattraper son certificat de fin d’études. Nous avons été étonnés de son courage et de sa détermination. D’autre part, elle a apporté son soutien actif dans la construction d’un local destiné au PePe, où ses capacités manuelles ont été bien mises en valeur. Je suis toujours fascinée de voir comment l’investissement dans la vie des enfants peut apporter des changements pour toute la famille ! Debora, ProVIDA, Brésil Telibalo = L’aide qui arrive au bon moment « Je m’appelle Jonas Théa. Après des études de biolo- gie, je suis arrivée dans le projet ProAGRO en 2011. J’y ai reçu une formation en agriculture et j’ai appris des techniques nouvelles, qui ne sont pas encore connues ici, où 80 pourcent de la population vit de l’agriculture. Maintenant, je voyage dans la région dans laquelle j’ai grandi, en tant que chef de cours et conseiller agricole. En tout, ce sont 24 personnes, hommes et femmes, qui travaillent avec ProAGRO. Notre but est d’améliorer la situation alimentaire et économique en Guinée – l’un des pays les plus pauvres du monde, où la précarité alimentaire est un problème important. Pour y arriver, je voyage ici et là afin d’apprendre à des groupes de paysans comment ils peuvent améliorer leur travail et obtenir de meilleurs rendements. Nos méthodes di- minuent drastiquement les coûts de production et la masse de travail. De plus, la fertilité des sols est conser- vée à long terme. Dans ma préfecture, près de la moi- tié des producteurs de riz utilisent déjà les nouvelles méthodes. Les rendements ont passé d’une à quatre tonnes par hectare. Ces améliorations sont très appré- ciées – ProAGRO est appelé ici « Telibalo », ce qui peut

se traduire par « l’aide qui arrive au bon moment pour l’orphelin ». Nous donnons 300 cours par année. En plus de cela, le projet aide à la bonne gestion des produits. Nous initions des banques de céréales où les paysans peuvent stocker tous ensemble une partie de leur ré- colte, la réservant pour des temps plus difficiles. Pro- AGRO comporte encore un autre volet : l’amélioration de la nutrition. La plupart des plats traditionnels con- tiennent très peu de protéines, ce qui entraîne souvent des problèmes de malnutrition chez les enfants. Avec la culture du soja et du moringa ainsi que l’enseignement sur la manière de les cuisiner, ProAGRO veut améliorer la santé et le développement des plus petits. Dans tous ces domaines, nous travaillons en collaboration étroi- te avec l’église de Guinée, qui nous soutient là où elle peut. » Jonas Théa, ProAGRO, Guinée Des effets à long terme Zenaba avait trois mois quand son papa est décédé. Elle a un grand frère et deux grandes sœurs. Zenaba est arrivée à l’âge scolaire quand l’école Pro- RADJA’ a ouvert ses portes. En tant qu’orpheline, elle bénéficie d’une bourse qui lui paie la moitié des frais de scolarité. Sans cette aide, sa maman n’aurait pas pu l’inscrire. A la maison comme à l’école, Zenaba est timide. Person- ne ne peut l’aider dans ses devoirs de français car ses sœurs étudient en arabe. Elle a ainsi dû répéter le CE1. Malgré cela, elle aime beaucoup aller à l’école. L’année dernière, sa maman s’est remariée. Zenaba a eu une demi-sœur qu’elle aime beaucoup. La maman espère que la petite pourra fréquenter la même école. La dot d’Amine, la grande sœur de Zenaba, a déjà été payée. Elle a 14 ans et n’a jamais rencontré son futur mari. Dans 5 ans, Zenaba aura le même âge et nous es- pérons qu’elle pourra terminer sa scolarité avant d’être mariée. Ni elle, ni nous n’avons de l’influence sur cette décision. Au plus tard quand elle aura elle-même une fille ado- lescente, nous sommes confiants que l’ouverture d’esprit acquise lors de sa formation va lui permettre de discuter avec son mari et nous espérons qu’elle aura as- sez d’arguments pour le convaincre d’attendre la fin de la scolarité de leur fille avant de la marier. Patricia, ProRADJA’, Tchad Une vision devient réalité Kissidougou, automne 2013 : dans l’atelier provisoire tout à côté de notre maison, quelques jeunes guinéens, trois femmes et onze hommes, sont assis sur des bancs rudimentaires. Ce sont nos premiers intéressés pour une formation en mécanique. Certains d’entre eux sont

12

étudiants à l’université proche, d’autres sont des universitaires au chômage, quelques-uns des plus jeunes vont encore à l’école et l’un d’eux, Sekou Abel, a déjà terminé un apprentissage de mécanicien sur automobiles à l’école publique des métiers. Pour quelle raison des personnes déjà formées : philosophes, sociologues, ingénieurs électri- ciens, professeurs de chimie, mathémati- ciens, maîtres primaire, ingénieurs du bâtiment et un diplômé de l’école des métiers étatique, désirent-ils faire chez moi un apprentissage en mécanique ? On peut se poser la question. Mal- heureusement, en Guinée les formations sont peu orientées en fonction du marché et encore moins vers la pratique, si bien que ceux qui res- tent sans emploi malgré leur diplôme sont nom- breux. Lors de ce premier matin de formation, je n’enseigne que peu de théorie et nous démar- rons tout de suite avec des travaux pratiques simples sur un générateur. Quelques-uns ont de la peine à bien tenir le marteau malgré les ins- tructions, d’autres serrent les vis si fort qu’elles se brisent, mais l’un d’entre eux sait visser et marte- ler : Sekou Abel. Quelques mois plus tard, nous discutons avec les apprentis de leurs rêves et visions. La plupart espèrent trouver un emploi. L’un d’eux rêve de travailler un jour lui-même comme formateur. Il a d’ailleurs réussi et il est maintenant ensei- gnant dans une école de métiers publique. Deux jeunes hommes rêvent d’avoir leur propre petit atelier comme « filiale » de notre atelier de for- mation. L’un des deux est Sekou Abel. A la fin de sa formation, c’est enfin le moment : nous l’aidons à construire et équiper un petit atelier à Yendé, le village d’origine d’Abel, dis- tant de quarante kilomètres. Son grand désir est d’offrir une perspective aux jeunes adultes en Guinée et de leur transmettre l’amour de Dieu. Il démarre directement avec huit apprentis et, en dépit de grands défis, ils parviennent à rembour- ser les frais de construction, et nous leur offrons l’outillage. Entretemps, un atelier de couture s’y est ajouté et les premiers diplômés formés par Abel ont mis sur pied leurs propres ateliers, sim- ples et petits, avec peu d’infrastructure. Mais le travail est bien fait et ces jeunes gagnent leur propre revenu. Et Abel ? Il suit actuellement une formation com- plémentaire en diagnostic et travaillera ensuite probablement de nouveau à Kissidougou et

Yendé comme spécialiste et formateur. Fredi, ProTIM 2-2-2 Kissidougou, Guinée

Un jour dans la vie de Philippe Toggenburger

Je jette un coup d’œil en passant dans lamenuiserie.Tout sedéroule au mieux ici – Alpha a le travail et les apprentis qui lui ont été con- fiés bien en main. Il a terminé son apprentissage l’année dernière chez nous et nous l’avons ensuite engagé. Ibrahima, notre deuxième contremaître, s’occupe des tra- vaux de maçonnerie. Là aussi, tout se passe bien. J’accompagne donc l’équipe de couvreurs. Le travail dans les combles est un défi au niveau géométrique. Vendredi dernier, nous avons essayé lors du cours théorique de construire un toit en pente modélisé. Pour la plupart des apprentis, cela a été un énorme défi. Leur forma- tion scolaire a malheureusement de grosses lacunes car le système guinéen est bancal dans plusieurs domaines. Tout le monde a du plaisir à tra- vailler. Seul le maître – c’est à dire moi – prie en silence que la té- mérité n’ait pas pour conséquence une chute depuis la charpente ; le souvenir (qui donne à réfléchir) de ma dernière visite à l’hôpital local me pousse à inciter les ap- prentis à être prudents. Le travail en commun et la courte pause de midi donnent l’occasion de bien discuter. Il n’est pas rare qu’une situation m’offre l’opportunité de partager une histoire de ma vie ou de celle des vieux prophètes. Lorsque le travail est terminé, je rentre à la maison. Là je com- mence par une pause d’une heure puis je profite de la soirée avec ma famille. Les enfants ont beaucoup de choses à raconter sur l’école et Sandra a aussi vécu une journée bien remplie avec ses divers pro- jets. Nous sommes bientôt tous fatigués et le silence revient dans notre maison. Dans la tranquilli- té de la nuit, nous pouvons nous reposer et préparer notre esprit à une nouvelle journée.

Encore un peu endormi, je savoure mon petit-déjeuner en famille : de la baguette française et des corn- flakes. Nos trois enfants – d’ailleurs quand sont-ils fatigués, les enfants ?! – sont en train de préparer leurs 10 heures en bavardant joyeusement lorsque je quitte la maison et me dirige rapidement à moto en direc- tion de l’atelier. Là, le travail avec les apprentis commence à 8h précises. Une seule minute de retard néces- site de payer une amende, dont le maître d’apprentissage doit aussi s’acquitter le cas échéant. Il est im- portant pour nous de transmettre à nos apprentis, à côté des branches professionnelles et des compéten- ces pratiques, de bons principes mo- raux. « Travail, Justice, Solidarité », c’est la devise de la Guinée, mais c’est justement ce qui manque dans ce pays. Nous souhaitons profiter du temps avec nos apprentis pour leur transmettre une bonne mo- rale du travail – ponc-tualité, joie à travailler, assiduité, bonne qualité. Nous aimerions les aider à baser leur vie professionnelle et privée sur l’honnêteté, afin qu’ils prennent les bonnes décisions et assument leurs erreurs. Nous aimerions leur donner l’exemple sur la manière de gérer les conflits et leur montrer que les amitiés ne doivent pas forcément se défaire dans les situations difficiles, mais peuvent au contraire grandir. Nous aimerions les aider à être ou devenir de bons fils, maris, pères, et desmembres importants de la socié- té qui imprègnent positivement la génération d’après. Partager le travail et la vie La première chose que nous fai- sons le matin à l’atelier est de cons- tituer les différents groupes pour la journée et de répartir le travail. Aujourd’hui, nous avons besoin de maçons pour un chantier, de cou- vreurs pour un autre, et d’un groupe de menuisiers pour l’atelier. La po- pulation du coin a appris à appré- cier notre travail et nous avons donc toujours bien assez à faire.

Philippe TOGGENBURGER, collaborateur à ActionVIVRE Sud, Guinée

14

Pourquoi la formation duale est-elle si importante ?

La formation est de plus en plus prisée à l’étranger également. Rudolf Strahm, ancien surveillant des prix et défenseur véhément de la formation duale, en a de nombreuses fois exposé les raisons : de nombreux pays connaissent un taux de chômage élevé, no- tamment parmi les jeunes. De plus, ils se retrouvent fréquemment pris au piège de l’académisation : ils ont de nombreux di- plômés universitaires qui ne maîtrisent pas suffisamment la pratique pour pouvoir tra- vailler. A cela s’ajoute le fait qu’en raison du développement technologique, il existe un manque de spécialistes hautement qualifiés, et ceci même aux Etats-Unis. La formation du- ale permet de résoudre une grande partie de ces problèmes. En Guinée, il existe – dans les grandes lignes – deux catégories de personnes : « les personnes qui ont réussi », donc celles qui ont du succès, et « les personnes qui n’ont pas réussi », celles qui échouent. A du succès celui qui a fait des études, même s’il travaille ensuite comme conducteur de moto-taxi. Tous les autres sont ceux qui ont échoué, donc environ 97% de la population gui- néenne, si l’on en croit les chiffres. Rien de très réjouissant… SAM global dirige en Guinée trois projets de for- mation professionnelle afin d’offrir aux jeunes une formation solide et par là-même de meil- leures perspectives pour leur avenir. Les trois projets se basent sur le modèle de la formation duale : un peu de théorie appropriée et beau- coup de pratique et de mise en œuvre de ce qui a été appris. Il est par ailleurs particulièrement important que l’enseignement soit adapté à la culture et que les apprentis soient bien préparés à la réalité du marché sur place. L’apprentissage chez un maître africain dure de 6 à 8 ans En Guinée, il existe une forme d’apprentissage. Le problème est qu’un vrai « maître » africain maintient intentionnellement les apprentis à un niveau très bas et leur donne rarement ou jamais accès à ses « secrets professionnels ». Les avanta- ges pour le maître : la durée de l’apprentissage est de 6 à 8 ans, ce qui lui permet d’avoir du per- sonnel à bas prix, et il ne doit pas craindre que l’apprenti devienne un concurrent à l’issue de sa formation. Souvent, les maîtres eux-mêmes ne sont pas particulièrement bien formés et pas du tout au fait des dernières évolutions techniques. Croître au-delà du maître L’état d’esprit de ces maîtres est l’une des raisons du manque de développement. C’est pourquoi j’insiste toujours dans mes programmes de for- mation sur le fait que c’est ma plus grande fierté lorsqu’un apprenti croît au-delà de moi qui suis un maître d’apprentissage reconnu, et qu’il réus- sit à exécuter un travail de façon plus adroite ou plus compétente que moi. Je leur transmets tout ce que je connais et sais faire – et plus les ap- prentis deviennent bons, plus ils sont motivés à en apprendre davantage encore. Ils se pous-

sent mutuellement, ce qui a pour conséquence une élévation du niveau et de la qualité du travail – ainsi que de la satisfaction du client. Et par effet collaté- ral, les véhicules tiennent plus longtemps le coup grâce aux meilleures répa- rations effectuées. Géométrie de direction ?! Un exemple : un maître de Kissidougou du nom d’Ojé est doué dans la réparation des amortisseurs de notre VW. Mais après une répa- ration, lors de la course d’essai, impossible de gar- der une ligne droite en conduisant : la voiture tire à gauche comme un che- val surexcité. Il refuse tout d’abord de nous accom- pagner dans notre atelier afin d’y procéder avec moi aux réparations et régla- ges nécessaires. Après de longs palabres avec toute la persuasion possible, il accepte finalement de ve- nir avec ses apprentis (qui ne suivent aucune école !). Il ne connaît rien à la géo- métrie de direction, ce qui n’est pas étonnant vu qu’il n’a jamais appris à lire et que son ancien maître en savait très peu lui-même sur ce sujet. Ce manque de connaissance génère de la honte et celle-ci n’a pas sa place dans cette culture. Mais après de nombreuses explications, des exemples pratiques et avec le reste de ma patience, il com- mence à comprendre com- ment on peut dompter le châssis au moyen de ficel- le, d’un fil à plomb et d’un mètre, de sorte que la VW roule maintenant relative- ment droit. A signaler que le ministre guinéen de l’éducation a observé nos efforts avec bienveillance et nous a encouragés à offrir éga- lement une formation de mécanicien sur machines agricoles selon le système dual.

Fredi RAYMANN, ProTIM 2-2-2 Kissidougou

Page 1 Page 2 Page 3 Page 4 Page 5 Page 6 Page 7 Page 8 Page 9 Page 10 Page 11 Page 12 Page 13 Page 14 Page 15 Page 16 Page 17 Page 18 Page 19 Page 20 Page 21 Page 22 Page 23 Page 24

Made with FlippingBook Learn more on our blog