01-2016 F

CHANGE MENT

1 2016

Le SEAU a REMPLACÉ la DOUCHE… Nous nous trouvons actuellement au «Far West» de l’Afrique, en Guinée! Beaucoup de choses sont différentes de ce à quoi nous sommes habitués: nous avons troqué notre «Grüezi» contre un «Bonjour», l’aspirateur contre un balais, la douche contre un seau, et la Migros toujours pareille à elle-même contre un marché en constante trans- formation. Les routes normales ressemblent ici à nos sen- tiers de randonnées suisses et les cultes durent entre deux et quatre heures. Grand écart entre deux siècles Nous vivons ici dans un monde où le soir vers 20h règnent déjà la nuit noire et le silence, car il n’y a pas d’électricité en suffisance pour allumer la lumière et pour poursuivre ses activités, tandis que chacun dispose d’un téléphone portable et d’un accès à Facebook. Un monde qui fait de l’équilibrisme entre le début du 20ème siècle et celui du 21ème. Viande hachée «en bloc» Par la grâce de Dieu, nous arrivons déjà bien à nous dé- brouiller dans ce nouvel univers: nous filtrons avec ap- plication notre eau, faisons nos petits achats dans la rue ou auprès des enfants qui viennent jusque devant notre porte avec leurs marchandises en équilibre sur leur tête. Nous nous sommes également habitués à ce qu’il faille ici en moyenne deux heures pour faire cuire son repas. Parce que les 300 g de viande hachée pour les spaghettis bo- lognaises sont achetés ici au marché et vendus au kilo «en bloc» chez le boucher, y compris os et cartilage. Il faut donc commencer par laver, couper et hacher ! L’envie de cervelas subsiste Tandis que nous écrivons ces lignes sur l’ordinateur porta- ble, nous regardons par la fenêtre au-dessus de notre haie avec un accès direct à un monde complètement différent, un monde d’un autre temps, comme il nous semble par- fois. Autour de nous, tout a changé, et nous aussi, nous nous sommes déjà adaptés aux nouvelles conditions. Et nous nous demandons parfois jusqu’à quel point nous se- rons transformés quand nous reviendrons en Suisse, après un séjour de tout juste une année ? Une chose cependant va de toute façon subsister: nos envies de cervelas, car tout au fond de notre cœur, nous allons rester des Suisses pure souche!

Manuela et Thomas FISCHER Courts termes à Macenta, en Guinée

2

SOMMAIRE EDITORIAL

Le seau a remplacé la douche… Manuela et Thomas FISCHER Editorial Christophe REIFSTECK J’aime les changements! …Vraiment? Ulrich HALDEMANN De Paul jusqu’à aujourd‘hui Hans STAUB Si on veut que l’AME subsiste comme elle est, on ne veut pas qu’elle subsiste Jürg PFISTER Face aux risques, partir ou rester? Adrian FÖRSTER Nouvelle stabilité après la tempête Rahel et Aldo RINGGER Des pas dans une autre direction Sara MEIER Dieu a préparé un nouveau chemin Helen MÜLLER Nous aimons ce pays et désirons y rester Patricia und Andreas MOSER Brésil: Les autochtones reprennent

02

CHANGE MENT de TIC-TAC D’après le dictionnaire, lemouvement ou le dé- placement se fait par rapport à un point fixe. Le mouvement est une caractéristique inévitable de la vie! A peine je me lève le matin pour aller dans la salle de bain et ensuite me rendre à la cuisine pour y prendremon petit déjeuner, que me voici déjà en mouvement. Tout au long de la journée, je vais donc continuellement bou- ger. Dans cette marche quotidienne, j’établis mes habitudes, je m’intègre dans un cadre que j’apprivoise, que je contrôle de mieux en mi- eux... J’essaie en fait de me construire un cadre qui me sécurise. Mais lorsqu’un changement de direction vient perturber le tic-tac rassurant de mes habitudes, me voici embarqué dans le mouvement du doute, le questionnement, la suspicion, la déception, la résistance, la crise ou dans d’autres attitudes semblables, attitudes certes bien humaines que nous sommes bon an, mal an, bien obligés de subir. Dans d’autres circonstances, le changement peut être heu- reux, synonyme d’enthousiasme, d’espérance et de réjouissance. Cependant, quelle que soit l’origine du changement, heureux ou malheu- reux, lorsqu’on s’applique dans l’optique de Son Royaume à articuler le mouvement avec honnêteté et avec foi, autour du point fixe qu’est Jésus-Christ, le même hier, aujourd’hui et éternellement, nous savons que le mouve- ment dans lequel nous nous embarquons con- tribuera à Sa gloire et à notre bien. Les apôtres, marins d’eau douce, supportèrent eux aussi des changements de tic-tac: Ils de- vinrent pêcheurs d’hommes et ont dû ramer vers d’autres horizons. Pour l’AME aussi, l’heure est venue de se met- tre en mouvement, elle est en «boarding» d’aventures nouvelles... Je vous souhaite comme à l’habitude bonne lecture!

03

04

06 08

09

10

11

12

13

14

les responsabilités Beat ROGGENSINGER Sri Lanka: des vies transformées Margrit und Ruedi STARK Occuper des positions clés Beatrice RITZMANN Progrès ou régression – pour quelles raisons? Dr Hannes WIHER L’AME depuis 1889 Paul KLEINER Au gré des événements

15

16

17

18

20 21 22 23

Christophe REIFSTECK Directeur Département Europe francophone

Séjours au pays et changements de président Rapport financier Impressum

Une offre extraordinaire pour un travail, un déménagement dans un appartement de rêve, des richesses soudaines par un hérita- ge inattendu: dans de telles situations, il est facile de dire avec enthousiasme: «J’aime les changements!» Mais lorsque nous sommes confrontés involontairement ou brusque- ment à des changements radicaux, cette déclaration passe moins facilement sur nos lèvres. Un de mes amis, âgé de 58 ans, a reçu récemment la mauvaise nouvelle de son li- cenciement. Sa vie a été totalement boule- versée par cette simple et courte annonce. Il semble souvent impossible d’accepter et de surmonter ce genre de changement. Fondamentalement, la majorité des humains a de la peine à faire face aux changements. Pour- tant, nous y sommes régulièrement confrontés, actuellement peut-être plus que jamais. Com- ment réagissons-nous? Nous engageons-nous courageusement dans ces démarches en faisant confiance à Dieu, ou essayons-nous de les éviter, les refusons-nous consciemment? TENSION entre PRÉSERVATION et CHANGEMENT Gustav Heinemann, ancien homme politique allemand, a dit une fois: «Celui qui ne veut rien changer perdra également même ce qu’il vou- lait préserver.» Cela représente une zone de tension qu’il s’agit d’appréhender avec sagesse et cela concerne également l’AME, car le monde change à une vitesse vertigineuse. Nous désirons et avons be- soin de saisir, avec clairvoyance et suffisamment tôt, les tendances et évolutions dans tous les domaines, afin que les modifications puissent être introduites au bon moment. Ce sont juste- ment les grands changements qui nous coûtent souvent le plus; cependant nous devons y être préparés, car il est extrêmement dangereux que des formes, structures ou procédures de travail qui nous sont chères paralysent ou empêchent même les réactions nécessaires. Dans le même temps, il s’agit de préserver d’autres aspects de

4

J’ aime les changements! …Vraiment?

continuer à croire que Dieu m’aimait et avait de bonnes intentions pour ma vie? Est-ce que je voulais continuer à me confier en Lui et en Sa direction? Ou bien est-ce que je voulais traver- ser la vie, aigri, en me rendant impénétrable à tout ce qui pourrait me blesser? Aujourd’hui, je suis tellement reconnaissant d’avoir pu à l’époque opter pour la première solution, car ma relation personnelle avec Dieu y a gagné énormément en profondeur. J’ai appris à lâcher prise et je suis devenu ouvert à accueillir les changements. C’est ainsi que j’ai pu quelque temps plus tard rencontrer à nouveau une femme avec laquelle je me suis marié. Profes- sionnellement aussi, j’ai osé de nouveaux che- mins, avec une foi en Dieu fortifiée et étant prêt à prendre des risques. C’est ainsi que la Journée Nationale de Prière du 1er août a vu le jour. Entre 4’000 et 7’000 intercesseurs y ont pris part les premières années. Par la suite aussi, j’ai souvent été placé dans des situations dans les- quelles j’ai consciemment décidé de permettre et d’accepter le changement. LE CHANGEMENT exige de faire CONFIANCE Le changement comporte de l’insécurité et des risques. Il faut de la confiance pour accepter les choses nouvelles, inconnues, différentes, et lâcher des choses devenues chères et habitu- elles. J’ai parfois l’impression que certains pré- fèrent êtremécontents dans un environnement connu et sûr, plutôt que de se risquer sur un nouveau terrain par une démarche inhabituel- le. A l’AME, nous voulons empoigner les chan- gements qui sont nécessaires, avec courage et dans la confiance en Dieu. Car la vision doit se poursuivre: rencontrer les personnes de diver- ses cultures et religions dans tous leurs besoins, de façon à ce qu’elles expérimentent concrète- ment l’amour de Dieu et Sa force transforma- trice, puis les transmettent à d’autres. Cela ne passe pas forcément par les voies usuelles.

notre travail et de ne pas perdre de vue le sens de notre mandat. Trouver un juste équilibre en- tre préserver et changer ressemble souvent à une marche sur une corde raide qui ne permet aucun faux pas. Actuellement, ce sont avant tout les conditions sur les champs d’action qui rendent des adap- tations nécessaires: questions de sécurité, nou- velles exigences pour les visas, contrôles renfor- cés de la part des gouvernements. Quelquefois ces situations nécessitent des actions rapides et amènent des changements radicaux, comme par exemple l’épidémie d’Ebola en Guinée ou les at- tentats terroristes au Cameroun et au Tchad. C’est justement dans ces moments-là qu’il est souvent très difficile et douloureux pour les personnes concernées d’accepter une situation qui a changé si soudainement. Beaucoup de questions restent sans réponse. Accepter LE CHANGEMENT Suite à de nombreuses expériences personnelles, j’ai pris conscience d’une chose en particulier: qu’un changement survienne lentement ou que je m’y trouve confronté de façon brutale, je dois permettre et accepter ce changement intérieure- ment. Il y a quelques années, j’étais responsable d’un mouvement d’implantation d’églises à l’échelle nationale. Le travail me plaisait énormément. Je pensais avoir trouvé une place de travail optima- le, puisque je pouvais mettre à profit mes capa- cités et mes dons. Cependant de grands défis fi- nanciers ont soudain vu le jour, si bien que mon poste a dû être supprimé. Environ un mois plus tard, nous apprenions en famille que mon épouse d’alors souffrait d’un cancer de l’abdomen. Elle est décédée en l’espace de six mois. Tous mes pro- jets d’avenir s’effondraient tout à coup comme un château de cartes et je me retrouvais seul avec trois adolescents. Pourquoi Dieu avait-Il permis cela? Pourquoi ne l’avait-Il pas empêché? Etait-ce là la reconnaissance pour mon service pour Lui? Je ne comprenais plus Dieu. Petit à petit cependant, j’ai pris conscience que je devais prendre une décision. Est-ce que je voulais

Ulrich HALDEMANN est respon- sable de la communication et des pays d’Asie à l’AME

De PAUL jusqu'à aujourd'hui

Parler aux hommes de l'amour de Dieu, voilà une tâche qui ne cesse de changer. Le mandat et le but restent les mêmes. Ce qui change, ce sont la forme et les métho- des qui découlent des développements économiques, politiques, culturels et idéologiques. Jetons un coup d'oeil en arrière: dans l'Empire romain, du temps de Paul et de l'Église primitive, les synagogues juives formaient souvent un point de départ pour la foi chré- tienne. La Bonne Nouvelle s'est certes propagée rapide- ment, mais en peu de temps, une sérieuse résistance a sur- gi. Par la suite, un mouvement s'est développé s'appuyant non sur des collaborateurs professionnels, mais caractérisé par une foi contagieuse, l'amour du prochain désintéressé et le témoignage résolu des premiers chrétiens en dépit du martyre.

nastères, les ordres et les individus: par les moines irlan- dais, tels Colomban, Gall et Boniface, par l'ordre des Béné- dictins, des Dominicains et des Jésuites qui ont apporté la foi entre autres jusqu'en Inde, en Chine et au Japon, et par les églises orthodoxes principalement actives au Proche Orient et dans le Nord. Au Moyen Age, les méthodes de propagation étaient ex- trêmement variées, par la prédication directe, la traduction de la Bible, la scolarisation et l'amour vécu du prochain, par la prière et par une vie exemplaire qui attirait les autres.

CONQUÊTE DU MONDE et CHRISTIANISATION FORCÉE

Après la Réforme, la mission catholique était étroitement liée à la conquête du monde, comme par exemple en Amérique latine et aux Philippines. La puissance colonia- le et la christianisation ont noué une alliance souvent fu- neste. Comme autrefois par exemple chez les Saxons, on a toujours à nouveau christianisé de force. Il y a eu néan- moins des développements très positifs ces deux derniers siècles.

Les MOINES irlandais et les divers ORDRES religieux

Cette dynamique s'est perdue à vue d'oeil par la transi- tion vers une religion d'état reconnue. Au Moyen Age, la foi chrétienne s'est de plus en plus répandue par les mo-

FENÊTRE-10/40

BURKINA FASO

CHINE

GUINÉE

TCHAD

INDE

SRI LANKA

CAMEROUN

6

Pendant ce temps, il n'y avait presque pas d'activité mis- sionnaire protestante après la Réforme. Il faudra attendre que des hommes tels William Carey et Zinzendorf aident à retrouver une vision. En 20 ans, le mouvement des Frères moraves lié à Zinzendorf aurait plus fait pour la mission mondiale que l'Eglise protestante en 200 ans. D'autres or- ganisations se formèrent par la suite, telles la "Church Mis- sion Society" (CMS) à Londres ou la Mission de Bâle.

munication par exemple: Les expressions «mission» et «missionnaire» risquent de devenir des termes qui fâchent et font plus de mal que de bien à la cause. Les médias numériques nous obligent à faire preuve de prudence dans l'information. Si nous n'y prenons pas garde, le travail peut devenir difficile ou carrément impossible. On doit voir en nous l'attitude de Jésus qui est venu pour servir les autres. L'essentiel, ce ne sont pas nos projets ou notre réussite, mais de servir les êtres humains comme Dieu nous le montre et se- lon leurs besoins. Il faut mettre l'accent sur l'amour authentique et l'humilité, par le partenariat, la com- plémentarité, l'assistance, l'encouragement et la libération du potentiel existant. Le monde devient moins stable, moins sûr et plus complexe en même temps. Cela demande une grande flexibilité dans tous les domaines; cela n'est possible que si nous nous savons profondément en sécurité avec Dieu. Nous ne pouvons pas tout prévoir à l'avance ni nous préparer à toutes les si- tuations. A l'image de Jésus, nous devons vivre en pleine confiance dans une relation constante avec Dieu. L'essentiel ici, c'est une consécration et un amour brûlant envers Dieu, disposé à tout don- ner afin d'édifier le Royaume de Dieu. Il nous faut à nouveau plus de collaborateurs prêts à engager leur vie à cet effet. Ce à quoi nous regardons est déterminant; il s'agit du Royaume de Dieu et non pas du «jardinet de l'AME». Nous sommes ainsi libérés d'un égocen- trisme borné. Il faut croire que Dieu tire toutes les ficelles et qu'il assemble les différentes pièces du puzzle. Cette confiance permet de rester calme et nous donne l'assurance que Dieu atteindra son but aussi à notre époque. Notre présence est observée d'un oeil critique. Exigences croissantes envers les collaborateurs.

CONCENTRATION sur les TERRITOIRES non atteints

Plusieurs missions «à l'intérieur» ont été créées ultérieu- rement (China Inland, Sudan Inland, Africa Inland Mission ...). Par comparaison avec leurs devancières, les méthodes étaient souvent révolutionnaires, comme celles de Hud- son Taylor. Au 20ème siècle, on commença à examiner la situation globale du monde de façon plus ciblée et se concentrer de plus en plus sur les territoires non encore atteints, telle par exemple la «fenêtre 10/40». On désigne ainsi la zone située entre le 10ème et le 40ème degré de latitude, qui s'étend de l'Afrique de l'Ouest jusqu'en Asie orientale et rassemble 80 pourcent des personnes les plus pauvres du monde. Aujourd'hui comme autrefois, le travail change constam- ment. L'AME est concernée et doit elle aussi s'y adapter. La zone d'activité se globalise. Elle peut se trouver n'importe où, parmi les ethnies pas encore atteintes aujourd'hui, mais aussi dans les pays où l'Eglise risque de s'endormir. Le «travail missionnaire» of- ficiel n'est presque plus possible parmi les grands peu- ples non atteints. Il faut trouver de nouvelles voies. Les migrants qui viennent en partie de zones non atteintes représentent une grande chance. Il y a aussi parmi eux des chrétiens venant de communautés vivantes; ils pourraient devenir des missionnaires pour notre société sécularisée. Ce n'est plus une route à sens unique! Le rejet de la «mission» s'accroît. Nous vivons dans un monde de plus en plus hostile à la mission. Il faut faire preuve de sagesse, en matière de com- CHANGEMENTS jusqu'à aujourd'hui

Hans STAUB, Président de l'AME

Si on veut que L’AME subsiste comme elle est, on ne veut pas qu’elle subsiste

Avec la déclaration provocatrice du titre, j’ai essayé il y a une quinzaine d’année de faire prendre consci- ence de la nécessité du changement: Si l’AME doit continuer d’être une œuvre vivante et efficace, il est indispensable d’évaluer constamment notre travail et de procéder à des changements. Suite à cela, nous avons alors introduit des changements importants – et l’AME existe toujours. Depuis lors, le monde n’est pas resté statique, l’AME non plus, évidemment. Tous deux étaient et sont en mouve- ment. Cependant, les conditions cadre ont beaucoup changé. Un de nos partenaires en Asie, que nous soutenons depuis des années, me disait récemment de ne plus leur envoyer de l’argent au nom de l’Alliance Missionnaire Evangélique, car le mot «mission» suscite la suspicion des autorités et leur cause des problèmes! Pourtant, ils con- tinuent d’avoir absolument besoin du soutien financier! Ce n’était pas la première fois que nous étions confrontés à cette problématique. Comment y réagissons-nous?

«LA MISSION» devient une CIBLE

Si nous regardons autour de nous, nous constatons que de nombreuses œuvres ont changé leur nom ces der- nières années:

• • • • • •

Equipe missionnaire de la Mer Rouge Mission suisse parmi les Indiens Mission des pèlerins de St-Chrischona Mission Unie du Cameroun et du Tchad Association missionnaire allemande (DMG) Mission Unie du Soudan

›››››› ReachAcross ›››››› Indicamino

›››››› Chrischona International

›››››› Vision Africa VIA (intégrée à l’AME depuis 2011)

›››››› Sahel Life

›››››› DMG interpersonal

On se rend compte qu’elles ont toutes supprimé le mot qui suscite souvent des associations d’idées négatives et augmente les risques pour nos collaborateurs et partenaires locaux. «Mission» signifie mandat ou envoi. Quand ce mot est contenu dans un nom, cela exprime clairement l’identité de l’œuvre. Ces œuvres ont-elles ainsi renoncé à leur identité? Non, mais elle n’est plus visible au premier coup d’œil pour le grand public. Est-ce juste? CHANGER de nom – MAINTENIR l’identité Jusqu’à un certain point, Jésus a vécu une situation semblable: Il était le Fils de Dieu, mais n’a jamais vraiment clairement mentionné cette identité; en revanche, il se disait Lui-même Fils de l’Homme – jusqu’à ce qu’Il soit prêt à mourir. Il savait que le titre de «Fils de Dieu» était trop provocateur et ferait de Lui une cible, ce qui aurait forte- ment entravé Son action. Lorsque Pierre, dans le petit cercle des disciples, a discerné Son identité en disant: «Tu es le Christ, le Fils du Dieu Vivant»!, Jésus a ordonné à ses disciples de ne le dire à personne (Mt 16.16-20). Malgré tout, Jésus savait toujours exactement quels étaient Son identité, Son mandat et Sa mission. De même, en tant qu’AME, nous voulons maintenir notre identité et notre mandat. Mais comme c’était le cas pour Jésus, nous devons réfléchir encore mieux à l’avenir à ce que nous disons en public et comment nous nous nom- mons. Ainsi le nom, bien connu depuis des décennies, de l’Alliance Missionnaire Evangélique devra certainement faire place à un nouveau nom, afin que nous puissions exercer le mandat qui est le nôtre le plus librement possible.

Jürg PFISTER est le directeur de l’AME

8

Face aux RISQUES – partir ou rester?

Avez-vous déjà une fois demandé une garde rapprochée armée? Cryptez- vous vos e-mails? Donnez-vous la main à une personne gravement malade et potentiellement contagieuse? Voyagez-vous avec vos enfants en bas âge dans une région dans laquelle il y a régulièrement des attentats à la bombe? L’AME a été confrontée intensivement à des questions de ce genre au cours des dernières années. En langage moderne, on appelle cela le management du risque. Dans une société qui cherche à toujours mieux maîtriser les risques, le travail dans des contextes fragiles se heurte souvent à un no-go. «Nous n’avons encore jamais vécu cela - nous ne pouvons pas assurer vos gens», nous a dit notre assureur médical lorsque l’épidémie d’Ebola a débuté et a touché en particulier la Guinée. «Vous feriez bien d’éviter la région», nous dit le Département des Affaires Etrangères dès que cela commence à chauffer comme c’est le cas actuellement avec Boko Haram au Cameroun et au Tchad. TRAVAILLER LÀ où la misère est la plus grande A l’inverse, c’est précisément dans les régions qui sont régulièrement touchées par des crises et des troubles que la misère est la plus grande. Si l’AME veut ac- complir sa mission, elle ne peut pas tout simplement se retirer dans une tour d’ivoire avec ses collaborateurs. On ne peut jamais exclure un certain risque. Et souvent, ceux que cela dérange le moins sont nos collaborateurs sur place - bien que ce soient eux qui travaillent effectivement dans ces régions et qui sont ex- posés aux risques! D’une part, ils ont déjà pris de grands risques en choisissant cette «anti-carrière» et pu expérimenter comment Dieu a pris soin d’eux. D’autre part, ils ont appris à juger correctement les situations. «Je poursuis une vie nor- male malgré les attentats à la bombe», a dit récemment une collaboratrice de N’Djamena, «le trafic routier reste encore et toujours beaucoup plus dangereux.» Juger les situations correctement - c’est exactement ce que doit toujours à nou- veau faire l’AME en tant qu’organisation globale: • Identifier les risques en gardant la tête froide: pas seulement les risques qui touchent à la sécurité personnelle des collaborateurs, mais également ceux qui pourraient mettre l’AME dans son ensemble dans de sérieuses difficultés. C’est ainsi qu’une analyse récente a démontré qu’une perte totale des don- nées représenterait probablement la fin de l’AME. • Prévenir les dangers autant que possible avec l’inspiration de la sagesse de Dieu: on définit des mesures pour éviter, réduire ou éliminer les risques. Ainsi par exemple, il existe pour chaque pays où l’AME est engagée des plans d’évacuation en plus des mesures de sécurité générales. L’AME élimine les risques financiers au travers d’assurances. • Chercher conseil lors de décisions importantes et concrètes: on peut définir toutes les prescriptions et mesures imaginables - à la fin il reste toujours une partie d’évaluation, une décision personnelle qui doit être prise avec les per- sonnes concernées. Comme nous sommes heureux alors d’avoir la possibilité de chercher le conseil d’autres personnes et bien sûr d’en-haut! Dans la perspective du danger existant, nous ne pouvons en aucun cas rester comme un chevreuil dans la lumière des phares. Il est important que nous re- connaissions et utilisions la marge de manœuvre qui reste à disposition. Parfois, ces changements permettent de nouvelles et merveilleuses opportunités qui n’avaient encore jamais été prises en considération jusque-là! Identifier LES RISQUES et prévenir LES DANGERS

Adrian FÖRSTER jusqu’en novembre 2015, responsable pour le Cameroun/Tchad et responsable du management du risque

PUIS BOKO HA

Les attentats à l’intérieur et autour du Cameroun et du Tchad ont soudain drastiquement changé la situation sécuritaire dans les deux pays. Qua- tre de nos collaborateurs à long terme ont dû affronter ces changements et prendre des décisions douloureuses. Une nouvelle stabilité après la tempête De grands changements ont marqué l’année 2014 pour nous. A notre retour à Maroua au nord du Cameroun après un séjour en Suisse à fin avril, nous avions déjà enterré un rêve: En raison des en- lèvements d’Européens dans la région, il n’y aurait plus de nouveaux collabo- rateurs ni de nouveaux projets. Nous- mêmes, nous ne nous sentions pas en danger, mais nous avons tout de même planifié de transmettre en six mois étape par étape le travail à des Camerounais. Trois semaines après notre arrivée, la dé- cision d’évacuation est arrivée de façon surprenante – «Non, certainement pas!» a été notre réaction offusquée. Nous ne voulions pas après si peu de temps re- partir précipitamment et étions déçus, tristes et déboussolés. Pourquoi Dieu nous avait-Il si clairement montré que nous devions encore une fois repartir? Début du processus de distanciation Grâce à un compromis, nous avons pu rester trois semaines de plus. C’était très utile pour garantir une transmission des tâches acceptable et nous avions au moins un peu la possibilité de prendre congé et débuter notre processus de dis- tanciation. Malgré l’agitation et le stress émotionnel, le retour à Maroua avait été bon et juste. Ainsi, les autochtones se sentaient aimés de nous et avaient moins l’impression d’être laissés en plan. Où aller maintenant? Comme l’évolution de la situation au Cameroun était incertaine, nous avions

déjà prévu avec l’AME un plan B pour nous quelques mois avant l’évacuation: L’école des artisans au Sri Lanka. Nous nous étions déjà familiarisés avec cet- te idée – et avons été déçus lorsque le projet a échoué pour des questions de visas. Nous avons alors reçu la proposi- tion de travailler à Douala, dans le sud du Cameroun. Nous avons tout d’abord eu une réaction très critique à cette de- mande. Intérieurement, nous avions de la peine à nous refaire à l’idée d’un nou- veau changement. Nous retournerions bien au Cameroun, mais pas à Maroua, que nous connaissions, où presque cha- cun nous connaissait et où nous rendi- ons presque chaque jour visite à des voisins - mais dans le sud qui nous était encore inconnu, dans une grande ville anonyme, bruyante, démesurée avec 2,5 millions d’habitants répartis sur la surface du canton de Thurgovie. Etions- nous vraiment prêts pour cela? La main de Dieu Plus nous analysions la demande, plus nous y voyions la main de Dieu. Au cours des mois écoulés, Il nous avait préparés pour cet engagement - et nous avons donné notre accord. Le changement n’est pas facile. Nous constatons tou- jours à nouveau que notre vie ici ne sera plus jamais ce qu’elle était, même si un jour il était à nouveau possible d’aller fai- re une visite dans le nord du Cameroun. Mais nous voyons aussi des points po- sitifs: sans équipe suisse, nous sommes maintenant plus proches des autoch- tones. Et nous portons la responsabili- té de tâches que nous n’aurions jamais choisies nous-mêmes. Aldo a l’occasion de vivre la précieuse et exigeante expé- rience de la conduite de chantier pour la construction d’une église et Dieu l’a ren- du capable d’apporter des messages en français dans un cadre restreint. Confiance accrue en Dieu De plus, nous avons encore appris à fai- re beaucoup plus confiance à Dieu pour

seite 10

10

AM EST ARRIVÉ …

qu’il nous mette au bon endroit au bon moment. Il est en route avec nous - et nous sommes davantage prêts à Le lais- ser déterminer nos voies et nos plans plutôt que de le faire nous-mêmes ou par quelqu’un d’autre. Le temps nous a formés, éclairés, a élargi notre horizon et nous a rendus plus humbles et com- patissants. C’est une tempête qui s’est abattue sur notre famille ces derniers mois et après chaque tempête, il faut ra- masser les débris. Mais après cela, certai- nes choses sont renouvelées, réparées et l’on apprécie d’autant plus le calme et la stabilité retrouvés dans une nouvelle maison.

et les cauchemars. Notre propre enlèvement devenait de plus en plus probable - j’estimais la probabilité que nous soyons les prochains à 50/50. Nous étions donc extrê- mement reconnaissants lorsque toute la famille a réussi à passer sans encombre la frontière vers le Tchad, afin de rejoindre une équipe à Am Sénéna. Mais des inquiétudes subsistaient: que se passerait-il si les problèmes rencontrés auCameroun devaient également traverser cette frontière bientôt? Est-cequ’il valait vraiment la peinede tout recom- mencer ici? Sentimentsmêlés Malgré tout cela, nous nous sommes mis au travail avec motivation. Tout d’abord, nous avons déménagé à Abé- ché, à l’est du Tchad, afin de rafraîchir nos notions d’arabe. C’était un temps difficile pour moi: nous ne connaissions personne et devions recommencer à faire connaissance et à nouer des relations. De plus, j’étais enceinte, ce qui fait que les grosses chaleurs étaient un énorme poids. Nous nous réjouissions de pouvoir après six mois faire une pau- se en Suisse. Les préparatifs pour le retour au Tchad se fai- saient avec des sentiments mêlés, mais nous nous réjouis- sions de voir l’équipe et espérions pouvoir rapidement débuter ce nouveau projet. Les pensées deDieu sont plus élevées Peu avant le décollage, alors que les valises étaient déjà prêtes, nous avons entendu l’information du deuxième at- tentat perpétré par Boko Haram en l’espace de quelques semaines. Et cela à N’Djamena - dans la ville où nous vouli- ons justement habiter et travailler. Nous avons alors décidé le cœur lourd de ne plus partir. L’insécurité que nous avions vécue durant nos derniers mois au Cameroun avait été un énorme poids pour moi et ces dernières années avaient également laissé des tra- ces chez nos enfants en bas âge. De plus, nous aurions dû recommencer un nouveau travail et de toutes nouvelles relations sans savoir si nous devrions bientôt déjà tout in- terrompre et retourner en Suisse. L’insécurité et le risque élevé étaient trop lourds pour nous. La décision a été tout sauf facile et il reste de nombreuses questions sans réponse.Mais lespenséesdeDieusont plus élevées que nos pensées. Nous avons confiance en Jésus et poursuivons notre chemin avec lui dans une autre di- rection.

Rahel et Aldo RINGGER, collaborateurs au Cameroun

Des PAS dans une autre DIRECTION

Maltam, au nord du Cameroun, était notre premier domicile en Afrique. Nous y avons fait nos premières expériences culturelles et noué de profondes amitiés. Nous nous sentions vraiment comme à la maison. Malheureusement, nous n’y avons passé que deux ans. Après cela, nous avons ef- fectué un remplacement à Maroua. Nous comptions cependant bientôt retourner à Maltam. BokoHaramse rapproche A cette époque, la menace de Boko Haram s’est soudain rapprochée - les enlèvements, les attentats et les attaques se sont mul- tipliés. . Et soudain, il s’est avéré que nous ne pourrions plus retourner à Maltam. Il n’était pas faciledeprendrenosdistances et d’abandonner notre vision et de nombreu- ses personnes chères à l’inconnu. A Maroua, nous avons vécu une période tourmentée en raisondes nombreux atten- tats. Le sujet déterminait notre quotidien. J’ai dû apprendre à vivre avec l’angoisse

SaraMEIER, ancienne collaboratrice

DIEU a préparé

un nouveau CHEMIN

venir et que plus rien ne sera comme avant. Mais d’autres ont été bien plus touchés: des milliers de Camerounais et de Nigérians ont dû fuir, quitter leur région et s’établir dans d’autres secteurs ou dans des camps de réfugiés. Beaucoup ont tout perdu, y compris des membres de la famille. Quelle suite? Après mon retour en Suisse suite à l’évacuation, on m’a pro- posé une place de sage-femme au Tchad. En fait, je n’avais pas envie de repartir et je n’avais pas reçu de oui clair. Lors d’un cours à l’Académie pour la mission, j’ai reçu la cer- titude que c’était pourtant bien le chemin que Dieu avait prépa- ré pour moi et que je devais sui- vre. J’étais en paix avec cette décision mais ne pouvais pas vraiment me réjouir. Je suis re- partie malgré tout en me don- nant un délai d’une année pour m’acclimater et m’habituer à ce nouveau travail. Cette année est maintenant presque passée - et je commence gentiment à me sentir à la maison ici. Mais la vie à la campagne et le con- tact avec la population simple me manquent. Je peux cepen- dant rester en contact avec les responsables de l’église et d’autres amis au Cameroun. Et je me réjouis que le travail se poursuive bien malgré notre absence.

Maltam, mars 2013: après le surprenant enlèvement d’une famille de touristes français dans la région, il devenait clair que nous pour- rions être les prochains. Soudainement, nous dormions mal, les bruits nocturnes auxquels nous étions habitués nous réveillaient. Il fallait partir. En une semaine, nous avons dû clarifier les points essentiels puis nous sommes rentrés en Suisse. Voyage uniquement avec une garde rapprochée Quelques mois plus tard, nous avons pu retourner au Cameroun. Nous sommes allés à Maroua, la capitale de la région à environ 250 kilomètres au sud de Maltam, car on avait urgemment besoin de notre aide là-bas. Bien que j’aie pu reprendre des tâches pas- sionnantes et utiles, mon cœur continuait à battre pour Maltam. C’est là que j’étais à la maison, que j’avais des relations et j’espérais pouvoir y retourner bientôt. Durant cette période, j’entendais toujours à nouveaux les terri- bles événements qui se produisaient dans le pays voisin ou dans la région frontière. Le sujet de la persécution des chrétiens était omniprésent. Durant les voyages, nous avions à chaque fois une garde rapprochée, ce qui était au premier abord inhabituel, mais également rassurant. On sentait qu’on nous prenait au sérieux et que nous avions de la valeur aux yeux des autorités. Les musulmans et les chrétiens vivent de façon plus engagée Dans le courant de l’année, la situation est devenue de plus en plus pointue. En novembre, un enlèvement a eu lieu à quelques kilomètres seulement de chez nous - le danger se rapprochait et les activités des extrémistes marquaient les conversations quoti- diennes. Tout cela avait des conséquences visibles: les musulmans pratiquaient leur foi de façon plus engagée - prière du vendredi à la mosquée, les femmes suivaient l’enseignement dans les mos- quées, le mois du ramadan était strictement respecté. L’un des moteurs de tout cela était la peur: le voisin faisait peut-être partie des extrémistes et observait le comportement...? En même temps, nous avons remarqué que les musulmans s’intéressaient davan- tage à la foi chrétienne. Nous avons également constaté que les chrétiens du Cameroun vivaient leur foi de façon beaucoup plus sérieuse et engagée en raison de la menace. Dans cette situation, cela nous a beaucoup consolés et réjouis. Des milliers en fuite Notre quotidien était donc de plus en plus marqué par l’insécurité: à quel point sommes-nous en danger ici à Maroua? Combien de temps allons-nous encore pouvoir rester? En été 2014, nous avons finalement été évacués définitivement. Après les événements des mois précédents, j’y étais préparée, mais c’est douloureux de savoir que je ne pourrai plus jamais re-

Helen MÜLLER, collaboratrice au Tchad

12

Nous aimons ce pays

ET DÉSIRONS Y RESTER Paradoxalement, c’est en Suisse que le danger terroriste est de- venu plus palpable, surtout pour les enfants qui ne pouvaient souvent pas s’endormir et avaient peur de repartir. Après les attentats du 15 juin contre la police, nous ne nous sommes pas inquiétés outre mesure. Les attentats ne visaient en effet ni les chrétiens ni les expatriés. Soulagement – et incertitude Par contre l’attentat du 11 juillet nous a conduits à repousser de deux semaines notre voyage prévu le 16 juillet, le temps de voir les choses évoluer et de récolter différents avis. La première réaction à cette décision a été le soulagement, mais bien vite c’est devenu très pénible de continuer à vivre alors que l’avenir proche était inconnu. Les réactions diverses (Consulat suisse, nos collègues sur place, la mission) nous ont encouragés. Com- me la situation est restée calme, nous avons décidé de repartir. Sentiments mélangés à notre retour Un poids est alors tombé de nos épaules et nous avons pu à nouveau nous projeter et nous réjouir. Nous sommes partis le 30 juillet tiraillés: d’un côté la conviction et la joie d’encore pou- voir apporter notre aide, de l’autre, la responsabilité d’emmener notre famille dans cette situation et de voir nos enfants souffrir. Ce temps était épuisant et nous sommes heureux de l’avoir der- rière nous. L’Eternel sera ton assurance Les contrôles fréquents en ville, la prudence des gens, une équi- pe réduite et donc davantage de travail, une meilleure prise de conscience de l’importance de la protection divine et des prières sont des conséquences des événements. Comme nous devrons peut-être partir de manière précipitée, Andreas se de- mande constamment si ce qu’il fait ne pourrait pas être fait par un Tchadien. Nos passeports et les documents importants sont sous la main. Un bruit inhabituel ou un retard inexpliqué nous font rapidement envisager des problèmes. L’insécurité semble parfois irréelle Quand nous sommes couchés le soir, entourés de bruits fami- liers, c’est difficile de croire à la réalité de l’insécurité. Nous ai- mons ce pays, ses habitants et désirons y rester. Et quand la peur voudrait nous paralyser, nous nous appuyons sur les versets de Prov. 3.23-26 : Alors tu avanceras avec confiance, et ton pied ne glissera pas. Si tu te couches, tu ne trembleras pas de peur, et sur ton lit, tu dormiras en paix. La peur ne tombera pas sur toi tout à coup, et des gens mauvais ne t’attaqueront pas. Oui, le Seigneur te protégera et il t’empêchera de tomber dans un piège.

Patricia et Andreas MOSER Collaborateurs au Tchad

Le chan fait partie

Le but de notre travail n’est vraiment pas que tout reste en l’état - mais plutôt que les situations, circonstances, pays, positions et personnes changent pour le mieux. Nous faisons toujours à nouveau l’expérience de tels changements dans le bon sens. BRÉSIL:

complètement dans les prochaines années car les Brésiliens ont développé leur pro- pre vision du travail et sont indépendants. Leur conscience de l’état des régions les plus pauvres a grandi, les communautés du Sud en prennent la responsabilité. Elles s’impliquent elles-mêmes dans la propaga- tion de la Bonne Nouvelle, la réduction de la pauvreté et offrent de nouvelles perspec- tives d’avenir. Pas un projet – une organisation autochtone AProSERTÃO, nous en avons fait l’expérience, grandeur nature: ProSERTÃO n’est pas un projet mais une organisation autochtone qui a été fondée de concert avec les Brési- liens. Le comité se compose exclusivement de Brésiliens et, dès que possible, tout sera remis en mains brésiliennes. Nous, les col- laborateurs de l’étranger nous ne sommes plus des pionniers, ceux qui lancent et qui portent, mais des partenaires, des coaches, des conseillers. Nous pouvons par notre savoir-faire, notre expérience, nos finances, nos collaborateurs, contribuer à atteindre les buts fixés mais la responsabilité de Pro SERTÃO a été endossée dès le début par les Brésiliens. Cela nous remplit de beaucoup confiance de voir comment ils se lèvent et s’impliquent - car, comme autochtones ils peuvent faire toute la différence.

Les collaborateurs autochtones prennent leurs responsabilités

Il y a 50 ans de cela, le Brésil était un pays en voie de développement au mauvais pronos- tique - il y régnait une dictature militaire et il n’y avait presque aucune industrie. Les égli- ses évangéliques étaient rares et les chré- tiens évangéliques étaient persécutés par l’église catholique. Les grosses et puissantes sociétés missionnaires nord-américaines et européennes étaient les seules qui cher- chaient à répandre la Bonne Nouvelle. Puissance économique et croissance des églises Le Brésil est aujourd’hui une puissance éco- nomique marquée par le progrès. Il subsiste en même temps, d’énormes écarts entre les différentes régions - certaines sont terrible- ment pauvres, d’autres très riches. Le pays est officiellement une démocratie, mais cel- le-ci souffre d’une corruption omniprésen- te. Bien que beaucoup de choses aient été réalisées, il y a encore un grand potentiel de changement. Un autre changement par rapport au pas- sé: les routes sont maintenant bordées d’églises. Il y a 50 ans que la Bonne Nouvelle s’est répandue et a suscité des changements. Il y a maintenant un nombre considérable d’églises de toutes espèces, des chrétiens évangéliques innombrables et de grandes églises conscientes de leur valeur. On est plus conscient de la pauvreté Les missionnaires étrangers sont de plus en plus rares. La MICEB, une grande organisa- tion internationale à laquelle appartient également l’AME au Brésil, aimerait se retirer

Beat ROGGENSINGER: collaborateur au Brésil

SRI LANKA: des vies transformées Nous avons appris de nos expériences me- nées durant 13 années de collaboration au développement qu’avec de l’argent, de la technique et de la bonne volonté, on peut transformer beaucoup de choses mais que cela ne dure souvent pas longtemps. Nous voyons des changements positifs à long terme là où nous investissons dans les per- sonnes par de la formation, de l’éducation,

14

ement du but des discussions et la présentation d’un mo- dèle. Par une collaboration étroite durant de nombreuses années, les façons de penser et les comportements se sont modifiés, ce qui a encore une impact positif après plusieurs années sur la vie de ces personnes et leur environnement. Le fondement est posé Nous croyons qu’il est d’une importance primordiale que les gens se tournent vers Jésus-Christ pour qu’ils passent par une transformation radicale de leur personne. C’est pourquoi nous avons voulu placer un fondement clair selon 1 Corinthiens 3:11 pour l’école professionnelle CCS que nous dirigeons : « le fondement est déjà posé et personne ne peut en poser un autre. Ce fon- dement, c’est Jésus-Christ. » Bien que les trois quarts de nos appren- tis viennent d’un arrière-plan chrétien, nous constatons toujours à nouveau que l’empreinte culturelle marquée avant tout par l’hindouisme et le bouddhisme est do- minante. Les transformations sont ainsi sou- vent bloquées ou du moins retardées. C’est pourquoi nous nous réjouissons pour toutes les transformations positives qui voient le jour malgré les influences culturelles, un art de vivre et un environnement peu propices - comme c’est le cas avec Sameere, Supun et Rosha. Un sourire vainqueur Sameere est venu chez nous il y a de cela deux ans. Il a grandi dans une des huttes mi- sérables de Unawatuna, son père passant le plus clair de son temps en prison. Un colla- borateur de «Jeunesse pour Christ» nous a alors amené Sameere - c’était un jeune Sri- lankais au visage fermé dont on ne pouvait tirer presque aucun sourire. Après les vacan- ces scolaires, six mois après son arrivée chez nous, nous avons dû remuer ciel et terre pour l’amener à revenir au CCS. L’année passée, il nous a à nouveau quittés parce qu’il s’était senti blessé dans son orgueil. Par la grâce de Dieu, nous avons pu l’amener une fois de plus à revenir. Sameere est aujourd’hui l’un de nos meilleurs éléments et passera bientôt son examen final. Chaque fois qu’on

le regarde dans les yeux, il vous décoche son sourire vainqueur. Presque moine, il est désormais un joyeux disciple de Jésus-Christ Ce que l’on remarque de suite c’est l’éclat du regard de Supuns. Il vient d’une famille de pêcheurs habitant à 50 km au nord de Trin- comalee, là où nous travaillons. Il aurait en fait dû devenir moine bouddhiste, mais il a quitté le temple après quelques années et il est venu chez nous. Il nous a bientôt deman- dé de prier pour sa mère qui était malade à l’hôpital. Et elle a bel et bien guéri ! Grâce à cette guérison ainsi que d’autres expérien- ces et discussions, il a appris à mieux connaî- tre Jésus et il est aujourd’hui son joyeux dis- ciple - ce que ses parents tolèrent ! Pas dans une vie de liberté Roshan a été élevé par sa mère dans un environnement misérable pas loin des zo- nes d’affrontements durant la guerre. Son enfance n’a pas été facile: il a cessé d’aller à l’école après seulement six ans et la cou- leur de ses dents montrent qu’il a souffert de malnutrition. Roshan connait certes son père mais celui-ci ne le reconnaît pas. Suite à ce refus, sa haine s’est énormément déve- loppée, au point qu’il voulait tuer son père. Sa mère l’a donc mis dans un orphelinat. C’est de cet orphelinat que Roshan est venu chez nous l’année dernière. Il se développe doucement dans notre famille du CCS et son comportement - se faire bien voir des plus forts et de ses supérieurs et opprimer ag- ressivement les plus faibles - disparaît peu à peu. Il apprend qu’il peut faire des fautes sans qu’on se moque immédiatement de lui. Il fait ainsi chaque jour de petits pas dans une vie de liberté - ceci est possible dans une communauté qui aime Jésus et avec un Dieu qui aime tous les hommes. Et qui aime aussi justement ceux qui sont comme Ros- han.

Margrit et Ruedi STARK: Collaborateurs au Sri Lanka

Occuper des POSITIONS CLÉS – OUI, mais comment ?

Il y a de moins en moins de personnes se décidant pour un engagement à long terme. Cela met l’AME devant de grosses difficultés - et la pousse à se confier en Dieu autant que de procé- der à des adaptations stratégiques. La démographie de la Suisse se modifie: les années du baby-boom sont passées, le marché du travail doit se débrouil- ler avec moins d’apprentis et moins de jeunes professionnels. L’AME en fait aussi l’expérience. Le nombre des col- laborateurs engagés à long terme quit- tant l’AME dépasse celui des nouveaux arrivés. Il y a encore une autre raison à cela: le désir de s’engager pour une mis- sion à long terme à lui aussi diminué. Cela est mis en évidence par des études analysant les caractéristiques typiques des diverses générations. Nous pouvons ainsi repourvoir chaque année les postes à court terme (durée de 1 à 12 mois) avec de jeunes collabo- rateurs compétents, mais dans le do- maine des engagements à long terme, bien des postes restent ouverts. Cela nous met face à de grands défis, tout particulièrement lorsque les postes clés ne peuvent plus être repourvus. Cela pourrait même conduire l’AME dans une vraie crise car notre organisation fonctionne en grande partie avec du personnel envoyé dans la coopération au développement, le personnel étant de ce fait une de nos ressources les plus importantes. Tout cela signifie pour nous que nous devons plus nous investir dans un tra- vail de relation publique afin que les gens moins nombreux, qui peuvent s’engager pour du long terme, remar- quent nos annonces d’offre d’emploi. En plus de cela nous prions davantage, très concrètement, pour recevoir les gens nécessaires. Nous avons confiance que Dieu touche encore aujourd’hui les gens et agit en eux afin qu’ils s’engagent à plus long terme, malgré la tendance contraire. Nous devons tout de même Modification de l’organisation

nous poser la question de l’adaptation de notre stratégie afin de nous en sortir avec moins d’engagés à long terme. Comme nous pouvons le voir par le passé il y a toujours eu de grands changements (pages 6 et 7).Il semble que nous tra- versons actuellement une telle époque. C’est pour cela que nous voulons con- sciemment écouter Dieu et lui demander ce qu’il faut modifier dans notre organi- sation. Engagés à court terme, coaches et échange Sud-Sud L’une des stratégies serait d’adapter les mandats de certains emplois à long terme de façon à ce que des engagés à court terme puissent aussi en avoir les compétences. Il en découlera naturelle- ment un roulement du personnel plus important ce qui accroîtrait les charges administratives. Une autre approche, peut-être complé- mentaire, serait d’employer toujours da- vantage les collaborateurs à long terme restants, plutôt comme conseiller ou coa- che, pour mieux permettre et renforcer l’action des collaborateurs indigènes oc- cupant des postes clés. Le défi serait alors de dénicher ces perles rares ! Avec une globalisation toujours plus poussée, l’AME se pose la question de sa- voir s’il ne faudrait pas intensifier ce qu’on appelle « l’échange Sud - Sud » : des col- laborateurs à long terme sont recrutés dans les pays où l’AME est active pour être utilisés dans d’autres pays. Ce type d’engagement est actuellement pour l’AME exceptionnel comme on le voit par exemple dans le cas de cet ophtalmo- logue brésilien qui est actif depuis bien des années en Angola. Il nous faut tester toutes ces possibilités et d’autres encore. Nous vivons une époque exigeante mais passionnante où Dieu est en train d’écrire une nouvelle page de « l’histoire de la mission ».

Beatrice RITZMANN: Responsable du personnel

seite 16

16

PROGRÈS ou RÉGRESSION – pour quelles raisons ?

Alors que quelques pays con- naissent le progrès et la richesse, d'autres sont englués dans la pau- vreté et la régression. Pourquoi donc? Les raisons sont nombreuses et complexes et parfois surprenan- tes. En 1959, dans le cadre de sa campa- gne pour devenir premier ministre de Singapour, Lee Kuan Yew a promis à ses concitoyens d'atteindre le niveau de développement du Sri Lanka. Lee a été élu et il a réalisé un miracle éco- nomique durant les années 60: Sin- gapour, un pays en voie de dévelop- pement, est devenu l'un des quatre «Tigres de l'Asie» avec Taiwan, Hong- kong et la Corée du Sud, caractérisés par leur énorme croissance écono- mique au 20ème siècle. Dès lors, Sin- gapour a dépassé des états européens par son niveau de vie très élevé, son aéroport le plus propre du monde et l'un des centres de recherche de l'EPFZ les plus modernes. Comment Singapour et d'autres pays ont-t-ils réussi la transition de pays en déve- loppement à celle de pays industriel – et pourquoi tant d'autres ont tant régressé, à l'image du Sri Lanka ou de l'Afrique? Dans L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme (1904), le sociologue de la religion Max Weber réfléchissait à l'éthique économique des grandes religions du monde et aux raisons du succès ou de l'échec économique. Il en a conclu que l'appel de Calvin à l'autodiscipline et à travailler dur a été le fondement du développement économique. La révolution indust- rielle a commencé dans l'Angleterre anglicane et calviniste puis s'est pro- pagée aux pays protestants d'Europe Calvin est le fondement de l'industrialisation

Les Lumières et le colonialisme Pourquoi donc le Sri Lanka et les pays d'Afrique ont-ils régressé? L'une des raisons en est les 30 ans de guerre civile au Sri Lanka entre Cinghalais et Tamouls – d'énormes moyens financiers ont été consacrés à l'armée et le tourisme en a souffert. En plus, les religions sri-lankaises centrées sur l'harmonie freinent le développement. A la fin du Moyen âge, au 15ème siècle, l'Europe et l'Afrique présen- taient à peu près le même niveau de développement. L'Europe a connu par la suite la Renaissance, la Réfor- me et les Lumières; ces mouvements sont à la base de la révolution indus- trielle. L'Afrique, par contre, a connu la traite des esclaves, le colonialisme et le néo-colonialisme, qui ont en grande partie détruit la culture et l'amour-propre africains. En outre, l'accent porté par les religions afri- caines traditionnelles sur l'harmonie et les relations n'est pas favorable au développement: népotisme et corruption abondent, et les proches parents qui réussissent sont saignés à blanc ou ensorcelés. En réalité, les conditions sont bien sûr beaucoup plus complexes. Cet- te présentation simplifiée laisse ce- pendant entendre où se situent les raisons du progrès et de la régres- sion et aide à comprendre les évé- nements et la façon de penser de divers pays.

et d'Amérique. Dans les sociétés catholiques, on a encouragé la sou- mission au destin et l'obéissance aux dirigeants, si bien que jusqu'à la fin du 19ème siècle, un fossé s'est creu- sé entre le développement des pays protestants et catholiques. La sécula- risation a réduit en grande partie cette différence, mais les traces en restent visibles dans les problèmes écono- miques de la zone Euro. L'harmonie comme clé du succès économique? Que signifie la thèse de Weber pour l'Asie orientale? Quel est l'élément du contexte culturel et religieux qui correspond au calvinisme? Du point de vue religieux, la Chine et les Ti- gres de l'Asie présentent un mélange d'animisme, de taoïsme, de confuci- anisme et de bouddhisme, qui tous mettent l'accent sur l'harmonie. Il est difficile d'imaginer que la recherche de l'harmonie favorise le développe- ment économique. Mais la doctrine confucéenne des relations a inscrit profondément l'autodiscipline et le renoncement aux intérêts particu- liers dans le coeur de ses adeptes. On peut donc considérer le confucianis- me comme la clé de la réussite de ces pays. Un autre facteur a joué un rôle im- portant dans le développement éco- nomique du Japon et de la Chine: ces deux pays ont été humiliés par l'Occident – le Japon par les Etats-Unis durant la seconde guerre mondiale, et la Chine au début du 20ème siècle par les puissances coloniales occidenta- les. Les deux pays ont donc eu comme objectif de dépasser la puissance éco- nomique (et militaire) des Etats-Unis, pour effacer l'humiliation subie. Cette motivation les a poussés à se dévelop- per considérablement.

Dr Hannes WIHER: Responsable de la promotion de la missiologie en pays francophones

Page 1 Page 2 Page 3 Page 4 Page 5 Page 6 Page 7 Page 8 Page 9 Page 10 Page 11 Page 12 Page 13 Page 14 Page 15 Page 16 Page 17 Page 18 Page 19 Page 20 Page 21 Page 22 Page 23 Page 24

Made with FlippingBook - professional solution for displaying marketing and sales documents online