Hors Série 44

Découvrez le numéro 981 de Finances News Hebdo, premier hebdomadaire de l'information financière au Maroc

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FINANCES NEWS HEBDO [ HORS-SÉRIE N°44 ] SOMMAIRE Politique monétaire : 2022, année de revirement dans la stratégie de Bank Al-Maghrib Placements : La recette anti-crise de Khalid Cheddadi Marchés financiers 6 10 SOMMAIRE

Investissements

Pacte national pour l’investissement : Le Souverain place la barre haut Pacte national pour l’investissement : Le PPP, un mécanisme idoine pour atteindre les objectifs Nouvelle charte de l’investissement : Le changement de paradigme est acté Entretien avec Mouna Kamali : Ce que va apporter la nouvelle charte de l’investissement Fonds Mohammed VI pour l’investissement : Un cheval de bataille à 14 milliards de dollars Réforme des CRI : Impact positif sur la hausse des projets d’investissement Entretien avec Yacine Tazi : «Le CRI joue le rôle de guichet unique auprès des investisseurs» Secteur privé : Une grande marge de progression à combler Droit de la concurrence : Un levier magnétique pour capter des capitaux Les nouveautés en matière d’IS CFC et ZAI : Une imposition finalement réduite à 20% Année difficile en perspective pour les OPCI Aides au logement : La nouvelle formule fera-t- elle ses preuves ? Sociétés cotées : Une charge d’imposition plus lourde en 2023 Le Maroc consolide ses filets sociaux Entretien avec Dr. Tayeb Hamdi : Assurance mala- die obligatoire, «La généralisation de l’AMO est une porte d’entrée vers la justice sociale» Entretien avec Abdelmajid Belaïche : Refonte du système de santé, «Le gouvernement doit faire preuve d’ingéniosité pour trouver d’autres sources de financement»

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Entrepreneuriat

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Banques participatives Entretien avec Mouna Lebnioury : Bank Al Yousr, «Notre ambition est de confirmer notre place de référence sur le marché» 12

Statut d’auto-entrepreneur : Au chevet des petits porteurs de projets

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Recherche & Développement

Ressources hydriques

Loi de Finances 2023

Ça craint ! Rareté de l’eau : Etat d’urgence hydrique ! Entretien avec Nizar Baraka : «Le Maroc occupe la 23 ème place mondiale en matière d’exposition aux risques hydriques» Gestion de l’eau : Un défi majeur pour les autorités Eaux souterraines : Une autre problématique à gérer Politique des barrages : Le gouvernement accélère la cadence Rareté de l’eau : Des actions ciblées pour parer à l’urgence Gestion de l’eau : Le PPP a encore de beaux jours au Maroc Entretien avec Ryad Mezzour : Valorisation de l’eau, «Nous devons réussir une révolution dans le secteur» Gouvernance et contrôle de l’eau : Les bonnes pratiques en question Histoire : L’art, au fil de l’eau

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Entretien avec Pr Rachid Yazami : Innovation, «Le Maroc a des atouts considérables et uniques pour développer des batteries 100% marocaines» 86

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Protection sociale

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Société

Mères célibataires au Maroc : Le cri muet Entretien avec Me Nesrine Roudane : Statut juridique, «Il n’y a pas de textes législatifs qui confèrent aux mères célibataires des droits ou des obligations spécifiques»

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3 HORS-SÉRIE N°44 / FINANCES NEWS HEBDO

E ditorial

L’eau ne coule plus de source

L’

eau… ne coule plus de source. Le Maroc fait face à un déficit hydrique alarmant qui appelle à un

que cela, surtout au vu des projections. Car, selon le scénario actuel sur le chan- gement climatique, près de la moitié de la population de la planète vivra dans des régions soumises à un fort stress hydrique d’ici 2030, dont entre 75 millions et 250 millions de personnes en Afrique. De même, la région méditerranéenne connaîtra à l’horizon 2050 une baisse de l’eau comprise entre 20 et 30%. C’est pourquoi le Maroc est appelé à adapter le Plan national de l’eau aux changements à venir. Il s’agira en substance de le doter des mécanismes de gouvernance, de suivi et d’évaluation nécessaires pour assurer son efficacité. Ce schéma coûtera environ 383 milliards de dirhams sur les 30 pro- chaines années, dont une grande partie sera financée par les finances de l’Etat, selon le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch. L’enjeu est donc de taille. Mais au-delà des initiatives gouvernementales, la ges- tion des ressources hydriques est devenue une affaire collective. Qui concerne tout le monde. En ce sens que chaque citoyen devrait bannir, dans son rapport à l’eau au quotidien, le gaspillage. L’importance de cette problématique légitime qu’elle soit au cœur de ce Hors- série, qui décortique également trois autres thématiques majeures : l’investis- sement, la généralisation de la protection sociale et les impacts sectoriels de la Loi de Finances. Bonne lecture et bonne année 2023 !

changement profond de paradigme. Trois chiffres peuvent servir de repère : la quan- tité moyenne d’eau par habitant et par an est estimée à 620 mètres cubes et devrait diminuer à 560 mètres cubes en 2030, après avoir été d’environ 2.560 mètres cubes dans les années soixante. La gravité de la situation actuelle dicte, désormais, d’appréhender autrement notre rapport à l’eau. Surtout que les choses n’iront pas en s’améliorant en raison de la croissance démographique. C’est pourquoi le gouvernement a sonné la mobilisation générale pour accélérer les projets avec, à côté des grands chantiers stratégiques structurants, des mesures ponctuelles urgentes visant à faire face à la rareté des ressources hydriques. Construction de grands et petits barrages, construction d’unités de dessalement de l’eau de mer, construction d’usines de traitement des eaux usées, opérations de raccordement entre les bassins…, tout un ensemble de dispositifs a été mis en place. Et l’Etat ne lésine pas sur les moyens. Pour la mise en œuvre des grands axes du Programme d’approvi- sionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027, le montant des investisse- ments programmés a été porté de 115 à 150 Mds de DH. Mais il faudra bien plus

Fatima Zahra OURIAGHLI

La région méditerranéenne connaîtra à l’horizon 2050 une baisse de l’eau comprise entre 20 et 30%.

M ise en page Zakaria BELADAL

J ournalistes Charaf JAIDANI Adil HLIMI Momar DIAO

I mpression MAROC SOIR

D istribution SOCHEPRESS

D épartement commercial Samira LAKBIRI Rania BENCHAIB

Youssef SEDDIK Khalid AOURMI Ibtissam ZERROUK Réda Kassiri HOUDAIFA

D irecteur G énéral , responsable de la publication Fatima Zahra OURIAGHLI

A dresse 83, Bd El Massira El Khadra, Casablanca Tél (0522) 98.41.64/66. Fax : (0522) 98.40.22 Site web : www.fnh.ma É dition JMA C onseil Autres éditions du groupe : Finances News Hebdo, Autonews, Laquotidienne

A ssistante de direction Amina KHCHAI

Meryem OUAANNA Malak BOUKHARI R évision Mohamed LABDAOUAT D irecteur technique & maquettiste Abdelillah CHAMSEDDINE

D irecteur A dministratif et F inancier Leïla OURIAGHLI

A dministratif Fatiha AÏT ALLAH Nahla SEHLAL

D irecteur des rédactions & développement David WILLIAM

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C onjoncture

Politique monétaire

2022, année de revirement dans la stratégie de Bank Al-Maghrib La Banque centrale a relevé à deux reprises son taux directeur cette année pour mater une inflation coriace. 2022 fut une année de hausse du coût de la vie au Maroc. L’inflation culmine à plus de 8% depuis l’été et les risques d’une poursuite de cette tendance sont bien rééls.

ank Al-Maghrib a déci- dé d’entamer en sep- tembre un virage res- trictif dans la conduite de sa politique monétaire, en rup- ture avec sa politique ultra-accom- modante enclenchée durant la crise sanitaire et en phase, bien qu’en retard, avec les autres Banques cen- trales dans le monde. Une première hausse de 50 pbs a donc été actée à l’époque. Ce fut la première hausse depuis 2008. Qui plus est, elle porte sur 50 points de base. En conférence de presse post-Conseil, Abdellatif Jouahri, Wali BAM, concéda que les discussions au sein du Conseil por- taient sur le choix entre 50 et 75 points de base, ce qui a nourri un consensus autour de 25 à 50 points de base pour décembre, ce qui s’est finalement vérifié trois mois plus tard. Nous nous retrouvons donc avec un sursaut de 100 pbs en l’es- pace de 3 mois. Sursaut que le Wali qualifie de significatif, bien que les effets de la hausse de septembre ne soient pas encore perceptibles B

nale reste marquée profondément par les séquelles de la pandémie et les implications de la guerre en Ukraine, à travers notamment la persistance du renchérissement des produits énergétiques et alimentaires, ainsi que des perturbations des chaînes d’approvisionnement. Ces évolutions poussent l’inflation vers des niveaux exceptionnellement élevés» , a relevé le Conseil de septembre. Et d’ajou- ter : «L’inflation continue d’être ali- mentée par des pressions d’origine externes, mais les dernières données disponibles montrent une large dif- fusion vers les prix des produits non échangeables». Et Abdellatif Jouahri d’expliquer encore plus la déci- sion de BAM en s’appuyant sur des chiffres : «La diffusion de la hausse de l’inflation s’élargit. Sur les 116 sections de produits et services qui composent le panier de l’indice des prix à la consommation, 60,3% ont

dans les indicateurs économiques et enquêtes (enquête sur les taux débiteurs, etc.). Revirement de situation Un peu plus tôt dans l’année, en juin dernier, le Wali de Bank Al-Maghrib expliquait clairement que le carac- tère importé de l’inflation ne demandait pas de réponse moné- taire de la Banque centrale. Trois mois plus tard, la donne avait donc changé. «La conjoncture internatio-

Abdellatif Jouahri, Wali Bank Al-Maghrib

En mars dernier, alors que les autres Banques centrales sont rentrées dans des cycles restrictifs, BAM a décidé de maintenir le taux directeur à son niveau de 1,5% pour continuer à soutenir l’activité écono- mique et atténuer l’impact de l’environnement international défavorable, tout en prenant en compte le retour prévu de l’inflation à des niveaux modérés en 2023. Trois mois plus tard, BAM a décidé à nouveau de maintenir le taux directeur à son niveau de 1,5%, avec une prise en compte de la nature des pressions inflationnistes, essentiellement d’origine externes, et du retour prévu de l’inflation à des niveaux modérés en 2023. En septembre, le Conseil décide de relever le taux directeur de 50 pbs à 2%, pour prévenir tout désancrage des anticipations d’inflation et assurer les conditions d’un retour rapide à des niveaux en ligne avec l’objectif de stabilité des prix. Chronologie des événements

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C onjoncture

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repli enregistré ces derniers mois, ils continueront d’évoluer à des niveaux élevés. Dans ces conditions, l’inflation enregistre au niveau mon- dial une certaine décélération glo- balement, mais continue d’évoluer à un rythme soutenu.

sation devrait redonner un coup de fouet à l’inflation à partir de 2024. «En 2024, les tarifs réglementés enre- gistreraient une forte progression de 12,9%, avec le démarrage program- mé de la décompensation des prix du gaz butane et du sucre» , a indiqué le Wali. Parallèlement, le reste du monde devrait revenir à des niveaux d’inflation plus normatifs en 2024. Croissance atone La croissance économique mar- querait, elle, selon les projections actualisées de Bank Al-Maghrib, un net ralentissement cette année à 1,1%, résultat d’un recul de 15% de la valeur ajoutée agricole et d’une décélération à 3,4% du rythme des activités non agricoles. En 2023, elle accélérerait à 3%, portée par la hausse de 7% de la valeur ajou- tée agricole, sous l’hypothèse d’un retour à une production céréalière moyenne, alors que la croissance des activités non agricoles ralentit à 2,4%, pâtissant en particulier de la détérioration de l’environnement externe. En 2024, la croissance se situerait à 3,2%, recouvrant des accroisse- ments de 1,8% de la valeur ajou- tée agricole, sous l’hypothèse d’une production agricole moyenne, et de 3,5% de celle des activités non agri- coles.

connu une augmentation de plus de 2% en août contre 42,2% en janvier et 23% en moyenne entre 2018 et 2019», a-t-il précisé. Outre la diffu- sion de l’inflation aux produits non échangeables, la Banque centrale souhaite envoyer un signal aux opé- rateurs, en ancrant leurs anticipa- tions d’inflation. En d’autres termes, en cassant la spirale des anticipa- tions auto-alimentées; ces mêmes arguments ont été mis en avant en décembre. Inflation : C’est pas fini ! L’inflation va devoir continuer à enregistrer des taux élevés pour une période bien plus longue que prévu en septembre, impactée notam- ment par les pressions externes qui se diffusent aux biens et ser- vices non échangeables et par la mise en œuvre de la réforme du système de compensation à partir de 2024. Cet extrait du communi- qué de décembre de la Banque cen- trale montre que nous sommes loin d’en finir avec l’inflation. Pourtant, les prix des matières premières et le Dollar n’ont fait que corriger depuis septembre. Une correction que le Wali de Bank Al-Maghrib voit bien. Mais, selon lui, même si les prix des produits énergétiques vont poursuivre à moyen terme leur

La croissance économique marquerait, selon les projections actualisées de Bank Al-Maghrib, un net ralentissement cette année à 1,1%.

Fin de la décompensation et explosion des prix en 2024 ?

«Nos prévisions font ressortir que l’inflation passerait à 6,6% en 2022, avant de revenir à 3,9% en 2023. Il s’agit d’un taux qui dépasse tou- jours l’objectif de stabilité des prix», a dit le Wali, laissant entendre qu’il faudra continuer à combattre ce phénomène à moyen terme. Et la tâche ne s’annonce pas facile avec la perspective de la décompensa- tion à partir de 2024. Une réforme qui devrait s’étaler sur 2 ans, qui n’attendait que l’opérationnalisa- tion du registre social unifié actuel- lement en phase de test et qui est désormais intégrée dans le scénario central de BAM. Cette décompen- L’inflation va devoir continuer à enregistrer des taux élevés pour une période bien plus longue que prévu.

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M archés financiers

Dans un contexte toujours marqué d’incertitudes, le patron de la CIMR préconise d’être à la fois défensif et opportuniste. La recette anti-crise de Khalid Cheddadi Placements I ntervenant à l’occasion de la conférence organisée par Boursenews sur les perspec- tives des marchés, Khalid

Cheddadi, PDG de la CIMR, a pré- conisé de privilégier des stratégies à la fois défensives et opportunistes en matière de placement. D’abord, de la prudence… «L’aversion au risque devrait se ren- forcer davantage au vu de l’environ- nement économique et géopolitique tumultueux. Le caractère défensif se trouverait au niveau de l’allocation stratégique d’actifs qui devrait respec- ter plus rigoureusement l’adéquation des actifs et des passifs, en privilégiant cependant le court terme, et où un poids significatif devra être octroyé aux actifs les moins volatils et de haute qualité de signature ou des infrastructures dont la commercialisation du produit fini est dérisquée, aux matières premières et aux activités exportatrices etc.».

Selon le PDG de la CIMR, l’impact différencié de l’inflation sur les entre- prises donnera lieu à un mouvement de M&A dans lequel les gestionnaires de Private equity devront capter le potentiel de création de valeur. Les projets d’énergies vertes largement disponibles au Maroc, qui connai- tront une demande croissante sur les années à venir, présentent un poten- tiel d’investissement important pour les industriels, les institutionnels et les banques. « Je pense aussi que l’environnement inflationniste actuel augmentera la demande de solutions technologiques dans des domaines tels que le Cloud Computing, la cybersécu- rité et la transformation numérique, l’infrastructure de télécommunications et toute autre activité permettant la souveraineté numérique» , ajoute-t-il. Enfin, les prêts à taux variable peuvent offrir aux investisseurs et aux banques un moyen attrayant de réaliser des revenus supplémentaires intéressants, en plus de l’avantage du Hedging contre l’inflation qu’ils offrent, dans le sens où dans un environnement de taux en hausse, les émetteurs paient des coupons plus élevés. Bien évidem- ment, ces revenus plus élevés signi- fient également des frais d’intérêts plus élevés pour les émetteurs, d’où la nécessité d’être très exigeant en termes de qualité de signature desdits émetteurs, préconise-t-il.

matières premières ainsi que les ser- vices financiers]; • Les entreprises ayant un pouvoir de fixation des prix (Pricing power), pou- vant répercuter la hausse des coûts et de préserver leurs marges bénéfi- ciaires [exemple : marques fortes]; • Les entreprises portant dans leur bilan de la dette LT à taux fixe; • Les entreprises ayant une marge brute élevée offrant un grand coussin pour absorber l’inflation. … Et de l’opportunisme L’aspect opportuniste, quant à lui, se trouverait dans l’exposition aux secteurs portant des thématiques en adéquation avec le cycle économique actuel, «sachant qu’aujourd’hui, la situation saine des entreprises et du marché du travail laisse présager un changement rapide d’orientation poli- tique et une amélioration de sentiment des marchés, dès l’apparition de signes d’atténuation de l’inflation», prévoit- il. Et d’ajouter que «l’objectif de reloca- lisation et de proximité qui s’impose aujourd’hui à nos partenaires écono- miques, recèle un potentiel d’inves- tissement dans l’industrie et dans la logistique, autour desquelles il serait judicieux de structurer des stratégies d’investissement à long terme qui peuvent contribuer à faire progresser la croissance économique durable».

Khalid Cheddadi préconise de privilégier des stratégies à la fois défensives et opportunistes.

Bourse : Les placements anti- inflation

Toujours dans le registre de la pru- dence, il est nécessaire, selon Cheddadi, de se protéger tant qu’on peut contre l’érosion du capital due à l’inflation (qui restera élevée à court et moyen terme). Cette couverture, en l’absence d’instruments de couverture synthétiques, peut être recherchée au niveau des supports d’investissement suivants : • Les entreprises aux fondamentaux solides qui ont de bonnes perspec- tives à long terme, opérant dans des secteurs défensifs et moins sensibles aux changements de l’économie ou à l’inflation [tels que les produits de consommation de base, le secteur pharmaceutique, l’infrastructure, les

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B anques participatives

Bank Al Yousr «Notre ambition est de confirmer notre place de référence sur le marché» Le marché est resté stable malgré les tensions inflationnistes. Le démarrage du Takaful permet de donner une nouvelle dynamique pour le développement du marché de capitaux participatifs au Maroc. Entretien avec Mouna Lebnioury, Directeur général de Bank Al Yousr.

gratuit allant jusqu’à 10.000 DH par mois, de quoi leur permettre de gérer paisiblement leurs fins de mois diffi- ciles. Pour cette année et dans le même esprit, nous avons lancé l’offre de la banque gratuite à vie, avec frais de tenue de compte et carte monétique gratuite. Je rappelle enfin qu’en plus des dispositions exclusives de notre banque, un client d’une banque parti- cipative, particulier , professionnel ou entreprise profite des particularités du système bancaire participatif, à savoir absence de date de valeur, et donc d’agios dus aux décalages des flux. Enfin, quand un client de cette finance rencontre une difficulté majeure et vérifiable à rembourser ses échéances, la banque veille à trouver un arrange- ment au cas par cas. Nous rappelons tout cela pour répondre à ceux qui ne voient pas de spécificités propres à la finance participative. F. N. H. : Quelles sont vos ambitions à court moyen terme ? M. L. : A court terme, notre ambition est de confirmer notre place de référence sur le marché participatif en étant perçu par nos clients à l’image de ce que nous sommes aujourd’hui : une banque universelle et complète ser- vant l’ensemble de la clientèle, particu- liers, professionnels et entreprises, en répondant à leurs principaux besoins de banque au quotidien, de banque à distance via web et mobile, de finance- ment et de dépôt. Pour être à même de les accompagner tous, nous avons été précurseurs à éla- borer une offre complète grâce à notre travail d’ingénierie sur la base des contrats disponibles, et le processus d’innovation continue avec des offres et des expériences plus spécifiques. Nous ambitionnons également de demeurer à la hauteur des attentes de notre clientèle des entreprises surtout, et de continuer à être leur réel parte- naire de confiance, mobilisés pour aller au bout de leurs projets et les aider à traverser les moments difficiles. Nous misons pour cela sur le profes- sionnalisme, l’expertise de nos équipes et leur aptitude à délivrer le bon conseil et le meilleur accompagnement. A moyen terme ? Et bien et comme tout Marocain aujourd’hui, je pense que nous sommes en train de voir plus grand.

F. N. H. : Le démarrage du Takaful a-t-il apporté un nouveau souffle à l’industrie ? Comment ? M. L. : Dans le cadre de la construction de l’écosystème participatif, l’industrie Takaful est un must have à même de : • sécuriser le secteur bancaire partici- patif. • donner une nouvelle dynamique pour le développement du marché de capi- taux participatifs au Maroc. • permettre au client de vivre une expé- rience plus aboutie car plus sécurisée pour lui, les siens et pour son bien. • libérer la capacité d’octroi de finance- ment des banques. Bien entendu, l’activité Takaful ouvrira à l’avenir de nouvelles perspectives pour couvrir une série de besoins client très spécifiques non encore adressés aujourd’hui par la finance participa- tive . F. N. H. : Le contexte inflationniste et la baisse du pouvoir d’achat ont-ils eu des incidences sur vos activités cette année ? M. L. : Le monde entier traverse une période inflationniste et donc une dégradation sans précédent du pouvoir d’achat. Il va sans dire que les impacts ont été ressentis par tous, mais avec des intensités différentes. Nous avons en effet constaté un dyna- misme moins important des demandes de financement émanant de notre clientèle des particuliers, mais il n’y a pas de décélération à proprement par- ler et le marché reste stable. Néanmoins, de par notre engagement d’être proches et de rester à l’écoute de notre clientèle, nous comprenons les contraintes de nos clients et veillons à être présents en cas de coup dur ! Rappelons que pendant le confine- ment, nous avions accordé des reports exceptionnels, des mensualités de financement à nos clients, et avions lancé la carte de paiement avec différé

Finances News Hebdo : Globalement, comment ont évolué les indicateurs d’activité et de rentabi- lité de Bank Al Yousr en 2022 ? Mouna Lebnioury : A fin août 2022, le mar- ché bancaire participatif a poursuivi sa dynamique, avec une progression à deux chiffres sur l’ensemble des indi- cateurs d’activité, sur les ouvertures de comptes, sur les financements accor- dés et sur les dépôts. A Bank Al Yousr, nous sommes fiers d’enregistrer une dynamique supérieure à la place et de continuer à gagner des points de parts de marché significatifs. Le marché a également étendu son réseau pour élargir sa couverture des régions du Maroc et permettre à de plus en plus de Marocains de nous rejoindre et de vivre l’expérience par- ticipative. Quant au volet rentabilité, je pense que l’année 2023 sera une très belle année pour la finance par- ticipative. Rendez-vous donc en fin d’exercice.

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R essources hydriques

Ça craint ! Sécheresse, taux de remplissage des barrages historiquement faible, baisse drastique des nappes phréatiques : le Maroc connaît un sévère stress hydrique. L’Etat organise la riposte, mais sera-t-elle suffisante ?

à la Haute Moulouya, selon le ministre de l’Equipement et de l’Eau, Nizar Baraka. Le Maroc organise la riposte Face à cette situation critique et une sécheresse qui tend à devenir un défi structurel, l’Etat organise la riposte, à travers notamment le Plan natio- nal de l’eau et le Programme natio- nal d’alimentation en eau potable et d’irrigation 2022-2027, qui prévoit un investissement de 115 milliards de dirhams. Il s’agit également d’activer la construction des barrages program- més, mettre en place des intercon- nexions hydrauliques, promouvoir les technologies innovantes dans le domaine de l’eau, et particulièrement le dessalement d’eau de mer, dévelop- per de façon soutenue la réutilisation des eaux usées et améliorer l’efficacité hydrique. Dans ce cadre, durant les 3 dernières années, 4 stations de dessalement ont été achevées et mises en service : Al Hoceima, Agadir, Tarfaya et Laâyoune. Et, selon le DG de l’ONEE, Abderrahim El Hafidi, douze projets sont égale- ment en cours de développement. La réponse actuelle des autorités suffi- ra-t-elle à garantir la sécurité hydrique du Maroc ? Les projections n’incitent pas à l’optimisme, puisque, selon Baraka qui relève «un véritable pro- blème d’eau qu’on doit affronter» , la région méditerranéenne connaîtra à l’horizon 2050 une baisse comprise entre 20 et 30%. «L’évolution démographique prévisible

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taux de remplissage des barrages his- toriquement faible, baisse drastique des nappes phréatiques… ont fini par plonger le pays dans un sévère stress hydrique, comme le souligne le rapport du World Resources Institute (WRI). Sur un total de 164 pays, le Royaume se hisse à la 23 ème place du classement mondial, se situant dans la case des pays avec un taux de stress hydrique «élevé». Ces données sont confirmées par la Banque mondiale, qui souligne qu’entre 1960 et 2020, les ressources hydriques renouvelables disponibles ont diminué, pour passer de 2.560 m 3 à environ 620 m 3 par personne et par an, entraînant le pays dans une situation de «stress hydrique structurel». Au 8 décembre 2022, les réserves en eau du Maroc étaient inférieures à 4 milliards de m 3 , avec des barrages qui affichent un taux de remplissage de 23,8% contre 34,6% enregistré l’an der- nier à la même période. De même, à cause de l’exploitation excessive de la nappe phréatique, celle-ci connaît une baisse de trois mètres, dépassant, parfois même, les 6 mètres, comme c’est le cas à Zagora et

a situation hydrique au Maroc est alarmante. Le Royaume est frappé de plein fouet par la pénurie

d’eau. Mais il n’est pas le seul dans ce cas. Selon les Nations unies, la pénurie d’eau touche actuellement près de 700 millions de personnes dans 43 pays. Et cela va aller en s’empirant. En 2025, 1,8 milliard de personnes vivront dans des pays ou régions touchés par une pénu- rie d’eau complète et les deux tiers de la population mondiale pourraient vivre dans des conditions de stress hydrique. Selon le scénario actuel sur le change- ment climatique, près de la moitié de la population de la planète vivra dans des régions soumises à un fort stress hydrique d’ici 2030, dont entre 75 mil- lions et 250 millions de personnes en Afrique. De plus, la pénurie d’eau dans certaines régions arides et semi-arides poussera entre 24 à 700 millions de personnes à se déplacer. Le Maroc dans le dur Le Maroc traverse une période par- ticulièrement difficile. Sécheresse,

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L’ONEE fortement mobilisé

pour les 30 prochaines années montre que la pression humaine sur les res- sources en eau ira en croissant, faisant de la pénurie chronique d’eau une don- née structurelle dont il faut impérative- ment tenir compte dans les politiques et stratégies de gestion des ressources en eau. Avec l’hypothèse du maintien de la disponibilité des mêmes ressources en eau et le résultat de la projection de la population à l’horizon 2050 qui est de l’ordre de 44 millions d’habitants, nous aurions un ratio de l’ordre de 510 m 3 par personne/an. Cette moyenne cor- respond quasiment au seuil de rareté extrême de l’eau (500 m 3 par habitant/ an). Avec la considération des impacts futurs du changement climatique, le Maroc pourrait être situé au cours des prochaines décennies au-dessous du seuil de rareté de l’eau», nous confiait récemment Mohamed Chikhaoui, professeur à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II (IAV) et expert en gestion des ressources sol et eau (www. laquotidienne.ma). La réponse du Maroc devra donc dès lors être musclée pour faire face à cette situation, et ne point se limiter à des éléments techniques. Ce que confirme Jesko Hentschel, directeur des opé- rations de la Banque mondiale pour le Maghreb et Malte, pour qui «les événements récents ont montré que les solutions techniques ne suffisent plus à protéger l’économie contre les chocs climatiques et soulignent la nécessité d’adopter des politiques complémen- taires, telles que celles décrites dans le nouveau modèle de développement, qui permettraient de tenir compte de la véritable valeur des ressources en eau et d’encourager des usages plus efficients et plus raisonnés». Mobilisation générale Qu’ils soient du public ou du privé, tous les acteurs sont actuellement mobilisés pour faire face à cette crise de l’eau. Aujourd’hui, le leitmotiv est de rationnaliser au mieux l’utilisation des ressources hydriques, la princi- pale crainte des autorités étant de ne pouvoir satisfaire les besoins en eau potable, vu la faiblesse des réserves des barrages. Ces besoins ont pu être satis- faits jusqu’à présent grâce au renforce- ment de l’approvisionnement en eaux souterraines et des barrages réservés au secteur agricole. Parallèlement, diverses mesures d’ur- gence ont été initiées par le gouverne-

ment, dont notamment le dessalement de l’eau de mer. A Agadir, 15 mil- lions de m 3 d’eau ont été traités depuis février 2022. Il est aussi prévu d’accé- lérer la cadence de réalisation des sta- tions de dessalement d’eau de mer à Casablanca, Safi, El Jadida et Nador, ainsi que la réalisation de la tranche d’urgence du projet d’interconnexion des bassins du Sebou-Bouregreg. En outre, dans le cadre du programme national pour l’approvisionnement en eau potable et d’irrigation, il s’agit éga- lement de donner un coup de fouet à la réalisation des petits et grands bar- rages. Objectif : porter la capacité de stockage à 24 milliards de m 3 à l’hori- zon 2030, conformément aux direc- tives royales. Clairement, la situation est inquié- tante : les décisions urgentes prises ne permettent de régler que partielle- ment des problématiques ponctuelles, tandis que les mesures structurantes, qui peuvent apporter des solutions durables, ne produiront leurs effets qu’à moyen et long terme. Dès lors, faudra-t-il se préparer dès à présent à une rationalisation de l’approvisionnement dans les grandes villes du Maroc, avec notamment des ruptures dans l’alimentation en eau potable ? Ce n’est pas une option à écarter, au regard notamment des défi- cits hydriques actuels. Des déficits qui risquent de devenir structurels sous l’effet du changement climatique et qui vont aggraver la crise de l’eau, pas seulement au Maroc, mais dans le monde. La demande sur cette res- source devrait dépasser l’offre de 40% d’ici 2030, selon la Banque mondiale, qui précise que «les sécheresses, les inondations et les autres risques liés à l’eau gagnent en intensité; les eaux sou- terraines sont surexploitées et polluées; et les villes et les exploitations agricoles sont en butte à de graves pénuries d’eau. Ces phénomènes vont compromettre les acquis du développement et nécessite- ront de nouveaux investissements dans des solutions de gestion de l’eau».

Abderrahim El Hafidi, DG de l’ONEE

L’Office national de l’électricité et de l’eau potable est forte- ment engagé dans le domaine de l’eau. En 2021, une enve- loppe d’environ 4,4 Mds de DH a été investie pour renforcer et sécuriser l’alimentation de la population en eau potable en milieux urbain et rural et pour développer l’assainissement liquide. En mars dernier, le DG de l’Office, Abderrahim El Hafidi annonçait au Parlement la construction de 92 stations de traitement, dont 8 réservées au dessalement de l’eau de mer et onze autres spécialisées dans la déminéralisation des eaux saumâtres, ainsi que le creusement de 1.800 forages et puits. Au cours de cette année, l’ONEE a en outre lancé et /ou concrétisé plusieurs projets. Il a ainsi procédé le 7 mars 2022 au démarrage des travaux relatifs au renforcement de l’ali- mentation en eau potable du centre de Sidi Mokhtar, relevant de la province de Chichaoua, à partir du barrage Abou Abbas Sebti, pour un débit global de 2.592 m 3 /jour. D’un coût global de 29,5 millions de dirhams, ce projet sera mis en service en juin 2023. Fin mars, l’Office a mis en service un important projet d’adduction d’eau potable à partir du barrage Al Massira, pour une enveloppe de 2,5 milliards de DH. Il permet de produire 216.000 m 3 par jour d’eau potable et de sécuriser l’alimentation en eau potable à l’horizon 2040 de la ville de Marrakech et des villes et localités avoi- sinantes (Skhour Rhamna, Ben Guerir, Sidi Bou Othmane, Tamensourt et populations rurales sur l’axe Skhour Rhamna- Marrakech). En juin, l’Office a procédé à la mise en service industrielle de la première tranche du projet de sécurisation de l’approvision- nement en eau potable de la zone Sud du Grand Casablanca à partir des installations de production d’eau potable traitant les eaux du barrage Sidi Mohamed Ben Abdellah. Coût du projet : environ 180 millions de dirhams. La deuxième tranche de ce projet coûtera 120 MDH et sa mise en service est prévue en juillet 2023. Fin juillet, l’Office a procédé à la mise en production progres- sive d’un important projet de renforcement et de sécurisation de l’approvisionnement en eau potable des villes de Fès et Meknès et des localités avoisinantes à partir des eaux du bar- rage Idriss 1 er . Ce projet, d’un coût global d’environ 1,7 mil- liard de dirhams, vise à augmenter la capacité de production d’eau potable des installations existantes par un débit supplé- mentaire d’environ 43.200 m 3 /jour, dans une première phase, et qui sera augmenté progressivement à 172.800 m 3 /jour. Selon l’ONEE, «la prise d’eau réalisée par perforation du bar- rage Idriss 1 er constitue une véritable prouesse technique et compte parmi les rares opérations de perforation de barrage à l’échelle mondiale. Cette opération devra être dupliquée au niveau d’autres barrages au Maroc».

La disponibilité des res- sources en eau dans le Royaume est passée de 2.560 m 3 en 1960 à moins de 620 m 3 en 2022.

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R essources hydriques

Rareté de l’eau

Etat d’urgence hydrique ! Le ministère de l’Equipement et de l’Eau agit actuellement sur deux principaux leviers : la protection et l’efficacité hydriques. Les technologies innovantes, comme notamment le dessalement de l’eau de mer, semblent être une alternative crédible face à la baisse constante des apports en eau due au changement climatique.

consommer, mieux produire et moins rejeter» , c’est-à-dire moins gaspiller. C’est à ce titre que nous avons lancé une campagne importante intitulée «’’Stop au gaspillage’’», note-t-il. En cela, fait remarquer le ministre, «nous nous retrouvons parfois avec beaucoup d’eau au niveau des grands barrages que nous sommes obligés de rejeter en mer afin d’éviter les risques de destruction de ces ouvrages suite aux inondations qui peuvent subvenir». Ainsi, fait-il savoir, «1 milliard de mètres cubes d’eau est rejeté en mer tous les ans au Maroc. En 2022, malgré la faible pluviométrie et la baisse des apports, nous avons lâché 500 millions de m 3 au niveau du barrage Wahda». Multiplication des initiatives Face au déficit hydrique sévère qui frappe le Maroc, les pouvoirs publics multiplient les initiatives. Actuellement, pas moins de 16 barrages sont en cours de construction. «Nous allons égale- ment démarrer une opération de trans- fert de l’eau disponible à partir du bas- sin de Sebou et du Bouregreg. De cette manière, des villes comme Casablanca pourront être mieux sécurisées sur le plan hydrique» , confie Baraka. Les actions portent aussi sur le dessale- ment de l’eau de mer, la réutilisation des eaux usées, une meilleure connexion entre les différents bassins, une meil- leure valorisation des ressources en eau dans le secteur agricole et dans les zones industrielles, la protection des nappes phréatiques… «Nous sommes en outre en train de cartographier et de répertorier les différentes nappes phréa- tiques. Nous réfléchissons également à la pose de compteurs au niveau des puits afin de rationaliser leur exploitation» , souligne le ministre, qui a tenu à saluer les efforts du Groupe OCP en matière de promotion de la technique de dessa- lement de l’eau, étant donné que tous ses sites industriels seront alimentés, à terme, uniquement par des stations de dessalement dédiées. Pour Baraka, l’action publique ne sau-

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a tenu d’emblée à planter le décor. «Le Maroc est classé au 23 ème rang mon- dial pour ce qui est de l’exposition aux risques hydriques» , a-t-il affirmé, sou- lignant que «2022, qui est la 4 ème année consécutive de sécheresse, a été particu- lièrement sèche, avec une baisse de plus de 80% des apports en eau. Cette année a également été très chaude, avec des niveaux de température qui ont dépassé les moyennes habituelles d’environ 1 degré. Tout cela touche bien évidemment le consommateur et les agriculteurs, en plus de menacer les générations futures». Selon lui, face aux changements clima- tiques sur lesquels les gouvernements n’ont aucune emprise, il y a deux élé- ments essentiels auxquels il faut prêter attention. Le premier concerne la protection hydrique, autrement dit protéger les citoyens contre la soif, les inondations et le manque de produits alimentaires (puisque les agriculteurs sont tou- chés par la sécheresse). Il s’agit aussi de protéger les générations futures, en rapport notamment avec les nappes phréatiques. «Nous avons eu cette année une baisse encore plus importante des nappes phréatiques, qui a atteint dans certains endroits jusqu’à six mètres contre une baisse moyenne de 3 par an». Le second élément a trait à l’effica- cité hydrique : ce qui suppose «mieux L’année 2022 a été particulièrement sèche, avec une baisse de plus de 80% des apports en eau.

aiblesse des précipita- tions, épisodes de séche- resse de plus en plus récurrents, déficit sévère

des bassins hydrauliques, niveau des nappes phréatiques qui recule de 2 à 3 mètres par an … : c’est le panorama de la situation hydrique au Maroc. Une situation d’autant plus alarmante que la disponibilité des ressources en eau dans le Royaume est passée de 2.560 m 3 en 1960 à moins de 620 m 3 en 2022, soit un niveau en deçà du seuil de pénurie fixé à 1.000 m 3 /hab/an. Et l’on s’ache- mine vers le seuil de 500 m 3 /hab/an. C’est pourquoi la gestion des ressources hydriques a été érigée en priorité natio- nale. La problématique de l’eau cris- tallise actuellement tous les débats. En témoigne le Symposium de l’eau, organisé mercredi 5 octobre 2022 par Finances News Hebdo, en partenariat avec le ministère de l’Equipement et de l’Eau et le ministère de l’Industrie et du Commerce. Tenu sous le thème «Efficacité et sécurité hydriques au Maroc : Tous responsables !» , cet événe- ment important a réuni tous les acteurs de l’écosystème concerné par cette problématique. Il s’est décliné en trois tables-rondes qui ont permis d’aborder le stress hydrique au Maroc dans toutes ses dimensions. La première table- ronde s’est penchée sur «les politiques publiques en matière de protection des ressources et d’efficacité hydriques»; la seconde a porté sur «les bonnes pra- tiques en matière de gouvernance et de contrôle de l’eau» ; et la dernière sur «les partenariats public-privé dans la gestion des ressources hydriques». Dans son intervention, le ministre de l’Equipement et de l’Eau, Nizar Baraka,

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R essources hydriques

collecteur très efficient, représente, pour nous, un véritable exemple à dupliquer pour notre région» , estime Maâzouz, qui conclut que «la problématique de l’eau est aujourd’hui sérieusement prise en charge aux niveaux central, régional et local». Le dessalement, l’alternative Le problème de l’eau n’est pas spéci- fique au Maroc, c’est une probléma- tique mondiale. Pour le Directeur géné- ral de l’ONEE, Abderrahim El Hafidi, «les facteurs exogènes, comme le change- ment climatique et la sécheresse, tendent à montrer que notre modèle de gestion hydrique a montré ses limites, puisqu’il dépend de facteurs sur lesquels on n’a pas de maîtrise». Rien que pour la production de l’eau potable, le Maroc dépend à 97% des eaux de barrage et des eaux souter- raines, fait-il savoir. D’où la nécessité de réduire cette dépendance vis-à-vis de cette variabilité des apports. Pour le patron de l’ONEE, l’avenir du Maroc est dans les technologies innovantes. Autrement dit, le dessalement. Cela tient au fait que le Maroc a fait des «pas de géant» dans ce domaine. «Auparavant, le coût de production du mètre cube était trop élevé en raison du prix de l’énergie (qui représente 45% du coût de produc- tion du mètre cube). Actuellement, ce n’est plus le cas, d’autant qu’avec les

ava ncées réa lisées par le Royaume dans le domaine des énergies renouvelables, le kwh est très compétitif». Les propos de Mohammed Jalil, expert hydrologue, vont dans le même sens : «la variabilité climatique va s’exacerber, et c’est un phénomène mondial» . «Le changement climatique a pour consé- quence des risques de crises majeures auxquelles le Maroc doit se préparer», ajoute-t-il, d’où la «nécessité de placer la question de la variabilité hydrique au centre des priorités nationales». Si Mohammed Jalil adhère au dessa- lement, il relève néanmoins que cette technologie a un effet certain sur l’ex- plosion des coûts énergétiques. C’est pourquoi il appelle à «réfléchir davan- tage à l’utilisation de l’énergie nucléaire afin de pouvoir dessaler à moindre coût». Le constat est là : politiques, pouvoirs publics, opérateurs privés, experts…, tous reconnaissent que le Maroc est dans une situation d’urgence hydrique extrême. Tous reconnaissent aussi qu’il ne faut pas seulement agir sur l’offre, mais également sur la demande, en sen- sibilisant notamment les populations. Car, in fine, les politiques publiques déployées n’auront véritablement d’effet que si les citoyens y adhèrent. C’est l’un des messages forts de ce Symposium de l’eau qui a été de haute facture, le niveau des débats ayant été relevé par la qualité des intervenants.

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rait cependant suffire pour faire face à cette problématique de l’eau qui va per- durer et qui risque de s’aggraver. C’est pourquoi il appelle à la mobilisation de tous les citoyens. Urgence dans la région Casablanca- Settat La consommation en eau au niveau de Casablanca-Settat est la plus élevée du Royaume. Cette région est très tou- chée par le stress hydrique. «En 2025, est attendu un déficit de 330 millions de m 3 , qui va être porté à 417 millions de m 3 en 2030 si rien n’est fait», alerte Abdellatif Maâzouz, qui appelle à agir urgemment. Le président de la région assure qu’il a pris la mesure de la gra- vité de la situation, puisque «9 Mds de DH ont été mobilisés à ce titre dans le cadre du Programme de développement régional». D’ailleurs, «un programme d’une qua- rantaine de petites et moyennes stations de dessalement a été lancé pour 1,4 Md de DH» , poursuit-il. Il est aussi question d’améliorer le réseau de distribution de l’eau potable pour réduire les pertes estimées actuellement à 20%. De même, «nous sommes en train de mettre en place deux grands collecteurs qui permettront la récupération et le recyclage de l’eau. A ce titre, une ville aussi verte que Rabat, qui dispose d’un

Pour les par- ticipants au

Symposium de l’eau, organisé dernièrement par Finances News Hebdo, les poli- tiques publiques déployées au Maroc n’auront véritablement

d’effet que si les citoyens y adhèrent.

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