Hors série Numéro 45

Découvrez le numéro 981 de Finances News Hebdo, premier hebdomadaire de l'information financière au Maroc

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SOMMAIRE 2023, un exercice particulièrement dif fi cile Conjoncture 6 SOMMAIRE FINANCES NEWS HEBDO [ HORS-SÉRIE N°45 ]

Politique monétaire

de 1,4 Md de DH par an déjà identi fi és Entretien avec David Toledano : Matériaux de construction, l’export, chantier prioritaire pour la profession Grande distribution : Marjane veut consolider son positionnement Agroalimentaire : «Full focus» sur le sourcing local Entretien avec Abdelmounim El Eulj : Souveraineté alimentaire, «Le recours à la production locale est la priorité des industriels agroalimentaires» Dispositifs médicaux : Le Maroc peut mieux faire Fournitures scolaires : L’industrie peine à combler les besoins nationaux

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Taux directeur : Une pause justi fi ée ?

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Co-développement en Afrique

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Entretien avec Sidimohamed Abouchikhi : Creditinfo, «La réforme des BIC permettra de faire un grand pas vers l’inclusion fi nancière» Maroc – Afrique : Loin des logiques démagogiques Coopération : «Les pays africains doivent travailler main dans la main» Gazoduc Nigeria – Maroc : Un deal à plus de 25 milliards de dollars Secteur fi nancier : Les banques marocaines donnent l’exemple Assurances : Une expansion pour le développement régional Entretien avec Adil Bouifrouri : Wafa Assurance, un assureur engagé pour le continent africain Sécurité alimentaire : L’OCP engagé sur plusieurs fronts Entretien avec Brahim Laroui : «nous veillons à ne pas opérer sur les territoires de nos fi liales avec une vision unique du business et du Way of doing business» Sothema : Œuvrer pour un accès aux soins de qualité dans le continent Promotion immobilière : Addoha et Alliances en porte- fl ambeaux BTP : Les opérateurs marocains gagnent la con fi ance des décideurs africains Managem : Une coopération win-win en Afrique Coopération religieuse : Un antidote au terrorisme Football : «La présence du Maroc dans l’échiquier de la diplomatie sportive et footballistique est primordiale» Un ambitieux pari sur l’avenir Entretien avec Ryad Mezzour : Souveraineté économique, «Le Made in Morocco est l’ambition d’une nation» Entretien avec Karim Cheikh : «La fi lière aéronautique prend sa vitesse de croisière» Industrie automobile : Le secteur franchit un nouveau cap majeur Entretien avec Hakim Abdelmoumen : Amica, «L’industrie automobile nationale a conforté sa position mondiale» Industrie textile : Le secteur poussé vers la circularité Entretien avec Adil Lamnini : «Encourager l’innovation et la R&D est essentiel pour améliorer la compétitivité» Matériaux de construction : 10 projets de plus

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Agriculture

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Campagne Agricole : L’Etat au chevet des exploitants pour lutter contre la sécheresse

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Opération Marhaba 2023 Entretien avec Matteo Catani : Transport maritime, «20% des passagers transportés annuellement par GNV vont au Maroc» 88 Développement durable Entretien avec Adil Gaoui : Hydrogène blanc, «La géologie du Maroc et ses couches terrestres permettent de croire à un avenir H2 naturel verdoyant» Entretien avec Aliou Boubacar Diallo : L’hydrogène blanc, le pari gagnant du Mali 92 94 Automobile Salon Auto Occasion : La deuxième édition tient toutes ses promesses 96 Société Viols au Maroc : Pourquoi il faut durcir la loi 100 Culture Entretien avec Brahim El Mazned : Festival, Visa for Music prend du volume ! Mécénat : La Fondation BMCI joue (très) bien sa partition ! 102 104

Retraite

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Réforme du système : Entre urgence et appréhension Entretien : Caisse Marocaine des Retraites, coopération sud-sud, performances fi nancières, stratégie… Lot fi Boujendar nous dit tout CIMR : Résilience avérée, optimisme pour 2023

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AMO Feuille de soins électronique : La CNSS met les bouchées doubles 84 Nouvelles technologies Blockchain : Les fi nanciers en pole position 85

Made in Morocco

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3 HORS-SÉRIE N°45 / FINANCES NEWS HEBDO

E DITORIAL

Co-développement en Afrique

Le Maroc aux avant-postes

L

e co-développement en Afrique reste une thématique phare dans l’agenda de la politique étran-

Un message réitéré encore une fois en mars 2018, le Souverain soulignant que «(…) le Maroc croit à un co-déve- loppement fondé sur la coopération intra-africaine et la complémentarité économique, sur la solidarité active et la mutualisation des moyens et des efforts (….)» . Cette posture du Roi justifie d’ail- leurs que depuis l’an 2000, le Maroc a conclu plus de 1.000 accords avec les pays africains dans différents domaines de coopération. Aujourd’hui, convenons-en, le centre de gravité de l’économie mondiale se déplace vers les marchés émergents dynamiques tels que ceux d’Afrique. Alors, naturellement, le continent fait l’objet de toutes les convoitises, par- ticulièrement de la part des grandes puissances étrangères qui le consi- dèrent comme une vache à lait, un territoire qu’il faut piller de ses riches ressources naturelles. Ce qui est justement à l’opposé de la démarche prônée par le Royaume, qui érige la coopération sud-sud mutuel- lement avantageuse en principal pivot de sa politique extérieure. Et dans un contexte où la pandémie et la guerre en Ukraine ont redéfini les codes de la mondialisation et mis à rude épreuve les économies, les pays d’Afrique ont donc tout intérêt à requalifier leurs relations pour constituer des blocs économiques solides.

gère du Royaume. C’est le socle sur lequel repose la coopération entre le Maroc et les pays du continent. Et le Roi Mohammed VI n’a eu cesse de le rappeler dans ses différents discours. Dans son discours lors du 63 ème anni- versaire de la Révolution du Roi et du Peuple en août 2016, il soulignait ainsi que «(…) nous avons la conviction que l’intérêt du Maroc, c’est aussi l’intérêt de l’Afrique, et que son devenir ne peut se concevoir sans elle. Nous pensons que le progrès et la stabilité sont parta- gés ou ne sont pas. (…) S’il est naturel que le Maroc tire parti de la coopéra- tion avec ses frères d’Afrique, il tient toujours à ce que ce soit mutuellement profitable (…) Nous ne considérons pas l’Afrique comme un marché pour vendre et écouler les produits maro- cains, ou un cadre pour le lucre rapide, mais plutôt comme un espace d’action commune pour le développement de la région, au service du citoyen afri- cain (…) C’est dans ce contexte que le Maroc, aux côtés des Etats d’Afrique, apporte son concours à la réalisation de projets de développement humain et de prestations sociales ayant un impact direct sur la vie des populations de la région (…)».

Fatima OURIAGHLI

Le centre de gravité de l’économie mondiale se déplace vers les marchés émergents dynamiques tels que ceux d’Afrique.

M ISE EN PAGE Zakaria BELADAL

J OURNALISTES Charaf JAIDANI

I MPRESSION MAROC SOIR

Adil HLIMI Aziz DIOUF

D ISTRIBUTION SOCHEPRESS

D ÉPARTEMENT COMMERCIAL Samira LAKBIRI Rania BENCHAIB

Youssef SEDDIK Khalid AOURMI Ibtissam ZERROUK

D IRECTEUR G ÉNÉRAL , RESPONSABLE DE LA PUBLICATION Fatima OURIAGHLI

A DRESSE 83, Bd El Massira El Khadra, Casablanca Tél (0522) 98.41.64/66. Fax : (0522) 98.40.22 Site web : www.fnh.ma É DITION JMA C ONSEIL Autres éditions du groupe : Finances News Hebdo, Autonews, Laquotidienne

Réda Kassiri HOUDAIFA Meryem AÏT OUAANNA Malak BOUKHARI R ÉVISION Mohamed LABDAOUAT D IRECTEUR TECHNIQUE & MAQUETTISTE Abdelillah CHAMSEDDINE

A SSISTANTE DE DIRECTION Amina KHCHAI

D IRECTEUR A DMINISTRATIF ET F INANCIER Leïla OURIAGHLI

A DMINISTRATIF Fatiha AÏT ALLAH Nahla SEHLAL

D IRECTEUR DES RÉDACTIONS & DÉVELOPPEMENT David WILLIAM

FINANCES NEWS HEBDO / HORS-SÉRIE N°45 4

C ONJONCTURE

2023, un exercice particulièrement dif fi cile

Après une année 2022 marquée par des niveaux d’inflation exceptionnellement élevés, une situation géopolitique difficile et un resserrement des politiques budgétaires et monétaires, l’économie nationale connait de nouvelles perturbations en 2023.

A

près un fort rebond post-crise sanitaire, l’économie maro- caine a subi la pres-

BAM. Pour les secteurs non agri- coles, la progression de leur valeur ajoutée ralentirait de 3% en 2022 à 2,5% en 2023, avant de s’accélérer à 3,2% en 2024. La décélération de la demande extérieure adressée au Maroc et le maintien des prix des matières premières à des niveaux élevés, quoiqu’en légère baisse, sont également cités comme des élé- ments susceptibles de peser sur la croissance. Récemment, le Haut-Commissariat au Plan (HCP) a livré ses prévisions pour le 3e trimestre de l’année en cours. Ainsi, l’activité économique devrait progresser de 3,4% au troi- sième trimestre 2023, en variation annuelle, au lieu d’une hausse de 1,9% au cours de la même période de l’année antérieure. Selon lui, la valeur ajoutée agricole devrait, ainsi, augmenter de 6,8% au 3e tri- mestre 2023, portée par la poursuite du redressement de la production végétale. En face, la baisse de la pro- La croissance de l’éco- nomie nationale devrait s’établir à 2,4% en 2023, puis s’améliorer à 3,3% en 2024.

duction animale s’atténuerait, dans un contexte de mise en œuvre des mesures de lutte contre les effets de la sécheresse visant à assurer un approvisionnement suffisant en orge pour les éleveurs du grand bétail. Parallèlement, le HCP estime que la résilience de la demande devrait entretenir une hausse de la valeur ajoutée des activités hors agriculture de 3,3% au T3-2023, en variation annuelle. Quant à elle, la croissance hors agriculture, essentiellement soutenue par les services de l’hé- bergement et la restauration depuis la mi-2021, se rééquilibrerait pro- gressivement au profit des autres branches d’activité, prévoit la même source. Une inflation qui redescend Comme dans une grande partie du monde, la guerre en Ukraine, conjuguée à la réorganisation des chaînes d’approvisionnement mon- diales, a favorisé une forte augmen- tation du taux d’inflation, l’inflation annuelle marocaine atteignant un pic de 10,1% en février 2023, avant de ralentir les mois suivants pour s’établir à 7,1% en mai. Il faut noter

sion croissante de chocs d’offres se chevauchant : une grave sécheresse couplée à la flambée des prix des matières premières qui ont nour- ri l’inflation. Selon les dernières prévisions de Bank Al-Maghrib, la croissance de l’économie nationale devrait s’établir à 2,4% en 2023, puis s’améliorer à 3,3% en 2024. «La succession de deux années de séche- resse conjuguée à un environnement externe globalement défavorable continuent de peser sur l’activité éco- nomique. Avec une production céréa- lière estimée par le Département de l’agriculture à 55,1 millions de quin- taux, la croissance de la valeur ajou- tée agricole devrait se limiter à 1,6% en 2023, après une contraction de 12,9% un an auparavant» , explique l’institution monétaire. Une projec- tion qui ne varie pas beaucoup par rapport à celle de la Banque mon- diale qui s’attend à une croissance économique de 2,5% en 2023, avant de progresser à 3,3% en 2024. En 2024, la valeur ajoutée agricole devrait, sous l’hypothèse d’une récolte céréalière de 70 millions de quintaux, croître de 5,5%, prévoit

FINANCES NEWS HEBDO / HORS-SÉRIE N°45 6

que le rythme de progression décé- lère pour la 1ère fois depuis six tri- mestres de hausse s’établissant à 7,1% en glissement annuel, au lieu de 9,1% un trimestre auparavant, selon le HCP. Pour atténuer les répercussions de la hausse des prix des aliments et de l’énergie sur les ménages, le Maroc a adopté une série de mesures, notamment l’octroi de subven- tions générales sur certains pro- duits de première nécessité et le maintien des prix réglementés pré- existants. Cette approche a stabi- lisé les prix des biens et des services qui absorbent près d’un quart des dépenses moyennes des ménages, évitant ainsi une augmentation plus prononcée de la pauvreté. Cela aura nécessité la mobilisation de dépenses publiques supplémen- taires, correspondant à presque 2% du PIB. Malgré ces mesures, ce sont les ménages modestes et vulnérables qui continuent de souffrir le plus de l’impact de la poussée inflation- niste des prix alimentaires et autres prix. Selon un rapport de la Banque mondiale, l’inflation annuelle a été

pratiquement 30% plus élevée pour les 10% les plus pauvres de la popu- lation, par rapport aux 10% les plus riches, principalement en raison de l’impact de la hausse des prix ali- mentaires qui représente une part plus importante de dépenses chez les ménages les plus pauvres. Le rapport établit également que la grande réforme de la protection sociale envisagée par le Royaume, permettra le ciblage des aides publiques aux ménages modestes et vulnérables. Déficit budgétaire exacerbé L’année 2023 s’annonce égale- ment comme un défi financier pour l’État. En effet, la poursuite prévue de l’évolution des dépenses budgé- taires, alourdies par le niveau élevé des prix des produits subventionnés et par l’effort budgétaire en matière de la généralisation de la protec- tion sociale et de la réforme de la santé et de l’éducation, devrait exer- cer davantage de pression sur les finances de l’État en 2023. Dans ce cadre, les dépenses ordi- naires devraient se stabiliser à près de 19,7% du PIB et rester toutefois

supérieures à la moyenne annuelle de 18,7% enregistrée durant la période 2015-2020. Cette hausse s’explique principalement par le maintien des dépenses de compen- sation à près de 2,5% du PIB au lieu d’une moyenne de 1,4% au cours de la même période. En outre, l’ac- croissement attendu des dépenses des autres biens et services et celui de la masse salariale devraient alourdir davantage les dépenses ordinaires. Quant aux recettes ordinaires, elles devraient ralentir en 2023 pour s’éta- blir à 19,5% du PIB, en léger recul par rapport à leur niveau estimé en 2022, suite notamment au ralentis- sement prévu des recettes de l’IS et celles de la TVA à l’importation et des droits de douane. De leur côté, les recettes non fiscales devraient atteindre 2,2% du PIB, bénéficiant de la mobilisation des mécanismes innovants de financement et des recettes de monopole. En tenant compte des dépenses d’investisse- ment qui devraient s’établir à 5,5% du PIB, le déficit budgétaire devrait se maintenir à près de 5,5% du PIB en 2023.

La sécheresse persistante et l’inflation élevée fragilisent la croissance, alors que le chômage a dépassé son pic pandémique en mars 2023.

7 HORS-SÉRIE N°45 / FINANCES NEWS HEBDO

P OLITIQUE MONÉTAIRE

Une pause justi fi ée ? Taux directeur

rémunération de l’épargne. Rappelons que depuis le T4-2022, les taux réels au Maroc s’établissent toujours en terri- toire négatif. En marquant une pause de son cap monétaire restrictif initié en sep- tembre 2022, Bank Al-Maghrib semble en attente d’une meilleure transmis- sion de ses décisions monétaires (+150 Pbs ) vers l’économie réelle. L’objectif étant de faire face aux pressions infla- tionnistes à travers une réduction de la demande. Rappelons que la prévision d’inflation a été une nouvelle fois revue à la hausse à 6,2% en 2023 contre 5,5% en mars. Tenant compte de la poursuite du res- serrement monétaire de la BCE et de la reprise attendue du cycle de hausse de taux directeur de la FED après la pause de juin, BAM pourrait reprendre à son tour son cap restrictif d’ici la fin de l’année afin d’assurer un retour de l’inflation vers son objectif de stabilité des prix à moyen terme. Une éventua- lité que le wali n’écarte pas. Puisqu’il a souligné que lors de ses prochaines réunions, ses décisions tiendront compte d’une évaluation approfondie et actualisée des effets cumulés de ses hausses de taux, ainsi que de l’impact des différentes mesures mises en place par le gouvernement pour soutenir certaines activités économiques et le pouvoir d’achat des ménages. Pour AGR, les deux principaux indi- cateurs qui nous permettent d’évaluer le degré de la transmission de la poli- tique monétaire vers l’économie réelle demeurent l’évolution des crédits ban- caires et les taux débiteurs. Ces der- niers n’intègrent que partiellement les dernières hausses du taux directeur. Ils se sont appréciés de 53 pbs au T1-2023 à 5,03%. En parallèle, la prévision de croissance des crédits a été revue à la baisse en 2023 à 3,7% contre 4% initialement. Le coût de financement du Trésor intègre la normalisation des taux et le rehaussement des exigences de rentabilité des investisseurs, avec une hausse généralisée de la courbe primaire durant le S1-2023.

Bank Al-Maghrib a opté pour une pause dans la remontée des taux en attendant une transmission plus visible de ses décisions monétaires. Une nouvelle hausse du taux directeur n’est pas à écarter.

A

u terme de son 2 ème Conseil de politique monétaire de l’année 2023, la Banque centrale a marqué une

élevée à 15,6% en mai 2023, et l’infla- tion sous-jacente ressort à 6,4% durant la même période. Sur la base de l’analyse du bureau de recherche Attijari Global Research (AGR), trois points de vigilance qui pourraient influer l’orientation future de la politique monétaire de BAM sont identifiés : premièrement, l’inflation sous-jacente qui demeure élevée. Si le pic inflationniste semble derrière nous sur fond de détente des cours des matières premières à l’international, le niveau de l’inflation sous-jacente demeure supérieur à ceux observés au sein de la zone Euro et aux États-Unis. Puis, le taux directeur de la BCE, qui dépasse pour la première fois celui de BAM depuis 2008. Le creusement des spreads entre les taux de rémunération des États-Unis et de l’Europe avec ceux du Maroc pourrait induire des tensions supplémentaires sur le Dirham. Enfin, la forte hausse de la circulation fiduciaire au Maroc. La progression continue du volume de liquidité au sein de l’économie marocaine a été alimentée par un long cycle de faible

pause dans son cycle de resserrement dans l’attente de la transmission des dernières décisions de hausses de taux directeur à l’économie réelle. Après 3 relèvements successifs de 50 pbs depuis septembre 2022, BAM a décidé de maintenir inchangé son principal taux directeur à 3%, soit à son plus haut depuis 2014. Une décision qui ressort en décalage avec le consensus du mar- ché qui prévoyait un ralentissement du rythme de hausse du taux directeur en juin 2023, à 25 pbs. Néanmoins, ce statu quo peu attendu demeure en cohérence avec l’inflexion baissière des prix à la consommation au Maroc, et ce depuis mars 2023. Après avoir atteint un pic de près de 30 ans à 10,1% à fin février 2023, l’inflation au Maroc a ralenti pour le 3 ème mois d’affilée pour atteindre les 7,1% en mai 2023. Toutefois, l’inflation alimentaire, principale composante du panier du consommateur marocain, demeure

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P UBLI - RÉDACTIONNEL

Creditinfo «La réforme des BIC permettra de faire un grand pas vers l’inclusion fi nancière»

F. N. H. : Quelles sont les priorités de Creditinfo Group au Maroc et en Afrique de l’Ouest à court moyen termes ? S. A. : Avec plus de 30 bureaux de crédit en activité, Creditinfo jouit aujourd’hui de la plus forte présence mondiale dans ce secteur. Depuis plus de 25 ans, nous fournissons des solutions de bureaux de crédit et de gestion des risques ainsi qu’une information commerciale fiable à certains des plus grands prêteurs, gouvernements et Banques centrales du monde. L’objectif étant d’accroître l’inclusion financière et de générer de la croissance économique, en permettant l’accès au crédit aux PME et particuliers. En Afrique, Creditinfo est le leader du secteur avec une présence dans 18 pays. Présence qui continue d’être renforcée avec 2 nouvelles acquisitions datant d’un mois à peine, en Ouganda et en Namibie. F. N. H. : Checkinfo, délégataire de Bank Al-Maghrib pour la gestion du service de cen- tralisation des chèques irréguliers, a démarré ses activités en avril 2021. Quel retour d’expé- rience en faites-vous à ce jour ? S. A. : Après deux ans d’activité, et selon les retours de nos usagers, on peut dire que Checkinfo a un impact positif significatif sur leur trésorerie et les tracasseries liées au recouvrement. En effet, il faut savoir qu’à 84%, les chèques vérifiés et affichés en irrégularité sont issus de comptes en interdit bancaire. Ce sont donc des per- sonnes qui sont déjà en irrégularité ban- caire à cause de chèques sans provision ou autres, et qui continuent d’émettre des chèques qui, bien sûr, seront retour- nés impayés. Aujourd’hui, Checkinfo permet à ses usagers de se prémunir contre ces fraudes. D’ailleurs, le taux d’efficacité du service est de 99,6%. Aussi, il faut savoir que sur l’ensemble des chèques qui sont vérifiés, 13% sont irréguliers. On ne peut donc que recommander à tout professionnel qui travaille avec le chèque de souscrire à Checkinfo et ainsi se prémunir contre les impayés.

Réforme des BIC, impact de l’inflation sur la solvabilité, retour d’expérience du service Checkinfo…Tour d’horizon avec Sidimohamed Abouchikhi, Directeur Régional Afrique Francophone de Creditinfo Group, et directeur du Conseil d’administration de Checkinfo.

maîtrisée. À ce jour, l’évolution des impayés en nombre est plus marquée chez les par- ticuliers, alors qu’en termes d’encours, la grande partie est chez les entre- prises. Somme toute, nous sommes sur un retour aux niveaux normatifs des impayés. Pas au même niveau que 2019, mais en amélioration par rapport à 2020 et 2021. F. N. H. : Après une longue attente, le gouverne- ment a finalement adopté le projet de loi dédié aux Bureaux d’information sur le crédit. Quels sont les principaux apports de cette réforme ? S. A. : Très attendue, la réforme des Bureaux d’information sur le crédit (BIC) permettra une meilleure maîtrise des risques systémiques et une meil- leure accessibilité au financement. Elle permettra aussi de faire un grand pas vers l’inclusion financière et assurera aux BIC de collecter d’autres sources d’information, autres que les données classiques. Ces données dites alterna- tives, provenant des grands facturiers tels que les opérateurs télécoms, les fournisseurs d’eau et d’électricité, les compagnies d’assurances ou autres, permettront de combler l’absence d’his- toriques d’informations pour les clients non bancarisés. La disponibilité de ce type d’informations donnera la possibi- lité aux établissements de financement de s’ouvrir, avec moins d’appréhension, sur une nouvelle clientèle (particuliers et TPME) ne disposant pas d’historique bancaire, mais justifiant de bonnes habitudes de paiement. Et ce, tout en réduisant le recours aux garanties. Je rappelle que sur les 53% de la popula- tion qui ont un compte bancaire, moins de 30% ont accès au crédit. L’idée de cette réforme est donc d’élargir l’accès au financement à cette population hors circuit.

Finances News Hebdo : Dans ce contexte infla- tionniste, quelle appréciation faites-vous des risques d’insolvabilité des particuliers et des entreprises ? Sidimohamed Abouchikhi : L’inflation a d’abord eu un impact sur la distribu- tion des crédits, après les hausses suc- cessives du taux directeur (+150 pbs), répercutées partiellement sur les taux d’intérêt appliqués par les établisse- ments de crédit (+53 pbs). Si l’on com- pare les 6 premiers mois de l’année 2023, nous constatons une quasi-sta- gnation des demandes d’octroi de cré- dit, alors qu’habituellement, nous avons une augmentation entre 5 et 8% (mini- mum), voire plus de la part des particu- liers. Pour les entreprises, la baisse de la demande est atténuée quand on intègre les programmes d’appui du gouverne- ment. Pour revenir à votre question, l’inflation induit naturellement une réduction du pouvoir d’achat et impacte les habi- tudes de paiement. Nous le constatons avec la hausse des impayés qui est certes importante, mais moins que celle obser- vée au niveau international. Je pense qu’au Maroc, l’évolution des impayés ou du défaut en général est plutôt

C O - DÉVELOPPEMENT EN A FRIQUE

Maroc – Afrique Loin des logiques démagogiques Le Maroc est fermement engagé en faveur d’une Afrique prospère et tournée vers la modernité. Depuis l’an 2000, le Royaume a conclu, dans différents domaines de coopération, plus de 1.000 accords avec les pays africains.

(…) Le Maroc croit à un co-développement fondé sur la coopé- ration intra-africaine et la complémentarité économique, sur la solidarité active et la mutua- lisation des moyens et des efforts. Il s’agit là, somme toute, des conditions inhérentes à toute croissance inclusive, au développement humain et durable de notre continent. A terme, l’objectif est d’ériger notre continent en force dynamique et en acteur majeur sur la scène internationale, au bénéfice de nos populations» . C’est l’un des mes- sages forts du discours du Roi, pro- noncé en mars 2018, lors du Sommet extraordinaire de l’UA sur la Zone de libre-échange continentale (Zlecaf). Un message qui témoigne de l’enga- gement du Royaume en faveur d’une Afrique prospère et tournée vers la modernité. Une Afrique qui prend “

résolument son destin en main et où tous les pays œuvreront de concert pour accélérer le processus du déve- loppement du continent. Loin des discours démagogiques et de circonstance, le Maroc, sous l’im- pulsion du Roi Mohammed VI, s’em- ploie, depuis plus de deux décennies à concrétiser cette ambition légitime. Laquelle a pris une tournure plus prononcée avec le retour du Maroc à l’Union africaine le 30 janvier 2017, suivi de sa demande d’adhésion à la CEDEAO avec le statut d’observa- teur et de membre associé. Ce retour au sein de sa famille institutionnelle qu’est l’UA lui a permis de consolider et d’élargir davantage ses relations économiques avec les autres pays africains, avec un changement radical de paradigme : non à l’assistanat, oui au co-développement. D’ailleurs, en mars dernier, le

ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita, l’a bien rappelé. «La réintégration par le Maroc de sa famille institutionnelle au sein de l’Union africaine a permis au Royaume de s’impliquer dans les dif- férentes stratégies sectorielles de déve- loppement en Afrique et d’y contribuer efficacement, en les enrichissant de l’expérience que le Maroc a accumu- lée dans de nombreux secteurs», a-t-il déclaré à l’ouverture de la deuxième édition du Forum MD Sahara organi- sée à Dakhla. Quelques chiffres édifiants Pour le Maroc, la notion de co-déve- loppement n’est pas un slogan creux servi au gré des rencontres internatio- nales pour meubler les discours poli- tiques. Bien au contraire, le Royaume est dans le concret. Quelques actes posés par le Souverain suffisent pour le montrer. Depuis son accession au Trône, le Roi a effectué plus de 50 visites officielles dans différentes régions du continent et dans plus de 25 pays, ce qui, selon Bourita, reflète à bien des égards «sa vision stratégique de hisser les relations de coopération du Royaume avec les pays africains vers un partenariat stratégique agis- sant et solidaire» . Outre le renforcement des échanges commerciaux, cela s’est traduit par

L’opérationnali- sation de la Zle- caf marquera un tournant majeur pour l’intégra- tion économique africaine.

FINANCES NEWS HEBDO / HORS-SÉRIE N°45 10

doit être le reflet de la promesse qu’il fait au monde».

L’intégration économique africaine en question Champ de nombreuses convoitises, l’Afrique est dans un tournant décisif de son histoire qui l’oblige à repen- ser autrement son développement. Lequel passe, forcément, par l’im- pulsion d’une dynamique collective poussant tous les pays africains à tra- vailler main dans la main au bénéfice des populations. C’est cette démarche qui peut conduire à l’émergence d’une Afrique économiquement forte, inté- grée et résiliente. Raison pour laquelle le Maroc, qui croit au potentiel du continent, a tou- jours milité pour l’intégration africaine à travers la construction d’un modèle économique privilégiant le co-déve- loppement. Cette vision devrait être consolidée par l’opérationnalisation de la Zone de libre échange continen- tale africaine (Zlecaf), qui permettra d’ouvrir un marché de 1,3 milliard de consommateurs avec un PIB de 3,4 trillions de dollars et d’accroître le commerce intra-africain. La Zlecaf, dont le Royaume est naturellement un acteur clé, devrait permettre à l’éco- nomie africaine de révéler son plein potentiel, mais surtout de positionner le continent comme une plateforme de compétitivité et une locomotive de la croissance mondiale.

autres, libérer les énormes potentialités de notre continent, et ainsi accélérer la croissance durable et le développe- ment inclusif des économies africaines : c’est ainsi que nous concevons le continuum entre l’indépendance et le développement» , a-t-il affirmé, notant que «dans un contexte mondial bou- leversé par les crises – politiques, éco- nomiques, sanitaires et écologiques-, notre continent africain ne peut plus se permettre d’être un miroir qui ren- voie au monde l’image de ses défis. Il

nombre d’investissements marocains en Afrique, dans des domaines aussi variés que l’agriculture, l’habitat, les télécommunications, les banques et les infrastructures de base. Depuis l’an 2000, le Maroc a conclu, dans différents domaines de coopé- ration, plus de 1.000 accords avec les pays africains. Le Royaume a ainsi apporté son expertise et partagé son savoir-faire avec ses pairs africains afin de concrétiser les ambitions d’un nouveau modèle de coopération Sud- Sud mutuellement bénéfique, impli- quant des formules public/privé et une coopération triangulaire avec les partenaires du Nord, indique Bourita. Et d’ajouter que la mise en œuvre de ce modèle est déjà matérialisée par une forte présence des entreprises marocaines en Afrique, faisant ainsi du Royaume le deuxième investis- seur africain dans le continent et le premier dans la région de l’Afrique de l’Ouest. Cela confirme encore une fois que le Royaume, qui accorde une place de choix au développement de ses rela- tions avec les autres pays du conti- nent, a fait de l’intégration africaine et de la coopération Sud-Sud la pierre angulaire de sa politique étrangère. Cet engagement a été réitéré par le chef de la diplomatie marocaine le 26 mai dernier à Rabat, lors de la céré- monie de célébration de la Journée de l’Afrique. «Se soutenir les uns les

Depuis son ac- cession au Trône, le Roi a effectué plus de 50 visites officielles dans différentes ré- gions du conti- nent et dans plus de 25 pays.

Plaidoyer pour une «nouvelle Afrique»

«Le Maroc veut contribuer à l’émergence d’une nouvelle Afrique : une Afrique forte, une Afrique audacieuse qui prend en charge la défense de ses intérêts, une Afrique influente dans le concert des nations. Pour définir cette nouvelle Afrique, il convient de s’affranchir de toute illusion, de rejeter les chimères. La nouvelle Afrique que nous appelons de nos vœux doit au contraire s’appuyer sur une vision concrète et pragmatique, apte à faire naître une Afrique conquérante et solidaire. L’Afrique est à la croisée des chemins et il nous incombe de choisir la bonne voie pour son émergence. A cette heure, les défis auxquels est confronté notre continent prolifèrent : multiplication des acteurs non-étatiques donnant lieu à de nombreuses zones grises, menaces du terrorisme transnational et de l’extrémisme violent et impacts du réchauffement climatique. Face aux nouvelles menaces qui guettent notre continent, il est nécessaire que l’UA entame sa mue, afin d’apporter des réponses adéquates et appropriées. Pour ce faire, il est, à notre sens, fondamental que les Etats africains se fixent des objectifs réalistes et pragmatiques, basés sur les priorités réelles du continent. L’Afrique n’a plus besoin de slogans idéologiques, elle a besoin d’actions concrètes et résolues dans les domaines de la paix, de la sécurité et du développement humain. Le Maroc a foi dans la capacité de l’Afrique de se renouveler et d’impulser son propre élan. Les limites de la coopération classique Nord-Sud pour relever le défi de l’émergence étant évidentes, l’Afrique doit faire un plus grand usage de la coopération interafricaine, ainsi que de partenariats stratégiques et solidaires entre pays frères». Extrait du discours royal adressé au 29 ème Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Africaine (UA).

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C O - DÉVELOPPEMENT EN A FRIQUE

Coopération «Les pays africains doivent travailler main dans la main»

F. N. H. : Le Maroc est devenu, au fil des ans, un modèle effectif et efficient en termes de co- développement dans le continent… M. J. : Sous l’impulsion du Souverain, le Royaume s’est imposé comme un véritable modèle de puissance régio- nale. Le Maroc a bâti une économie moderne et largement diversifiée, et les secteurs traditionnels, comme le tourisme, le textile ou l’agroali- mentaire, gagnent tous les jours en compétitivité. Le Maroc a également édifié, en un temps record, des indus- tries particulièrement performantes, de même que ses infrastructures sont aux meilleurs standards internatio- naux. Dans ce sens, le Maroc aborde aujourd’hui une phase nouvelle de son développement. Cette nouvelle phase portée par des réformes ambi- tieuses et audacieuses envisage une expansion considérable du secteur privé. Pour soutenir cette transition, le Maroc s’est récemment doté d’une nouvelle Charte de l’investissement, qui octroie des avantages sans précé- dent dans l’histoire économique du Royaume. C’est pour toutes ces rai- sons que l’Afrique peut compter sur les champions marocains, puisque les grandes entreprises affichent d’ex- cellentes performances, et celles-ci sont particulièrement présentes sur tout le continent. Sans oublier que l’Afrique dispose des atouts néces- saires pour transformer les défis qui se présentent en opportunités. Aujourd’hui, l’Afrique est prête à libé- rer son potentiel économique pour devenir un acteur majeur du com- merce mondial. Dans cette perspec- tive, il faut soutenir l’entrepreneu- riat des jeunes africains, qui sont les moteurs de la croissance future. C’est pour cela qu’il faut œuvrer pour une intégration économique plus poussée entre les pays africains, afin de créer un marché commun et de renforcer la compétitivité du continent.

Le ministre délégué chargé de l’Investissement, de la Convergence et de l’Évaluation des politiques publiques, Mohcine Jazouli, revient ici sur l’importance du co-développement en Afrique, cheval de bataille de la vision de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Finances News Hebdo : L’idéal africain est au cœur de la vision royale. Quelle lecture faites- vous de cette dynamique de co-développement en Afrique ? Mohcine Jazouli : Pour que l’idéal d’une Afrique prospère devienne une réa- lité, les pays du continent doivent travailler main dans la main. Ces valeurs d’unité et de solidarité sont incarnées par SM le Roi qui a placé l’intégration de l’Afrique au cœur de sa vision. Pour s’en convaincre, il faut se référer aux 50 visites royales effec- tuées dans plus de 30 pays africains. Dans ce sens, depuis que SM le Roi Mohammed VI a accédé au Trône,

plus de 1.000 accords de coopération ont été signés. Grâce à ces accords, nos relations économiques se sont considérablement renforcées (…) et, aujourd’hui, nous ne ménageons aucun effort pour approfondir notre coopération pour que le Royaume joue un rôle encore plus grand pour le développement du continent.

Maroc-Afrique : Ce que recommande le CESE

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s’est autosaisi aux fins de produire un rapport sur le sujet de l’intégration régionale du Maroc en Afrique. Dans ce rapport publié en 2020, le CESE préconise en premier lieu d’envisager une stratégie d’intégration du Maroc en Afrique en adoptant le co-développement comme mode d’action. En second lieu, il convient d’ériger l’intégration régionale du Maroc en Afrique parmi les priorités natio- nales en proposant des mécanismes pour accompagner la mise en œuvre des projets de co-développement. L’approche préconisée pour améliorer l’intégration régionale du Maroc en Afrique vise à assurer un caractère à la fois global, cohérent, inclusif et pragmatique au processus d’intégration dans le sens où elle ( i ) intègre l’ensemble des dimensions d’ordre économique, social, environnemental et culturel ainsi que l’ensemble des parties pre- nantes (secteur public, privé, société civile, centres de recherche), ( ii ) s’articule avec les stratégies sectorielles déve- loppées par le Maroc et les partenariats mis en place, ( iii ) s’inscrit dans la feuille de route d’Abuja et de l’Agenda 2030, ( iv ) appelle à renforcer la solidarité entre pays d’Afrique et ( v ) met en avant l’importance d’investir dans des chaînes de valeur régionales. L’approche de co-développement explicitée ci-haut est de nature à permettre au Maroc et à ses partenaires africains de relever des défis communs, en termes de création d’emploi décents, d’amélioration des systèmes d’éducation et santé... Elle constitue également une base pour le développement de mécanismes de financements innovants, d’encouragement de l’investissement dans l’innovation, de consolidation de la solidarité et bien entendu de sou- tien aux politiques régionales d’atténuation et d’adaptation aux effets du changement climatique. Pour construire cette stratégie, le CESE considère nécessaire la prise en compte d’une approche intégrée articulée autour de quatre grands piliers : le développement économique durable, l’amélioration des conditions de vie des populations, la durabilité environnementale et sociale et l’amélioration de la gouvernance du processus d’intégration.

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C O - DÉVELOPPEMENT EN A FRIQUE

Gazoduc Nigeria - Maroc Un deal à plus de 25 milliards de dollars Le gazoduc en est déjà à la phase II de l’étude d’avant-projet détaillé. Plusieurs mémorandums d’entente ont été signés ces derniers mois avec des pays africains.

L

e gazoduc Nigeria- Maroc, qui va coûter plus de 25 milliards de dollars, va relier,

la volonté du souverain d’asseoir durablement l’intégration régionale et une coopération Sud-Sud solide, mutuellement avantageuse et au bénéfice exclusif des populations du continent africain. Il bénéficiera à toute l’Afrique de l’Ouest, contri- buera à structurer un marché régio- nal de l’électricité et constituera une source substantielle d’énergie au service du développement indus- triel, de l’amélioration de la compé- titivité économique et de l’accéléra- tion du développement social. Ce projet est appelé à être un modèle d’intégration régionale qui chan- gera la face de l’Atlantique et cette Afrique Atlantique.

tout au long de la façade atlantique de l’Afrique de l’Ouest, les champs gaziers du 1 er producteur continen- tal du pétrole, au Royaume. Il a été officiellement lancé au cours de la visite officielle du Roi Mohammed VI en 2016 à Abuja; et un accord y afférent avait été signé le 10 juin 2018. Ce projet titanesque, d’une longueur d’environ 5.700 km, sera construit en plusieurs phases et devra tran- siter par une dizaine de pays et régions en longeant leur littoral : Côte d’Ivoire, Liberia, Sierra Leone, Guinée, Guinée-Bissau, Gambie, Sénégal, Mauritanie et Maroc, avant d’atteindre l’Espagne. Il s’agit du «plus grand projet d’infrastructure d’Afrique». «Ce gazoduc Maroc-Nigeria favorise- ra l’intégration africaine, contribue- ra à la stabilité, au développement économique et à la création d’em- plois. Ce n’est donc pas seulement un projet d’infrastructures, mais un axe structurant économiquement pour toute l’Afrique de l’Ouest» , s’est féli- cité le ministre des Affaires étran- gères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étran- ger, Nasser Bourita à l’issue de la signature, en 2016, d’un protocole d’accord relatif au projet. Ce projet ambitieux est le reflet de

l’esprit. Le projet avance. L’étude de faisabilité menée par l’Office national des hydrocarbures et des mines du Maroc (ONHYM) et la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC) a été bouclée en 2018. Il a été ensuite décidé de procéder à l’étude FEED (Front-End Engineering design) principale, et ce en deux étapes : la pré-FEED et la main FEED. Selon les informations livrées par la Directrice générale de l’ONHYM, Amina Benkhadra, en juillet 2022, «la Pré-FEED a été ache- vée en 2019 et elle a permis d’assurer les grands éléments de la rentabilité du projet; et nous sommes depuis le mois de mai 2021 sur l’étude d’ingé- nierie détaillée, qui permet de prépa- rer tous les dossiers et tous les aspects techniques, mais aussi managé- riaux, financiers, légaux et commer- ciaux pour aller à la décision finale d’investissement» . De son côté, le PDG de la Compagnie pétrolière nationale nigériane (NNPCL), Maalam Mele Kyari, qui s’exprimait en avril dernier à Abuja, a déclaré que le gazoduc en est déjà à la phase II de l’étude d’avant- projet détaillé, et qu’il fait l’objet

Un projet qui prend forme… et qui coûte

La dimension importante de ce projet a poussé certains esprits cri- tiques à émettre des réserves sur sa faisabilité dès qu’il a été annon- cé. Pourtant, le gazoduc Nigeria- Maroc est loin d’être une vue de «Eu égard à la dimension continentale du gazoduc Nigéria-Maroc, nous y voyons aussi un projet structurant promettant d’arrimer l’Afrique et l’Europe», affirme le Roi Mohammed VI.

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d’une évaluation de l’impact envi- ronnemental et d’enquêtes sur les droits de passage. Rappelons que la NNPCL va investir 12,5 milliards de dollars pour obtenir une parti- cipation de 50% dans le projet. Elle finance conjointement le gazoduc à parts égales avec l’ONHYM. Par ailleurs, plusieurs mémoran- dums d’entente ont été signés ces derniers mois. Parmi eux, il y a celui signé entre la Communauté éco- nomique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le Nigeria et le Maroc. Deux autres ont été signés respectivement entre le Maroc, le Nigeria et la Mauritanie, d’une part, et le Maroc, le Nigeria et le Sénégal, d’autre part. Cinq autres mémorandums d’en- tente tripartites ont été conclus respectivement et successivement entre le Maroc et le Nigeria, d’une part, et la Gambie, la Guinée Bissau, la Guinée, la Sierra Leone et le Ghana, d’autre part. De même, le 16 juin 2023, Amina Benkhadra et Maalam Mele Kyari ont procédé à la signature de mémo- randums d’entente (MoU) avec la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Liberia

et le Bénin dans le cadre de la réali- sation du gazoduc. «Ce projet d’envergure continental va permettre d’accélérer l’électrifi- cation d’un certain nombre de pays de la côte ouest africaine, favoriser le développement industriel et agri- cole de la région, qui a de grandes richesses naturelles et qui pourrait être développée de manière plus rapide grâce à l’accès à une énergie à bas coût, assurer une intégration régionale considérable du continent, améliorer la vie de la population, réduire le torchage de gaz et déve- lopper l’exportation du gaz vers l’Europe» , se félicite Benkhadra. Il va impacter 440 millions de per- sonnes dans la région (treize pays atlantiques et trois pays enclavés). Il va aussi permettre de connecter 5.400 milliards de mètres cubes de gaz et intégrer les économies de

pays avec un PIB cumulé de 670 bil- lions de dollars. C’est la raison pour laquelle le «Gazoduc Nigéria-Maroc représente (…) plus qu’un projet bilatéral entre deux pays frères» , a estimé le Roi Mohammed VI dans son discours du 6 novembre 2022, à l’occasion de la commémoration de la Marche verte. «En effet, outre le Maroc et la Mauritanie, ce gazoduc offre aux quinze pays de la CEDEAO des opportunités et des garanties en matière de sécurité énergétique et de développement socioéconomique et industriel. Destiné aux générations présentes et futures, le projet œuvre en faveur de la paix, de l’intégration économique du continent africain et de son développement commun. Eu égard à la dimension continentale du gazoduc Nigéria-Maroc, nous y voyons aussi un projet structurant promettant d’arrimer l’Afrique et l’Europe» , ajoute le Souverain. Ce projet est d’autant plus stratégique que la guerre en Ukraine a montré la nécessité pour l’Europe de diversi- fier ses approvisionnements en gaz : le gazoduc Nigeria-Maroc constitue à cet égard une opportunité pour le bloc européen.

D’une longueur d’environ 5.700 km, le gazoduc Nigeria -Maroc va coûter plus de 25 milliards de dollars.

Ce projet d’envergure va assurer une intégration régionale considérable du continent africain.

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