Hors-serie 38

Découvrez le numéro 981 de Finances News Hebdo, premier hebdomadaire de l'information financière au Maroc

FINANCES NEWS HEBDO [ HORS-SÉRIE N°38 ]

6 Inclusion financière

Perspectives économiques 2020 : Un faisceau d’indices positif 72 Conjoncture

Un pilier du nouveau modèle de développement Entre réalités et handicaps surmontables Comment réussir la stratégie nationale Education financière : Un véritable enjeu de développement Entretien avec Mouad Tanouti : Marché des capitaux, l’éducation financière joue un rôle important dans la protection de l’épargne Entretien avec Hakima El Alami : «Le Maroc veut dépasser le niveau de pénétration des pays comparables» Bourse de Casablanca : Déjà 20 ans au service de l’éducation financière Fondation marocaine pour l’éducation financière : Des initiatives fédératrices à fort impact Une question d’éducation Entretien avec Issam Maghnouj : «Le groupe Attijariwafa bank promeut et soutient l’entrepreneuriat sous toutes ses formes» Entretien avec Ahmed Amin Benjelloun Touimi : Barid Al-Maghrib aux avant-postes Eqdom : Lancement de Salaf Forssati, une nouvelle offre destinée aux TPE Paiement mobile : Le chantier phare de la stratégie nationale Entretien avec Samira Khamlichi : «Les établissements de paiement, partie prenante du processus» Entretien avec Mikael Naciri : Lancement prochaine de l’offre Ibriz destinée aux jeunes Paiement mobile : Comment ça évolue ailleurs ? Microcrédit : 200.000 nouveaux clients chaque année Micro-assurance : L’innovation, clé de voûte de la réussite Entretien avec Sliman Echchihab : Micro-assurance, 13 millions d’assurés potentiels Crowdfunding : Un canal de financement sur-mesure pour les TPME Paiement mobile : Alipay fait son entrée au Maroc

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COP25 : Le Maroc réitère ses engagements Transition énergétique : Le groupe ENGIE abat ses cartes 78 79 78 Développement durable Les 3 paris de Benchaâboun 74 Projet de Loi de Finances 2020

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Entretien avec Hakim Abdelmoumen : «La stratégie des écosystèmes a prouvé sa pertinence» 80 L’industrie automobile

Baisse de la demande: Une crise qui a trop duré 82 Immobilier Plan Maroc Vert : Des avancées à consolider 84 Agriculture

Bourse de Casablanca : 2019, année de transition avant la reprise ? 86 Bourse

L’éthique à l’épreuve de l’immédiateté de l’information 88 Médias

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EDITO

Directeur Général, responsable de la publication Fatima Zahra OURIAGHLI Directeur Administratif et Financier Leïla Ouriaghli Directeur des rédactions & développement David William Rédacteur en chef Amine Elkadiri Journalistes Charaf Jaidani (Resp. rubrique Automobile) Adil Hlimi Momar Diao Youssef Seddik Badr Chaou Révision Mohamed Labdaouat Directeur technique & maquettiste Abdelillah Chamseddine Mise en page Zakaria Beladal Assistante de direction Amina Khchai Administratif Fatiha Aït Allah Nahla Sehlal Département commercial Salma Benmakhlouf Samira Lakbiri Rania Benchaib

Fatima Zahra OURIAGHLI

ans une économie dominée par la circulation du cash et gangrenée par l’informel, la bataille pour davantage d’inclusion financière est d’autant plus difficile. Quelques chiffres pour se faire une idée : évaluée à 249 milliards de dirhams à fin 2018, la monnaie fiduciaire représente au Maroc 23% du PIB. Et sur les deux dernières années, elle a augmenté de 17 à 18 Mds de DH. Pour sa part, l’informel pèse plus de 20% du PIB, hors secteur pri- maire, et génère un manque à gagner de 40 Mds de DH pour l’Etat. UN SACRÉ CHALLENGE

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La chasse au cash et la lutte contre l’informel passent donc forcément par une stra- tégie d’inclusion financière agressive, mais surtout cohérente et intelligente.

Les autorités l’ont compris. D’où la stratégie natio- nale mise en place, qui ratisse très large et implique l’ensemble des acteurs, notamment les pouvoirs publics, les régulateurs du secteur financier, mais également le secteur privé. Reposant sur huit principaux leviers, l’objectif, selon le ministre de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’Administration, Mohamed Benchaâboun, est de définir une vision commune et des orienta- tions nationales en vue de réduire les disparités qui persistent en termes d’accès et de pénétration des services financiers. L’enjeu ultime étant de faire de l’inclusion financière un réel vecteur de développement socioéconomique.

L’enjeu ultime est de faire de l’inclusion financière un réel vec- teur de développement socioéconomique.

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Ce qui passe, forcément, et tout le monde y souscrit, par l’éducation financière afin de démystifier les produits et services financiers et inclure tous ceux qui sont actuel- lement en dehors du système. L’enjeu est donc de taille et les défis à relever énormes. Et ce, surtout au moment où le Maroc aborde un tournant majeur, à travers la définition en cours d’un nouveau modèle de développement qui précisera les contours de ce que sera la trajectoire économique du Royaume pour les prochaines décennies. C’est la raison pour laquelle, dans ce hors-série, nous avons choisi de faire un grand focus sur l’inclusion financière. Un sujet érigé en priorité nationale en ce qu’il est un levier important pour une croissance inclusive et pour concrétiser les objectifs de développement durable.

Fax : (0522) 98.40.22 Site web : www.fnh.ma

Édition JMA Conseil Autres éditions du groupe : Finances News Hebdo, Autonews, Laquotidienne et Boursenews.

F. Ouriaghli

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Dans le nouveau modèle de développement auquel aspire le Maroc, l’inclusion financière jouera un rôle central. Depuis près de deux décennies, d’importants efforts ont été déployés pour accroître le taux de bancarisation, et plusieurs nouveautés sont venues s’ajouter aux moyens de financement traditionnels. Toutefois, de nombreux segments de la population et d’entreprises demeurent exclus du système financier. Un pilier du nouveau modèle de développement nclusion financière I

L’ i n c l u s i o n f i n a n c i è r e est au cœur des préoccu- pations des i ns t i tut i ons f i n a n c i è r e s du Royaume, qu’elles soient éta- tiques ou privées, et suscite ces dernières années un intérêt gran- dissant de la part des organismes internationaux, des régulateurs du secteur financier ainsi que des pouvoirs publics. C’est d’autant plus vrai depuis le discours royal du 11 octobre 2019, durant lequel le Roi Mohammed VI avait déploré «le difficile accès des jeunes entrepreneurs au crédit, le faible accompagnement des diplô- més et des petites et moyennes entreprises lors de leur création» . Le Souverain avait également pré- conisé «que les banques redoublent d’efforts pour élargir la proportion des Marocains qui recourent aux prestations bancaires et aux dis- positifs de financement». Mais avant d’aller plus loin, une définition du concept d’inclusion financière s’impose. L’inclusion financière définit la possibilité pour les individus et les entre- prises d’accéder à moindre coût à toute une gamme de produits et de services financiers utiles et

adaptés à leurs besoins (transac- tions, paiements, épargne, crédit et assurance), et proposés par des prestataires fiables et respon- sables. Pourquoi c’est primordial ? Dans le nouveau modèle de déve- loppement auquel aspire le Maroc, l’inclusion financière jouera un rôle central. En effet, cette notion d’inclusion financière revêt une importance capitale en matière de développement socioéconomique, dans la mesure où l’accès à des produits et services financiers permet aussi bien aux ménages qu’aux entreprises d’anticiper le financement d’objectifs de long terme et de faire face à des imprévus, agissant ainsi comme un précieux outil de lutte contre leur exclusion du tissu socioéco- nomique, donc de lutte contre la

pauvreté et la précarité. Un individu ayant accès à des ser- vices financiers tels que le crédit ou l’assurance sera enclin à créer une entreprise, en d’autres termes à développer une activité généra- trice de revenus, à investir dans l’éducation ou la santé, à gérer les risques (conjoncture de marché, conjoncture économique, maladie, décès, etc.) qui le menacent, et à surmonter les chocs financiers qu’ils pourraient être amenés à subir lorsque ces risques se maté- rialisent. Tous ces facteurs contribuent à le sortir de la trappe de la pauvreté et de l’exclusion, et à améliorer, globalement, son niveau de vie. D’ailleurs, gardons en mémoire que l’accès aux services financiers est considéré comme un facteur de progrès pour 7 des 17 objec- tifs de développement durable de l’Organisation des Nations unies. Depuis 2010, plus de 55 pays ont pris des engagements en faveur de l’inclusion financière, et plus de 30 pays ont déjà lancé une stra- tégie nationale à cet effet, dont le Maroc. Deux décennies d’actions, mais qui demeurent insuffisantes Pour élaborer sa stratégie natio-

L’accès aux services financiers est consi- déré comme un facteur de progrès pour 7 des 17 objectifs de développement durable de l’Organisation des Nations unies.

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Le 11 octobre dernier, au Parlement, le Roi Moham- med VI avait déploré «le difficile accès des jeunes entrepreneurs au crédit, le faible accompag- nement des diplômés et des petites et moyennes entreprises

marocaine) a pu atteindre 17,5% de parts de marché en termes de dépôts. Le problème, c’est que cette crois- sance du réseau physique se heurte désormais à un plafond de verre, et il faut dès lors imaginer d’autres moyens d’atteindre les populations non bancarisées. C’est dans ce contexte que plu- sieurs nouveautés sont venues s’ajouter aux moyens de finan- cements traditionnels, comme le microcrédit, paiement mobile, fonds Innov, les fonds d’amorçage, et plus récemment le crowdfun- ding. Dix nouveaux opérateurs de paie- ment mobile, qui pourront ouvrir des comptes de paiement pour leur clientèle, offriront également de nombreux services semblables à ceux d’une banque de détail classique, dont les cartes de paie- ment, les transferts d’argent, les dépôts et les virements. Le Maroc a donc enregistré d’im- portants progrès, notamment en termes d’accessibilité des services financiers formels, de protec- tion du consommateur, d’éduca- tion financière et de financement

tions bancaires à partir des années 2000 a lui aussi joué un rôle impor- tant dans l’extension de la capilla- rité des points d’accès, tout en donnant aux utilisateurs un accès à de nouveaux services financiers comme le transfert d’argent, le cash in et le cash out. C’est ainsi que le réseau bancaire marocain présente une capillarité beaucoup plus élevée que les pays compa- rables et proche de celle des pays développés, à environ 25 agences pour 100.000 adultes. Al Barid Bank, qui a hérité de l’activité des services financiers du Groupe Barid Al-Maghrib, dont les comptes postaux (à savoir les comptes d’épargne des catégories à faible revenu de la population

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nale d’inclusion financière, le Maroc ne part pas d’une feuille blanche. En effet, depuis près de deux décennies, d’importants efforts ont été déployés, aussi bien par les régulateurs que les institutions financières, à savoir principalement les banques, pour accroître le taux de bancarisation. Les principales banques à capi- taux majoritairement marocains se sont toutes engagées au cours des quinze dernières années dans d’ambitieuses stratégies de banca- risation. En termes de couverture géogra- phique par les institutions finan- cières, la capillarité des réseaux bancaires et assurantiels a forte- ment progressé sur le territoire marocain au cours de ces der- nières années. Ainsi, le nombre de points d’accès bancaires a plus que doublé depuis 2010, passant de près de 4.800 points de vente à plus de 12.000 en 2017. Le réseau d’agents d’as- surance a lui aussi crû, quoiqu’un peu moins fortement, d’environ 4% par an depuis 2010 Le développement de réseaux cash et des intermédiaires en opéra-

lors de leur création…»

Pour élaborer sa stratégie nationale d’inclusion financière, le Maroc ne part pas d’une feuille blanche.

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nclusion financière I

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la Banque mondiale et la GIZ. C’est dans ce cadre qu’une pre- mière étude a été initiée début 2016, selon une démarche parti- cipative, dans l’objectif de définir les principales orientations et les modèles de gouvernance de la stra- tégie les plus appropriés compte tenu du contexte marocain, et ce à la lumière des pratiques interna- tionales en la matière. Par ailleurs, une enquête édifiante du côté de la demande a été conduite en 2017, en collaboration avec la Banque mondiale, dont les résultats ont servi de référence pour l’identification des freins à l’accès aux services financiers et des segments les plus exclus. En outre, le MEF et BAM se sont fait accompagner par un cabinet en conseil international pour ana- lyser l’état des lieux de l’inclusion financière au Maroc, formuler la vision et l’ambition cible de la stratégie nationale et établir une feuille de route pour sa mise en œuvre. C’est précisément les tenants et aboutissants de cette stratégie, depuis le diagnostic jusqu’aux actions concrètes mises en place, que nous allons explorer dans ce dossier. u

des entreprises, de dossiers de crédit ou d’ouverture de compte souvent incomplets et de compli- cations avec les règles de lutte contre le blanchiment. Une stratégie pour coordonner les efforts Pour faire face à cette situation et dans le but de poursuivre les efforts entrepris depuis une ving- taine d’années, le MEF et BAM ont mobilisé les acteurs publics et pri- vés dans le cadre d’une démarche participative pour le développe- ment d’une Stratégie nationale de l’inclusion financière. La réflexion sur le développement de cette stratégie a été engagée depuis 2015, en collaboration avec

Les niveaux d’informel et de cash pénalis- ent l’inclusion financière des individus et des entreprises.

des entreprises. Toutefois, plu- sieurs segments de la popula- tion demeurent quasi-exclus du système financier, comme l’ont démontré plusieurs études. En ce qui concerne le segment des entreprises, les efforts engagés par l’Etat, notamment à travers la mise en place d’instruments de garantie, tels que la garantie Damane Express et Ilayki, ont per- mis de donner une impulsion au secteur bancaire qui a développé une offre spécifique sur ce seg- ment. Toutefois, le niveau d’inclu- sion financière pour les TPE et micro entreprises demeure limité. Quant aux niveaux d’informel et de cash, ils pénalisent l’inclu- sion financière des individus et des entreprises, en particulier du fait de l’incapacité des opérateurs financiers à apprécier le risque de ces segments et l’appréhension de ces populations par rapport aux circuits financiers formels. Ce caractère informel complexifie l’accès au crédit bancaire pour les particuliers et les entreprises en raison notamment du peu de garanties et de sûretés à apporter pour un crédit, du peu de connais- sance des comptes de résultats

La réflexion sur le développement de la stratégie d’inclusion financière a été engagée depuis 2015, en collaboration avec la Banque mondiale et la GIZ.

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nclusion financière I

Entre réalités et handicaps surmontables

Le nombre de particuliers ayant au moins un compte bancaire, rapporté à la population adulte, a progressé de 4 points d’une année à l’autre, à 60% à fin 2018. Par genre, ce taux recule à 40% pour les femmes.

L es principaux acteurs du système financier national font de l’inclusion financière leur principal cheval de bataille. Pour preuve, une Stratégie nationale d’inclusion financière a été fina- lisée et adoptée au début 2019. « Cette initiative prévoit d’accélérer la mise en œuvre de nombreuses réformes relatives, entre autres, aux services financiers digitaux, la microfinance, l’assurance inclu- sive et le financement collaboratif et visant par priorité la jeunesse, la femme et le monde rural », a déclaré récemment Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, lors de la Conférence internatio- nale sur la finance verte inclusive qui s’est déroulée à Rabat. L’inclusion financière renvoie à la possibilité pour les individus et les entreprises d’accéder à moindre coût à toute une gamme de produits et de services finan- ciers utiles et adaptés à leurs besoins en termes de transac- tions, de paiements, d’épargne, de crédit et d’assurances. Il est également admis que l’accès à des produits et services financiers permet aussi bien aux ménages qu’aux entreprises de faire face au financement d’objectifs de long terme et aux imprévus. Ce

qui constitue en quelque sorte un moyen de lutte contre l’exclusion du tissu socioéconomique, la pau- vreté et la vulnérabilité. Par ail- leurs, il est communément admis que l’inclusion est conditionnée par l’accessibilité en matière de prix et de produits bancaires ainsi que la capacité de la banque à communiquer de façon simple et dans un langage compréhensible de la cible exclue financièrement. Le chemin est encore long Les chiffres rendus publics par la Banque centrale permettent de se faire une idée sur le niveau de l’inclusion financière du pays, qui affiche tout de même une grande marge de progression. En effet, le nombre de particu- liers ayant au moins un compte bancaire, rapporté à la population adulte, a progressé de 4 points d’une année à l’autre à 60% à fin 2018. Par genre, ce taux recule à

40% pour les femmes et se situe à 77% pour les hommes, contre 37% et 77% respectivement à fin 2017. Les données ayant trait aux comptes bancaires sont significa- tives, puisque l’accès à un compte d’opérations courantes constitue la première étape vers une inclu- sion financière entière (dépôt d’argent, envoi et réception de paiements, assurances, etc.). A l’évidence, l’ouverture d’un compte courant est une rampe d’accès-clef vers plusieurs ser- vices financiers. Au-delà de ces précisions, malgré une légère amélioration du taux de déten- tion de comptes bancaires par les femmes, ces dernières sont surreprésentées au niveau des personnes exclues du système financier national. Seuls 6% des TPE ont un crédit bancaire La note de synthèse élaborée par le ministère de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’Ad- ministration et Bank Al-Maghrib dans le cadre de la Stratégie nationale de l’inclusion financière en 2018 montre que le niveau d’inclusion financière pour les TPE et microentreprises demeure limité. En effet, d’après l’enquête réali- sée par la Fondation marocaine

Les établissements de paiement, acteurs de l’inclusion financière, offrent désor- mais des services de paiement adossés à des comptes de paiement.

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nclusion financière I

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Surmonter les blocages Les raisons qui expliquent le taux actuel de bancarisation à améliorer ainsi que le niveau d’inclusion financière sont nom- breuses. La faiblesse des revenus d’une frange de la population qui ne fait pas confiance au sys- tème bancaire et qui, selon elle, applique des taux élevés en plus du manque de transparence, est une cause évoquée régulièrement dans le pays. Pour avoir un ordre de gran- deur, au Maroc, 72% des adultes n’ayant pas de comptes considè- reraient l’insuffisance des fonds comme l’un des obstacles à la bancarisation. 48% des adultes non bancarisés déclarent que le manque d’argent est l’unique rai- son pour laquelle ils n’ont pas de

L’accès à un compte d’opéra- tions courantes constitue la première étape vers une inclu- sion financière entière.

compte. Par ailleurs, certaines personnes ou chefs d’entreprises, en raison de leurs convictions religieuses, se détournent également du cir- cuit financier classique. La dernière enquête du haut-com- missariat au Plan (HCP) auprès des entreprises marocaines conforte cela. La création des banques ou fenêtres participa- tives constitue une réponse adap- tée afin d’inclure financièrement une partie de cette catégorie de personnes. Le digital ainsi que les nouvelles technologies sont de nature à promouvoir l’émergence de nouveaux acteurs, susceptibles de restaurer la confiance d’une frange de la population, toujours réticente à l’idée de recourir aux services financiers. Au Maroc, le mobile banking, qui en est à ses balbutiements, pourrait aussi constituer un puis- sant vecteur d’inclusion finan- cière pour les populations du monde rural, surreprésentées en matière de pauvreté d’après le HCP. L’usage du mobile sur lequel misent les banques, facilite l’accès aux services financiers à moindre coût. u

pour l’éducation financière auprès de 1.000 TPE, microentreprises et autoentrepreneurs, seules 48% d’entre elles détiennent un compte bancaire et seulement 6% ont contracté un crédit bancaire. Par ailleurs, la capillarité des réseaux bancaires et assurantiels a fortement progressé au Maroc au cours de ces dernières années, avec le doublement des points d’accès bancaires depuis 2010, passant ainsi de près de 4.800 points à plus de 12.000 en 2017. Toutefois, il existe des dispari- tés entre le milieu urbain et le périmètre rural. En effet, il existe encore une concentration forte en milieu urbain et une faible pénétration des points d’accès bancaires en milieu rural.

Selon le dernier rapport «Findex» de la Banque mondiale, près de 69% de la population mondiale ont accès à un compte auprès d’une institution financière. Les auteurs du rapport montrent que l’exclusion financière est plus présente dans les économies à bas revenu où les banques sont peu nombreuses et concentrées dans les zones urbaines. «L’utilisation, dans ces régions, de canaux alternatifs moyennant les innovations technologiques, constitue une réelle opportunité pour intégrer une importante frange de la population exclue du système bancaire», lit-on dans le document de l’institution de Bretton Woods. L’innovation technologique, un créneau à investir

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nclusion financière I

Comment réussir la stratégie nationale

La stratégie nationale de l’inclusion financière implique l’ensemble des régulateurs du secteur financier ainsi que le secteur privé. Objectif : Mieux équiper les citoyens en matière de services financiers.

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n accès équi- table pour l ’ ensemb l e des indivi- dus et entre- prises à des produits et

services financiers formels pour une utilisation adaptée à leurs besoins et à leurs moyens, afin de favoriser l’inclusion économique et sociale tout en préservant leurs droits et dignité » : voilà la définition institutionnelle de l’inclusion financière au Maroc et sur laquelle a été bâtie la stratégie natio- nale, avec un ensemble d’ambitions. Premièrement, atteindre, puis dépas- ser le niveau de pénétration «per- tinent» pour le Maroc à travers un accès universel au compte, première étape vers une inclusion financière plus large. Deuxièmement, une conversion maxi- male de l’épargne informelle en for- melle, plus sécurisée et mieux orien- tée vers l’économie. Troisièmement, une extension des solutions de financement pour tou- cher plus de TPE et de ménages. Enfin, un accès à des solutions d’as- surance couvrant les risques impor- tants auxquels les particuliers et les entreprises sont exposés. Les initiatives qui découleront de ces piliers seront accompagnées par des mesures spécifiques de protection du consommateur, notamment en termes de transparence, de gestion des récla-

La constitution du Conseil na- tional de l’inclu- sion financière s’est tenue le 1 er avril 2019.

société civile. Ces parties prenantes doivent, cela dit, être un peu plus outillées pour relayer les messages nécessaires auprès des consomma- teurs.

mations et des voies de recours ainsi que de sensibilisation aux risques associés aux instruments financiers ,tout en assurant la coordination avec les actions d’éducation financière. D’ailleurs, les régulateurs financiers ont déjà ouvert les canaux de com- munication avec les associations de protection des consommateurs et la

Leviers de la stratégie nationale

L’accélération de l’inclusion financière au Maroc repose sur 8 leviers straté- giques à engager et qui sont issus des consultations de l’écosystème finan- cier marocain, des échanges avec les opérateurs publics et privés, et de l’analyse des actions engagées par d’autres pays qui ont réussi à déve- lopper l’inclusion financière. Réussir le déploiement du paiement mobile, refondre le statut de la micro-

L’accélération de l’inclusion financière au Maroc repose sur 8 leviers stratégiques à engager.

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nclusion financière I

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aussi un levier central de la stratégie. Start-up, auto-entrepreneurs et autres entreprises actives dans l’informel ont des structures financières spécifiques et doivent être analysées, appré- hendées et financées de manière spécifique. La dématérialisation des paiements, l’éducation financière et le pilotage de la stratégie nationale sont aussi des leviers à part entière de cette stratégie. u

Mais le développement de ces modes de distribution n’exclut pas les modèles bancaires classiques, à travers par exemple la nécessité de lever les freins réglementaires à la bancarisation des segments exclus, en s’appuyant, entre autres, sur le rôle que peuvent jouer les banques publiques dans l’inclusion financière. Mettre en place un cadre et des outils facilitant le financement des TPE est

finance ou encore développer l’assu- rance inclusive sont les premiers leviers de cette stratégie. Ces modèles de distribution alterna- tifs, ayant fait leurs preuves dans des pays comparables, sont attendus pour faciliter l’atteinte par les populations les plus exclues, à moindre coût, et de manière adaptée à leurs spécificités, des produits financiers de base.

Le Conseil national : Il est chargé du suivi global de la stratégie, avec une possibilité de recadrer les priorités et les orientations stratégiques. Présidé par le ministre de l’Economie et des Finances et de la Réforme de l’Administration, le Conseil national est constitué des représentants de ministères, de régulateurs et des acteurs privés actifs dans la stratégie nationale d’inclusion financière. Il se réunit une à deux fois par an. Un comité stratégique : Il est en charge du pilotage de l’avancement des leviers, des décisions clés d’arbitrage nécessaires et de la mobilisation des parties prenantes impliquées. Présidé par le gouverneur de BAM, le comité stratégique est constitué de représentants du MEF et des sponsors des différents chantiers d’inclusion financière. Il se réunit 3 à 4 fois par an. Un comité de pilotage et de coordination : Il en charge de l’opérationnalisation de la stratégie, du pilotage opérationnel et du suivi de l’avancement des leviers. Ce comité est constitué de représentants de Qui fait quoi dans la stratégie nationale ?

BAM et du MEF. Il se réunit environ tous les mois. Les groupes de travail : il s’agit des équipes en charge de l’exécution des leviers d’inclusion financière. Chaque groupe de travail doit être piloté par un sponsor et réunir les parties prenantes impliquées dans la mise en œuvre des plans d’actions qui découleront de ses travaux. L’équipe de pilotage et de coordination : une équipe de BAM chargée de la coordination, du suivi des réalisations et des indicateurs, ainsi que de la préparation des instances. L’équipe doit élaborer les outils nécessaires permettant de suivre l’avancement des leviers et des indicateurs d’inclusion financière. Il sera aussi établi un rapport annuel par l’équipe BAM-MEF, qui fera l’objet d’une présentation au Conseil national de l’inclusion financière qui, sur la base de l’analyse du bilan, peut être à même de modifier et recadrer les orientations et leviers de la stratégie.

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nclusion financière I

Education financière

Un véritable enjeu de développement

L’éducation financière est désormais érigée en priorité absolue par les acteurs du marché, la Banque centrale en tête. L’outil technologique devrait servir de levier pour accélérer le processus.

“L ’ éducation financière est le pro- cessus par lequel des c o n s om - mateurs et/ou investisseurs amé- liorent leur connaissance des pro- duits, concepts et risques financiers et acquièrent au moyen d’une infor- mation, d’un enseignement ou d’un conseil objectif, les compétences et la confiance nécessaires pour : • devenir plus sensibles aux risques et opportunités en matière finan- cière; • faire des choix raisonnés, en toute connaissance de cause; • savoir où trouver une assistance financière; • prendre d’autres initiatives effi- caces pour améliorer leur bien-être financier ». C’est ainsi qu’elle est définie par l’Organisation de coopé- ration et de développement écono- miques (OCDE). Si une conception plus large étend désormais l’éducation financière à l’ensemble de la population, c’est qu’elle pose des enjeux de dévelop- pement très importants. A l’heure où les services financiers se développent de plus en plus, prenant appui sur la digitalisation accrue de l’économie, l’éducation financière est désormais érigée en priorité abso- lue par nombre de gouvernements,

d’autant qu’elle est devenue une problématique mondiale qui touche même les économies avancées. Début novembre, dans son interven- tion lors d’une rencontre organisée à l’occasion de la Journée mon- diale de l’épargne sous le thème «L’éducation financière à l’ère de la digitalisation : un levier pour la promotion de l’épargne» , le wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, faisait ainsi savoir qu’une enquête internationale sur l’éducation finan- cière des adultes, menée par l’OCDE et le Réseau international sur l’édu- cation financière (INFE) en 2016, a fait ressortir que même dans les pays développés, les niveaux d’éducation financière peuvent être relativement faibles. Ainsi, au Royaume-Uni, à titre d’exemple, à peine 47% des adultes ont atteint le score minimum requis pour les connaissances finan-

cières. De même, une enquête plus élargie (couvrant 140 pays) menée par S&P en 2014 avait montré qu’à l’échelle mondiale, seul un adulte sur trois possède des compétences financières. Par ailleurs, seuls 30% des habitants de la région Moyen-Orient Afrique du Nord (MENA) ont une connaissance financière qui leur permet d’accéder aux services financiers. En cela, le Maroc, qui a fait le pari de l’économie numérique et de l’inclu- sion financière, n’échappe pas à cette vague. C’est ce qui légitime, d’ailleurs, le Plan stratégique pour la période 2019-2023 adopté par la Fondation marocaine pour l’éduca- tion financière, dans le sillage de la mise en place par le Royaume d’une stratégie nationale d’inclusion finan- cière. Le constat est unanime : réussir cette stratégie nationale d’inclusion financière passe, d’abord, par le déploiement d’une stratégie d’éduca- tion financière cohérente et efficace devant permettre de fédérer tous ceux qui sont encore exclus du sys- tème financier en général. L’enjeu est tel que tous les acteurs du marché, notamment Bank

Seuls 30% des habitants de la région Moyen-Orient Afrique du Nord (MENA) ont une connaissance financière qui leur permet d’accéder aux services financiers.

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aux services financiers à la plus grande partie de la population» . A ce niveau, le Maroc dispose d’ores et déjà d’un atout de taille : le taux de pénétration d’Internet et de la télé- phonie mobile. Selon les résultats de l’enquête de collecte des indicateurs des tech- nologies de l’information et de la communication menée par l’Agence nationale de réglementation des télé- communications (ANRT) auprès des ménages et des individus au titre de l’année 2018, et publiés en juillet dernier, l’équipement des ménages en accès Internet s’élève à 74%, soit près de 6 millions de ménages. Ainsi, huit ménages sur 10 en milieu urbain sont équipés en accès Internet, et 6 ménages sur 10 en milieu rural, fait ressortir l’enquête, faisant état de l’équipement de 7 ménages sur 10 en Internet mobile et de la généralisation du smartphone parmi les jeunes. «La totalité des ménages est équipée en téléphonie mobile (99,8%), tant en milieu urbain que rural» , relève l’étude. En outre, «parmi les individus équi- pés en téléphone mobile, 75,7% pos- sèdent un smartphone, soit un total de 22,5 millions d’individus, enre- gistrant un accroissement de près de 1,2 million sur une année, moins importante qu’en 2017» . C’est pourquoi, rappelle Jouahri, «la Fondation marocaine pour l’éduca- tion financière a placé le digital comme un canal de premier plan pour la diffusion de ses contenus pédago- giques et le suivi de l’avancement du déploiement de ses actions». u

Les grandes institutions financières ouvrent régulièrement leurs portes aux jeunes élèves et étudiants.

financière à grande échelle. Les pla- teformes digitales, les applications mobiles, les vidéos pédagogiques en ligne ou encore les simulateurs sont autant d’outils efficaces pour faire comprendre les notions de base de l’éducation financière à une popu- lation de plus en plus connectée», estime Jouahri. D’ailleurs, la solu- tion de paiement mobile nationale interopérable et en temps réel mise en place par le Maroc s’inscrit dans cette optique, en ce qu’elle doit permettre, selon le gouverneur de la Banque centrale, «d’élargir l’accès

Al-Maghrib, l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC), l’Auto- rité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS), la Bourse de Casablanca, les banques… ont introduit cette notion d’éducation financière dans leurs plans d’action. D’ailleurs, dans le cadre de la deu- xième phase du Programme pays Maroc-OCDE pour la période 2019- 2021 et suite à la demande de Bank Al-Maghrib, l’inclusion financière et l’éducation financière ont été inscrits au niveau des axes de coopération avec l’OCDE. La technologie à la rescousse Selon Jouahri, «dans un pays comme le nôtre où près de quatre habitants sur dix vivent en milieu rural et où, selon les données de 2014, près de 32% de la population de 10 ans ou plus ne sait ni lire ni écrire, le développement de l’épargne passe également par l’alphabétisation et l’éducation financières». Quels leviers utiliser alors pour accélérer le niveau d’éducation financière de la population ? «Les nouvelles technologies offrent (…) de multiples possibilités pour le développement de l’éducation

L’AMMC se met en orbite

Dans le cadre de son plan stratégique 2017-2020, l’AMMC a déployé différentes mesures pour renforcer les moyens et capacités des opérateurs et des épargnants, mais aussi pour les sensibiliser aux meilleures pratiques en la matière. Ainsi, l’Autorité agit sur trois principaux axes, à savoir l’assise financière et moyens organisationnels, le dispositif d’habilitation, mais également l’éducation financière. Sur ce dernier volet, elle a déployé un programme renforcé d’éducation financière comprenant plusieurs actions annuelles à destination de différents publics et a procédé à la mise en place d’une équipe interne dédiée. Ces actions ciblées sont réparties dans le temps et exécutées en coordination avec l’ensemble des acteurs de l’éducation financière. «La stratégie vise à ce que l’investisseur ait une bonne compréhension du marché des capitaux, et des avantages et risques associés à l’investissement en instruments financiers» , informe l’AMMC.

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FINANCES NEWS HEBDO [ HORS-SÉRIE N°38 ]

Entretien nclusion financière I

Marché des capitaux

«L’éducation financière joue un rôle important dans la protection de l’épargne»

L’éducation financière fait partie intégrante du plan stratégique de l’Autorité marocaine du marché des capitaux. A la clé, une meilleure protection des épargnants et des intervenants. Le point avec Mouad Tanouti, directeur Normalisation et affaires juridiques au sein de l’Autorité.

Finances News Hebdo : Quelle place occupe l’éducation financière dans la stra- tégie de l’AMMC ? Mouad Tanouti : Dans le sillage de l’élar- gissement des prérogatives de l’AMMC et le renforcement de son indépendance, la promotion de l’éducation financière a été introduite en tant que mission de l’Auto- rité, au regard du rôle important qu’elle peut jouer dans la protection de l’épargne investie en instruments financiers. En ce sens, l’éducation financière est un

levier qui favorise un développement sain du marché des capitaux, dans la mesure où elle vise le renforcement des capacités des investisseurs à travers des actions ciblées ayant pour objectif de permettre une meilleure compréhension du marché des capitaux et des avantages et risques liés à l’investissement en instruments financiers. De ce fait, dans son plan stratégique 2017- 2020, l’AMMC a défini les orientations stra- tégiques suivantes, relevant du domaine de l’éducation financière : • Mettre en place une structure interne dédiée à l’éducation financière du grand public, avec la définition des moyens nécessaires en termes de ressources humaines, financières et organisation- nelles ; • Recourir aux technologies de l’informa- tion qui assurent une plus large diffusion et qui sont en adéquation avec les modes de communication des nouvelles généra- tions ; • Adopter une segmentation des cibles avec une approche et des moyens adap- tés ; • Œuvrer pour la recherche de synergies avec les autres acteurs (Bourse, autres régulateurs du secteur financier, associa- tions de protection des consommateurs, médias) directement ou à travers notam- ment la Fondation marocaine pour l’édu- cation financière ; • Construire un réseau de structures et de

personnes relais (formateurs, enseignants, écoles, etc.) pour faciliter la diffusion à plus grande échelle des connaissances relatives aux marchés de capitaux. F. N. H. : Quelles sont les actions princi- pales entreprises par l’AMMC dans ce sens et pour quel public ? M. T. : La mission de promotion de l’édu- cation financière se décline en la mise en place d’actions ciblées réparties dans le temps et exécutées en coordination avec l’ensemble des acteurs de l’éduca- tion financière. Concrètement, l’Autorité adopte une approche qui repose sur 3 dimensions : • Le développement de messages et de contenus clés permettant aux investis- seurs de mieux connaitre et comprendre le marché des capitaux, en l’occurrence, les produits financiers, les risques et les opportunités y afférents. Ces contenus prennent la forme de guides, d’animations vidéo, de messages de sensibilisation sur les réseaux sociaux, etc. • L’organisation d’évènements en pré- sentiel. Actuellement, l’AMMC participe activement à deux campagnes internatio- nales, lesquelles sont la Semaine interna- tionale de l’investisseur, évènement orga- nisé sous l’égide de l’Organisation interna- tionale des commissions de valeurs (OICV) et les Journées de la finance pour les enfants et les jeunes, évènement organisé

Mouad Tanouti

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Entretien nclusion financière I

(OICV), la «World Investor Week» (WIW) est désormais un rendez-vous annuel mobili- sant les Autorités de régulation financière dans le monde et auquel l’AMMC participe chaque année depuis son lancement. L’AMMC saisit cette occasion de grande envergure pour mener diverses actions d’information, de formation et de sensibi- lisation en lien avec sa mission de protec- tion de l’épargne investie en instruments financiers et de contribution à l’éducation financière des investisseurs actuels ou futurs. Chaque année, l’AMMC propose un pro- gramme riche et varié d’interventions au profit de cibles diversifiées, prenant la forme de conférences, de séances de for- mation et séances d’échange. La «World Investor Week» représente également une occasion pour la diffusion de connais- sances sur les différents concepts du marché des capitaux à travers les guides, brochures, etc. Les professionnels du sec- teur financier et des secteurs connexes, les étudiants de grandes écoles et uni- versités, les start-up et TPME constituent les principales cibles de l’AMMC dans sa participation à la «World Investor Week». D’année en année, l’AMMC étend le nombre d’interventions et élargit la sphère de ses interventions. Cette année, l’AMMC contribue activement à cette 3 ème édition avec un programme varié, dont principalement : • Le Lancement des travaux de développe- ment d’une application mobile en éduca- tion financière; • La publication d’un recueil de textes de lois et règlements ayant pour objectif de faciliter l’accès à la réglementation régis- sant le marché des capitaux marocain; • La présence sur deux réseaux sociaux : LinkedIn et Twitter pour interagir avec le grand public et diffuser des messages en éducation financière et protection des investisseurs; • La conception de capsules vidéo ayant pour objectif la vulgarisation des princi- paux concepts du marché des capitaux; • L’organisation de trois séminaires en faveur des étudiants des grandes écoles. En parallèle, différents acteurs du marché contribuent avec l’AMMC à ce programme et proposeront au cours de la période plu- sieurs actions pédagogiques en faveur de leur public visé. u

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annuellement par la Fondation courant les mois de mars-avril de chaque année et ayant pour objectif de rapprocher les enfants et les jeunes du monde de la finance et les préparer à la prise de déci- sions financières, en tant qu’adultes de demain. L’AMMC prévoit d’étendre l’éventail des interventions, en partenariat avec la Fondation et profiter de l’étendue du réseau de cette dernière, en vue de dissé- miner les messages d’éducation financière et de sensibilisation à plus grande échelle. F. N. H. : Vous participez à la «World Investor Week*» pour la troisième année consécutive ? Quel bilan tirez-vous des premières participations et comment s’or- ganise votre participation cette année ? M. T. : Initiée en 2017 par l’Organisation internationale des commissions de valeurs

L’AMMC mobilise l’ensemble des professionnels du marché lors de la «World Investor Week».

par la Fondation marocaine pour l’éduca- tion financière, en partenariat avec l’ONG internationale Child and Youth Financial International (CYFI). Ces occasions de par- ticipation en présentiel sont amenées à s’élargir, que ce soit en termes du nombre d’interventions que des cibles visées. • Le recours de plus en plus aux outils digitaux pour les programmes d’éducation financière, notamment à travers l’usage des réseaux sociaux pour la diffusion de messages d’éducation financière, le développement d’une application mobile pour attirer le public des jeunes vers les thématiques de l’éducation financière et le recours aux «Webinars» pour une diffu- sion plus élargie de contenus. F. N. H. : L’AMMC est un acteur actif de la Fondation marocaine pour l’éduca- tion financière. Comment s’articule votre action au sein de la Fondation et pour quels résultats ? M. T. : En tant que membre fondateur de la Fondation marocaine pour l’éducation financière, l’AMMC oriente son action au sein de la Fondation essentiellement vers le développement de la culture financière des Marocains sur les volets épargne et investissement. Aujourd’hui, l’AMMC participe activement à la campagne «Journées de la finance pour les enfants et les jeunes» organisée

L’AMMC prévoit d’étendre l’éventail des interventions, en partenariat avec la Fondation marocaine pour l’éducation financière.

*A noter que la campagne WIW se dérou- lera pendant tout le 4 ème trimestre 2019.

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Entretien nclusion financière I

Dans cet entretien, Bank Al-Maghrib revient en détail sur la stratégie nationale d’inclusion financière, ses leviers, sa gouvernance… La Banque centrale explicite aussi les objectifs qu’elle souhaite atteindre à moyen-long termes. Les détails avec Hakima El Alami, adjointe au responsable du département de surveillance des systèmes et moyens de paiement et de l’inclusion financière au sein de Bank Al-Maghrib. «Le Maroc veut dépasser le niveau de pénétration des pays comparables»

Finances News Hebdo : La stratégie natio- nale d’inclusion financière a découlé d’une initiative conjointe du ministère de l’Economie et des Finances et de Bank Al-Maghrib. Quel en était le point de départ ? Hakima El Alami : Erigée en tant qu’enga- gement fort de Bank Al-Maghrib depuis plus d’une décennie, l’inclusion finan- cière est l’un des principaux vecteurs d’une stratégie globale du développe- ment du secteur financier, dont les premiers jalons ont été mis en place en 2007, visant à la fois l’approfondissement du marché bancaire national, le déve- loppement intégré du secteur financier à l’horizon 2020 et le positionnement de notre pays comme hub financier régional.

et des Associations professionnelles du secteur financier. Un Comité stratégique en charge du pilotage de l’avancement des leviers, des décisions clés d’arbitrage nécessaires au fil de l’eau et de la mobilisation des par- ties prenantes impliquées. Ce comité est présidé par le wali de Bank Al-Maghrib et constitué de représentants des minis- tères et des institutions membres du CNIF. Et un Comité de pilotage et de coordination en charge de l’opération- nalisation de la stratégie, du pilotage opérationnel et du suivi de l’avancement des leviers. Ce comité est constitué de représentants de Bank Al-Maghrib et du ministère de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’Administration. Les travaux de la Stratégie nationale d’inclusion financière ont été lancés en 2016, suivant 3 phases principales. La première est l’analyse de l’état des lieux de l’inclusion financière aussi bien du côté de l’offre que du côté de la demande. Cette phase a permis d’iden- tifier les freins à l’inclusion financière, mais aussi les pistes à explorer. Vient ensuite la formulation de la straté- gie dans un cadre participatif qui associe les acteurs des secteurs public et privé. C’est dans ce cadre que la vision, les ambitions et les leviers de la stratégie ont été définis et soumis à la validation du Conseil national d’inclusion financière lors de sa réunion du 1 er avril 2019. Et, enfin, la mise en œuvre des leviers : suite à sa première réunion du 12 juin 2019, le Comité stratégique a validé la démarche de mise en œuvre et a lancé les groupes de travail techniques. Ces

Dans ce cadre, et grâce à la forte impli- cation des acteurs publics et privés, de nombreuses initiatives ont été entre- prises ayant permis le développement de produits financiers adaptés, le renforce- ment des réseaux bancaire et assurantiel, la mise en place d’infrastructures d’infor- mation financière, l’amélioration de la relation banques/clients et la promotion de l’éducation financière des différents segments de la population. Malgré les progrès réalisés, force est de constater que des défis majeurs per- sistent en termes d’accès et d’utilisation des services financiers formels pour les segments les plus défavorisés (notam- ment les femmes, les ruraux, les jeunes de moins de 25 ans, les populations les plus modestes et la TPE), ce qui rappelle la nécessité de dynamiser et de fédérer les efforts dans ce domaine. C’est ainsi que le ministère de l’Econo- mie, des Finances et de la Réforme de l’Administration et Bank Al-Maghrib ont pris l’initiative de lancer le processus de développement d’une stratégie nationale d’inclusion financière. F. N. H. : Comment cette stratégie s’est- elle concrétisée aujourd’hui ? Y a-t-il une structure de gouvernance qui pilote et coordonne les travaux ? H. E. A. : La structure de gouvernance repose sur 3 instances. Un Conseil natio- nal (CNIF) en charge du suivi global de la stratégie, avec une possibilité de recadrer les priorités et les orientations stratégiques. Ce Conseil est présidé par le ministre de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’Administration et regroupe des ministères, des régulateurs

Hakima El Alami

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Bank Al-Maghrib a lancé cette année une enquête sur les habitudes de paiement des différents segments de la population.

l’inclusion financière par les banques. 5. Mettre en place un cadre et des outils facilitant le financement des TPE et des particuliers. 6. Accélérer la dématérialisation des paiements. 7. Renforcer et coordonner les actions d’éducation financière. 8. Mettre en place un dispositif de pilotage et une gouvernance dédiée à l’inclusion financière. F. N. H. : Sur le volet technologique, quelles sont les actions ou les études que mène Bank Al-Maghrib actuellement pour développer sa politique d’inclusion financière ? H. E. A. : Consciente de l’importance de la recherche pour une meilleure com- préhension des besoins et du compor- tement financier des populations cibles, Bank Al-Maghrib a initié des travaux spécifiques portant sur différents axes de l’inclusion financière. Lancée au cours de cette année, une enquête sur les habitudes de paiement vise à évaluer les habitudes de consom- mation des moyens de paiement par la population afin d’identifier les détermi- nants d’adoption et de choix à un niveau microéconomique. Cette enquête permettra de définir un cadre de référence pour l’évaluation de l’impact de la solution du paiement mobile sur l’utilisation et les habitudes de paiement des différents segments de la population. En outre, un baro- mètre de la capacité financière servira d’outil de mesure des compétences et du comportement financier. Il repose

sur un scoring des différents axes et composantes de l’éducation financière « connaissances, attitudes, compétences et comportement ». Il permet ainsi d’in- former les politiques d’inclusion finan- cière et de mesurer leur impact. A cet effet, Bank Al-Maghrib a lancé le processus de sélection d’un prestataire qui sera mandaté pour la conduite de la première étude au Maroc. F. N. H. : Quelles sont les ambitions que vous souhaitez atteindre à moyen-long terme ? H. E. A. : La Stratégie nationale d’inclu- sion financière se fixe comme vision : « Un accès pour l’ensemble des individus et entreprises à des produits et services financiers (transactions, paiements, épargne, financement et assurances) pour une utilisation adaptée à leurs besoins et à leurs moyens, afin de favo- riser l’inclusion économique et sociale ». Pour concrétiser la vision cible, la straté- gie s’est donnée 3 ambitions majeures : atteindre, puis dépasser le niveau de pénétration «pertinent» pour le Maroc qui correspond au niveau observé dans des pays comparables. Réduire les écarts d’inclusion les plus significatifs à travers le développement de solutions abordables et simples d’usage ainsi que le renforcement de la capillarité et de la proximité des points d’accès et l’éducation financière. Et tirer profit de l’inclusion financière comme levier d’inclusion économique et sociale en optimisant l’additionnalité des leviers d’inclusion financière par rapport aux politiques sectorielles. u

derniers ont pour mission principale d’établir la feuille de route détaillée de la stratégie et d’en assurer le suivi. La feuille de route devrait être soumise à la validation du Comité stratégique lors de sa 2 ème réunion. Pour sécuriser la mise en œuvre des leviers et de la feuille de route qui en découle, une structure de gouver- nance dédiée est mise en place afin de répondre à plusieurs enjeux. Le premier étant le pilotage de la stra- tégie en cadrant les orientations stra- tégiques et en suivant l’exécution des feuilles de route. Ensuite, l’organisation de l’exécution des projets de la stratégie et s’assurer de l’adéquation des moyens mis en œuvre. Il y a aussi la coordination et le suivi de l’avancement et des indicateurs des dif- férents chantiers. Et enfin, la communica- tion sur le plan de l’inclusion financière et la mobilisation des parties prenantes. F. N. H. : Quels sont les leviers sur lesquels repose la Stratégie nationale d’inclusion financière ? H. E. A. : Suite à un diagnostic approfondi et à une analyse des freins à l’inclusion financière et des pratiques internatio- nales, 8 leviers stratégiques ont été définis : 1. Réussir le déploiement de la solution paiement mobile. 2. Refondre le statut de microfinance pour en faire un levier plus fort d’inclu- sion. 3. Définir et accélérer le développement d’une assurance plus inclusive. 4. Créer les conditions d’accélération de

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